Xavier Bertoni, l'Or des X Games - Vidéo

Aspen se réveille sous la neige, même pas de gueule de bois, cherchez l'erreur.

L'erreur c'est que Xavier Bertoni, n'a pas 21 ans. Et ici, celà veut dire qu'il ne peut même pas rentrer dans un bar, ni dans la soirée officielle Freeskier (qui du coup ne rassemble que les croutons, sorry guys). Bref, le quotidien de millions de jeunes adultes aux US, pas de quoi en faire un flan. Sauf que j'ai oublié un détail : Xavier vient de faire sauter la banque en raflant au nez et à la barbe des favoris américains la médaille d'Or du prestigieux Superpipe des X Games. Tous les projecteurs sont en train de se braquer sur lui, mais il serait bien en peine ce soir de redistribuer les traditionnels 10% de Prize Money dédiés à la fête (ce qui aurait fait 3500 $ quand même), ou même de prendre une simple bière dans un bar. Retour sur une folle finale.


Qualifiés en seconde et quatrième position la veille, avec la bénédiction du Parrain Tanner Hall, Xavier Bertoni et Kevin Rolland confirmaient qu'ils avaient la volonté, et le niveau, de faire de grandes choses. Comme nous le confiait Kevin dans cet interview il y a quelques jours à Breckenridge : "tout est possible mais il faudrait être dans un bon, dans un trèèèèès bon jour". C'était prémonitoire, car ce jour, ce jeudi 22 janvier, s'il ne fût malheureusement pas le sien, a été celui de son inséparable compagnon de ride et de déconne, Xavier Bertoni.

Réglé comme une horloge dès les trainings, mis en confiance par les qualifications et armé d'un mental à toute épreuve, Xavier a abordé la compétition avec une détermination sereine mais inébranlable. Alors qu'ESPN focalise sur le duel tant annoncé entre Simon Dumont et Tanner Hall, avec de la musique qui fait frissonner et une grosse voix off à la hauteur de la gravité de la bataille qui va se jouer sous les projecteurs du superpipe d'Aspen, et alors que cette phrase s'éternise, Xavier Bertoni lui est là pour skier, et pour gagner.
Le premier run confirme la forme de Justin Dorey qui score 83.33 points, alors que Simon Dumont, que l'on sent fébrile à l'extrême, chute. Xavier Bertoni part avant dernier et pose son run. 87.66 points, en tête avant le passage de Tanner. qui tombe aussi. On ne veut pas se précipiter, c'est le premier run sur trois, Xavier est en tête OK mais on sait que pour faire un podium il faudra enfoncer la barrière des 90 points. Tanner et Simon sont des guerriers et vont se battre, cela ne pourra pas suffire..
Illustrant ce propos, Simon Dumont reprend la tête avec 90 points, lors de son second run. Xavier est donc second avant son passage et celui de Tanner. Kevin Rolland, qui pose son double (!) ne récolte que 50 points, le prix à payer pour une réception un peu limite et un run globalement moins ample.
Alors que je calcule prudemment (point s'emballer il ne faut) les probabilités pour le français de maintenir le podium (excellentes, Justin Dorey ayant chuté dans son second run), Xavier n'est absolument pas dans ce genre de considérations futiles, et s'élance pour gagner. Car lui sait qu'il a LE run, et que c'est maintenant qu'il faut frapper fort, chercher le KO. Unnatural 1260 posé comme une fleur (son joker), amplitude maintenue tout au long du run, technicité incroyable, alley oop flat 3 à pleurer de style... Il ne peut que passer en tête. Et tombe la note : 93.66 points. Les yeux brillent, le scenario qui s'écrit sous nos yeux prend des airs de conte de fée. Un score de médaille d'Or, mais qui fait aussi que l'argent ne suffirait plus à notre bonheur. Un score qui semble impossible à améliorer en l'état tant le run de Xavier était parfait.

Troisième et dernier run, Simon Dumont fait gros laissant juste transparaître quelques minimes imperfections. Quoiqu'il en soit, à ce niveau, le coeur bat très fort en attendant le verdict des juges. 91 points. Xavier sera sur le podium, c'est sûr maintenant, il est impossible que Tanner, Kevin et Justin scorent chacun plus de 93.66 points. On ne le souhaite pas vraiment pour tout dire, sauf pour Kevin qui s'élance mais chute, garantissant un podium à son camarade, mais nous privant du bonheur de les voir le partager. Il s'isole alors quelques instants pour digérer la déception et pouvoir féliciter son pote le moment venu.
Justin Dorey n'améliore pas son score, cela va donc se finir entre Tanner et Xavier. Soit l'américain arrive à se transcender, et on sait tous qu'il en est capable, soit la "France sera -pour de bon- dans la place" comme il le confiait à l'issue des qualifs. Et l'élève aura alors dépassé le maître.

Xavier, sans surprise, n'améliore pas son score. La foule hurle, le clan français bloque son souffle, alors que Tanner Hall s'élance pour quelques dizaines de secondes qui peuvent tout changer. Massif, le run de Tanner est massif, l'attente du score est insupportable, mon objectif fait des aller-retours entre le visage de Xavier et le tableau d'affichage des scores. Impossible de choisir. Puis ce dernier délivre son message : 92 points.

Alors que les larmes montent aux yeux des plus émotifs, Xavier Bertoni entre dans l'Histoire du ski freestyle, parfait représentant, avec Kevin, de la nouvelle génération du Ski Freestyle français : une génération libérée de tout stéréotype, qui a compris que le seul talent n'était plus suffisant sans travail. Une génération qui ne se prend pas la tête, qui skie, et qui à l'occasion comme ça, remporte les X-Games.

Merci.

épiloque : nous finirons en petit comité, même pas une dizaine, dans une pizzeria miteuse d'Aspen (si si, ça existe). Bière coupée à l'eau pour les grands, Pepsi pour les petits. Pas de limousines ou de fans en délire, les autres clients nous regardent bizarrement alors que les images de la finale apparaissent sur la TV, sous nos hurlements. Le moment est historique, et c'est la seule chose qui compte.
Xavier ne réalise pas, mais ça viendra. Car aujourd'hui, il est le meilleur skieur de halfpipe de la planète.

txt et photos : Guillaume Lahure
vidéo : filmage Nico Favre et Onno Bosch, montage Nico Favre
note sur la vidéo : les images d'action dans la vidéo sont les images des trainings ayant eu lieu juste avant la finale, ESPN n'autorisant pas l'utilisation d'images des finales. En revanche, les sons sont les bons. On est malins.