Big Air Tignes Airwaves

Depuis quatre ans, l'année débute avec les Tignes Airwaves, la grenouille française qui voulait se faire plus grosse que le boeuf X Games. Cette cinquième saison semble être un tournant pour l'évènement. La parenté avec les X Games est toujours revendiquée, mais la particularité des Airwaves est assumée : on garde l'ambition d'un évènement freestyle européen majeur, on ajoute un format original de Rider's cup en duel et un start-list resserrée. Evidemment, ce ne sont pas les X Games (pas le plateau, pas le public, pas la retransmission en direct, pas le show, pas Tanner), mais pour un evènement français (et européen), c'est impeccable. 

La première épreuve de Big Air hier soir l'a prouvé. La bosse était très propre, pas spectaculaire ni historique, mais à la parabole esthétique. Le freestyle a pris un  coup de pied à l'arrière-train ce dimanche, sur cette table. Les riders étaient ravis de la qualité du saut et le déchaînement de doubles, dès les entraînements, l'a prouvé. On se souvient du catastrophique quarter de l'année dernière... Le pipe, lui, est tiré au cordeau et on attend avec impatience les premiers assauts de skieurs énervés.

Le nombre réduit de riders (uniquement des skieurs), 8 par équipes soit 16 au total, et le format en duel, améliore la lisibilité de l'épreuve, concentre le talent sur un nombre plus réduit de runs et, mécaniquement, la moyenne générale de la classe augmente. Et puis dans le froid mordant de la nuit tignarde, une épreuve courte et dense était bienvenue.
L'enjeu n'est plus individuel (monter sur la première marche du podium avec son gros chèque) mais collectif : faire gagner son équipe. Comme le dit Lolo Favre : "on sait qu'on peut faire de la merde, comme à l'instant sur mon dernier run, parce que les autres peuvent te sauver la mise !". Version JL : "on est une équipe, on met tous à la pâte".

Parmi les beaux moments de la soirée, on retient :
-Ian Cosco (ce garçon a décidément du style) n'a replaqué son double 1260 qu'une seule fois (alors qu'il l'avait posé comme une fleur en entraînement), ce qui permet à Kevin Rolland, décidément le héros français de cette journée placée sous le signe bénéfique du kangourou, de s'imposer dans le deuxième duel avec un kangourou parfaitement maîtrisé. "Contre Ian Cosco, qui envoyait un double cork 1260 et de beaux switch 1000 mute, il fallait être parfait pour le battre". L'autre frenchie au sommet de la parabole était Loïc Collomb-Patton et ses doubles. "Je l'avais testé aux Diablerets cet automne, je m'étais mis une grosse ratasse, et comme la table est vraiment bien ici, je l'ai passé", commente-t-il avec son laconisme habituel.
-JL Ratchel a posé un très beau cork 9 tail pour gagner contre Dane Tudor, "j'ai mis beaucoup d'air et je l'ai posé bas pour faire la différence avec le premier cork tail de Dan", explique un JL tout content de lui.
-Lolo Favre, un peu triste, n'avait pas l'air à sa place, dépassé probablement par la féerie de rotations et de doubles étincelants, double qu'il n'a pas osé tenter avec sa periostite, "je le passerai en backcountry, je me le réserve".
-TJ Schiller manque de réussite et se boite sur ses deux runs, laissant les deux duels à un Thomas Krief très propre en cab 1000 mute.

Egalité de points, 4 à 4 à la fin de la première manche, et 2 à 6 en faveur des Européens dans la seconde. A l'issue de cette première journée de ligue 1 ici sur le stade olympique de Tignes, l'équipe européenne mène 6 à 10. La suite et la fin de la Rider's Cup (un format hérité du golf) lundi soir dans le half-pipe. La composition du panel de juges, deux Européens + un Américain pour le big air, s'inversera pour le pipe.

"C'est super intéressant de voir le niveau de cette année, sur cette compétition. Avant on était en switch 7, 9 ou 1000, et là, d'un coup, 12 skieurs sur 16 essayent des doubles, c'est une énorme évolution. En tout cas les Américains rident fort en big air, mais on n'a rien à leur envier", conclue Kevin qui en sait quelque chose puisqu'il est allé lui-même les chatouiller au Dew Tour. La grenouille frenchie n'est pas un boeuf, et c'est tant mieux.

Vidéo : Nicolas Favre/Wild Rush pour skipass.com
Texte : Guillaume Desmurs
Les photos qui déchirent : Dom Daher/Tignes Airwaves
Les photos moins bien : Guillaume Desmurs