Interview : Marion Haerty, rideuse engagée

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Interview : Marion Haerty, rideuse engagée

Entretien avec la snowboardeuse qui vient de décrocher un troisième titre de championne du monde
article Marion haerty
Low_ci
Photos :
David Malacrida

Après sa victoire il y a quelques jours sur l'étape de Fieberbrunn, Marion remporte son 3ème titre de championne du monde avant même la finale qui se déroulera à Verbier du 28 mars au 5 avril. 

Elle devient alors la première femme avec autant de titres dans cette discipline. Coïncidence, nous l'avons interviewée peu avant son sacre (juste avant l'étape de l'Andorre) pour en savoir plus sur sa saison au FWT et ses projets.

Mais d'où vient Marion ? 

Originaire de Colmar, Marion est arrivée très jeune dans la banlieue grenobloise et s'est prise de passion pour les sports de glisse, en particulier le snowboard. A l'âge de 13 ans, elle commence la compétition en slopestyle, half-pipe et boardercross. Très vite, son entraineur voit en elle un gros potentiel freeride. En 2014, le slopestyle est alors introduit au programme des JO à Sotchi, Marion tente donc de se qualifier ; mais le niveau international est trop dur à rattraper. Durant l'été 2015, elle doit subir une lourde opération de greffe osseuse à la cheville, ce qui remet en question sa carrière dans le snowboard. A la suite de ces évènements, Marion décide alors de retrouver les plaisirs simple de la glisse, du snowboard et de la montagne, pratiquer le snowboard uniquement pour elle et non plus pour la performance.

Au début de la saison 2015, Marion s'essaye alors au Freeride World Qualifier et est très vite propulsée au FWT, à Verbier, où elle finit à la 3ème place ! Elle deviendra par la suite triple championne du monde de Freeride (2017, 2019 et 2020) et vice championne du monde (2018).

Le Freeride World Tour

- Skipass : C’est ta 5ème participation au FWT, est-ce que tu as toujours la même envie qu’avant ?

J’ai toujours la motivation de rider, sur les compétitions j’essaye d’avoir des nouveaux challenges chaque année pour ne pas tomber dans la routine. Cette année, j’ai pris un coach en freeride pour  faire des lignes un peu plus jolies.
A chaque étape, j’essaye de faire une partie voyage et découverte et pas seulement la compétition, sinon je me lasse de faire la même chose à chaque fois.

- Skipass : Comment envisages-tu l’après FWT ?

Je ne sais pas trop encore, ça dépendra de plein de choses mais je ne préfère pas m’avancer là-dessus. Ça dépendra entre autres des résultats que je fais cette année, mais j’ai pas mal de projets pour l’année prochaine.

- Skipass : Est-ce que tu as tout de même le temps de rider pour toi, malgré ta participation au FWT sur une saison ? 

Tout dépend de notre chance avec la météo, nous pouvons parfois rester juste 2 jours au même endroit et ensuite rentrer chez soi, ou alors rester 10 jours en attendant qu’une fenêtre météo se libère et dans ce cas là, ça peut vite prendre du temps dans la saison quand on compte 10 fois 5 jours. Mais lorsque la chance est avec nous, cela nous laisse le temps d'avoir un projet vidéo à côté, de s'engager dans d’autres choses. Ce n'est pas comme en slopestyle par exemple, où ils ont beaucoup plus de compétitions que nous (des fois 10 ou 15 par saison).

L'avant saison

- Skipass : Comment te prépares-tu avant une saison d'hiver ?

Je fais pas mal de montagnes, d’activités différentes pour ne pas tomber dans la routine, mais j’ai quand même un programme à respecter pour réussir à évoluer au niveau de ma préparation physique. Ça va passer par des basiques à la salle avec du renforcement musculaire au dos, aux genoux, aux chevilles. Je le fais au quotidien à l’automne, c’est un gros bloc de ma préparation. Ça m'arrive aussi pendant la saison, quand j’en ai l’occasion ou que j’en ressens le besoin pour refaire des abdos, du gainage.

Un prize money égalitaire

- Skipass : Cette année le prize money est devenu égalitaire entre hommes et femmes, qu’est-ce que tu penses de cette évolution, et qu’est-ce que tu réponds à ceux qui sont contre ?
Je réponds à ceux qui sont contre l’égalisation qu’ils sont encore au 18ème siècle, maintenant on vit dans une époque où l’égalité H/F est partout, que ce soit dans l’économie, la politique ou le sport. Il y en a qui rouspètent car, surtout en snowboard, on n'est pas nombreuses au départ mais mon énergie sur l'année est la même, je vais à la salle d'entraînement comme les gars, je vais m’entrainer tous les jours comme les gars et oui, on a envie d'être sur le même pied d’égalité. Ce n’est pas tant une histoire d’argent mais plutôt du message qu’il y a derrière, le respect que les gens ont pour l’engagement qu’on donne et ce qu’on fait tous les jours.
Le FWT a décidé d'égaliser le prize money cette année, il y a eu un gros débat l'été dernier, nous avons eu beaucoup d’échanges entre les riders du board (PFB) ; ce sont un peu les délégués de classe de chaque discipline, et les personnes qui s’occupent du World Tour.
Personnellement, je pense surtout aux prochaines générations, leur donner une chance d’évoluer et d’avoir un peu plus de moyens pour non pas aller bosser tous les étés, les automnes et les printemps pour financer leur saison mais pouvoir se concentrer pleinement à leur sport. Cette évolution donnera peut être des chances aux petites filles ces prochaines années d’avoir plus de possibilités pour pousser leur sport.

En 10 ans de carrière de snow, je vois vraiment des choses positives qui arrivent en tant que femme, je pense que dans le futur ça ne sera que positif pour le freeride.

Marion Haerty

Les Athlètes

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- Skipass : Nous lisons souvent des commentaires se plaignant du niveau des filles en freeride, notamment en snowboard. Qu'en penses-tu ? 

Je sais que le niveau du snowboard féminin est beaucoup critiqué cette année, mais je fais de mon mieux pour donner une bonne image du sport féminin et continuer à faire évoluer le mouvement général de l’outdoor dans ce sens.
C’est aussi à nous de professionnaliser notre sport et montrer que les snowboardeuses en freeride sont autant pro que des riders en snow ou ski, donc c’est aussi à nous de se bouger pour montrer qu’on ne se tourne pas les pouces pendant l’hiver.
Pour ma part, je donne le maximum tous les jours pour augmenter mon niveau, je me donne toute entière à ma carrière et je ne vois pas pourquoi on devrait faire une différence entre les hommes et les femmes par rapport à ça.

Derrière les bureaux, c’est de plus en plus des femmes qui dirigent les budgets des marques donc les temps changent.

Marion Haerty

- Skipass : En parlant du sport féminin, l’image de la femme sportive prend de plus en plus de place dans les sports d’hivers, est-ce que tu le ressens aussi dans le freeride ?

Je pense que tout ce mouvement créé dans la société a débordé dans les l’industrie de l’outdoor. Depuis environ 3 ans, les marques ont commencé à évoluer et amener une certaine égalité H/F, au niveau budgétaire ils essaient d’égaliser les choses aussi car, derrière les bureaux c’est de plus en plus des femmes qui dirigent les budgets donc les temps changent. Par exemple, The North Face se bouge énormément pour qu’il y est une égalité H/F, quitte à enlever des mecs dans leur team athlète pour laisser plus de places aux filles. Nous avons aussi eu un nouveau contrat cet été, avec une nouvelle clause pour préciser que si l’on tombait enceinte demain, The North Face continuerait à nous aider financièrement et n’annulerait pas le contrat. Rossignol évolue aussi dans ce sens, ils s’ouvrent de plus en plus aux femmes et ont lancé des campagnes comme We Rise.
En 10 ans de carrière de snow, je vois vraiment des choses positives qui arrivent en tant que femme, et cela nous permet de faire bouger les choses, de se professionnaliser d’avantage, je pense que dans le futur ça ne sera que positif pour le freeride.

C’est pour ça que je suis ici, pour l’amour de la montagne.

Marion Haerty

- Skipass : Tu a pu faire de beaux runs, surtout ton run d'ouverture à Kicking Horse faisait plaisir à voir, on sentait que tu te faisais plaisir à rider et pas seulement à aller chercher des points. Ça avait l’air plus fluide et naturel et moins “je vais chercher la ligne qui fait des points”. Cette obsession du point dénature parfois un peu le freeride, alors quand on voit des riders qui semblent se faire plaisir sans forcément vouloir à tout prix scorer et qu'en plus ça paye, c’est agréable.

Oui en effet, (rire) ça fait plaisir à entendre, justement avec mon nouveau coach nous avons mis en place de nouvelles choses et il m’apporte vraiment une approche différente de mes lignes, ce qui a une répercussion directe sur mes runs en compète, c’est cool !

- Skipass : Si tu devais faire un bilan rapide de ton expérience WT, qu’est ce que ça t’a apporté de plus aussi bien au niveau humain qu’au niveau ride ?

Sur ces 5 saisons, cette expérience m’a beaucoup fait évoluer que ce soit humainement parlant et sur ma planche. Découvrir cette discipline m'a apporté de la fraicheur et faire le tour de tout ce que peut offrir le freeride est juste génial, c’est illimité.
Sur le plan humain, j’ai beaucoup appris sur moi-même, par rapport à la compétition, sur la gestion émotionnelle et, quand tu apprends sur toi-même, tu apprends automatiquement sur les autres. Plus j’avance et plus je me fais plaisir à comprendre l’humain.

Une rideuse engagée

- Skipass : Tu es engagée dans différentes associations comme Riders for Refugees, quel est ton rôle et pourquoi cela te tient à coeur ?

Nous avions commencé avec Coline Ballet-Baz à faire des actions du même genre au Snow Garden Festival. On redistribuait des fringues à des associations comme la Croix Rouge, etc. Puis David Malacrida -un très bon ami à moi- a repris l’association Riders For Refugees. Quand j’ai été au courant de ce qu’il se passait à quelques kilomètres de chez moi ; des jeunes étaient retrouvés dans la neige inertes, j'ai été beaucoup touchée de savoir qu’il se passait ce genre de choses dans nos montagnes, ce n’est pas acceptable. C'est pour cette raison que j’ai voulu mettre mon énergie dans cette association.
En tant que rider, nous sommes tellement gâtés avec les vêtements, le nombre de fringues qui trainent dans nos armoires, des écharpes, chaussettes, etc c’est dommage de les laisser de côté. Il y a aussi des SAV qui sont jetés chaque année, ce sont des tonnes et des tonnes d’affaires qui ne servent pas parce qu’il y a un petit truc/zip qui est cassé, une fermeture abimée, un petit trou, etc. Ça rentre aussi dans l’univers de l'éco responsabilité, nous faisons de la seconde main et c’est un geste de plus pour la planète.

Et le futur ?

- Skipass : Depuis un an et demi tu t’es installée à Chamonix, est-ce que tu vas aller vers une approche différente de la montagne ?

Disons que j’ai un peu mis le pied dedans pour mon projet vidéo que j’ai sorti cet automne (ci-dessous, "Insitu"), sortir du freeride de proximité, Chamonix s’y apprête bien pour ce genre d’activité, avec cet aspect haute montagne. C’est quelque chose qui m’attire et j’aime apprendre de nouvelles choses dans cette discipline donc quand on habite là-bas, il y a toujours de nouvelles choses à faire, à découvrir, je ne m’ennuie jamais. Pour les prochaines années, c’est sur que c'est un endroit que j’ai envie de plus exploiter, explorer et pourquoi pas faire une saison juste à Chamonix et profiter du domaine parce que, finalement, je suis tout le temps en train de voyager, de faire et défaire mes valises et je n’ai pas le temps de profiter du domaine malheureusement.

- Skipass : Est ce que tu as un nouveau projet de film après Insitu ?

Non, je n’ai pas de projet perso cette année mais je participe à plusieurs projets vidéos dont celui de Coline, elle navigue dans plusieurs domaines du ski, snowpark, backcountry, freeride et street et là, nous allons commencer à filmer la partie freeride donc c’est super chouette !

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