La réputation de la Nendaz Freeride n'est plus à faire : lancée il y a une dizaine d'années, cette compétition s'est hissée jusqu'au rang de Freeride World Qualifier 4*, le plus haut niveau avant le Freeride World Tour. La face de la finale, sur le Mont Gond, est parfaite pour offrir un gros show : pentue mais pas trop raide, avec de nombreuses possibilités de lignes et de sauts.
Depuis quatre hivers, cette finale était même retransmise en direct, pour notre plus grand plaisir, notamment l'année dernière : le cru 2016 avait été démentiel, c'est pourquoi nous avions signé de suite pour couvrir sur place l'événement cette année.
Il y a quelque chose avec la Nendaz Freeride. Si vous baignez un petit peu dans le monde des compétitions de freeride, vous en avez forcément entendu parler un jour, surement par quelqu'un qui a vu un run complètement fou comportant probablement un backflip, voire plusieurs. Et si c'est quelqu'un qui y a participé ou qui simplement était sur place lors d'une des éditions, il aura surement des étoiles dans les yeux, que ce soit en repensant au spectacle du Mont Gond ou à la soirée qui a suivi. Sans plus attendre, si vous avez raté les épisodes précédents, un rattrapage s'impose.
Juste pour vous donner un ordre d'idée, plusieurs riders du Freeride World Tour étaient attendus pour la finale de cette édition : Leo Slemett, Ivan Malakhov, Carl Renvall et Yann Rausis.
Nous étions donc sur place dès le premier jour de la compétition, consacré aux qualifications. Au total, 120 riders étaient inscrits à l'événement, toutes catégories confondues : skieuses, skieurs, snowboardeuses et snowboardeurs. Parmi eux, seuls 50 seraient sélectionnés pour aller en finale sur le Mont Gond, se divisant ainsi : 25 skieurs, 11 snowboardeurs, 8 skieuses et 6 snowboardeuses.
Dès ce premier jour, les conditions de neige compliquent la tâche des organisateurs. Cyril Lanfranchi, le directeur, nous explique que les deux premiers choix, les faces A et B, sont parties en avalanches lors de la sécurisation. L'organisation s'est donc rabattue sur la troisième option, la face utilisée par la Nendaz Freeride Junior quelques jours plus tôt, sous le Plan-du-fou.
La face fait environ 300m de dénivelé, située à proximité d'un téléphérique qui arrive directement au départ de la course : très pratique pour bien repérer sa ligne sous tous les angles. C'est une situation intéressante car les possibilités sont limitées et les conditions de neige très changeantes, devenant particulièrement mauvaises voire difficiles au fur et à mesure de la descente. Les riders, tous très motivés pour aller en finale, vont devoir donner le meilleur d'eux-mêmes pour assurer le show en étant créatifs et tout en restant sur leurs pieds. Dans ces conditions de neige très difficiles, le moindre saut impacte fort et demande de gérer sa vitesse derrière.
Nous arrivons sur le terrain alors qu'un jeune rider français, Pierre Houillon, vient de poser un beau backflip. La compétition vient juste de commencer, alternant skieurs avec les autres catégories grâce à deux panels de juges différents. Un autre jeune français s'élance, Luighi Rottier, et nous offre un joli run rapide et solide, gérant admirablement la trafolle regelée du bas de la face.
Le premier run à nous laisser vraiment impressionnés est celui du suisse Adrien Hildebrandt, fluide et propre tout le long, traversant à grande vitesse la face pour aller chercher un saut technique dans la dernière partie. Un autre français assez connu des FWQ et de la Nendaz fera crier la foule peu après : Wadeck Gorack enchaine deux gros backflips dans son run, le deuxième avec un rebond à l'atterrissage du au dôme que forme la réception de cette zone, une congère "à backflips" formée par le vent sur la crête. Il réussi à rester tout de même sur ses pieds malgré les pièges du terrain.
Quelques crashs s'enchaineront ensuite : Loïc Burri, qui avait fait un bon score lors du premier FWQ japonais, mais aussi Carl Renvall, rookie du FWT, qui se brulera les ailes en allant "full speed" dans la transition de la face.
Le suédois Carl Regnér Eriksson, dossard 78, nous livre un run propre avec deux backflips superbes, tendus, posés parfaitement dans le chaos que sont devenues les réceptions. Derrière lui un suisse qui commence à faire parler de lui, Max Vaquin (auteur du run en début d'article de l'année dernière), pose un run avec trois backflips. Rien que ça. Ca scorera, mais pas tant que ça à cause d'une réception moyenne sur le deuxième back. Nous lui pardonnons !
Le camp français est là en puissance sur cette compétition avec de beaux runs de Mickael Bimboes et ses acolytes William Cochet et Solan Dejouy. Ces trois-là sont bien en forme et à surveiller sur les FWQ cet hiver ! Autre français qui va bien, auteur d'un run avec un 360 dans chaque sens, c'est Hugo Carraz, qui fait plaisir à voir skier. Sebastien Varlet, que nous suivons toujours de près chez skipass, pose un run rapide avec une double barre originale dans la partie haute avant d'aller chercher le même saut un peu technique qu'Adrien Hildebrandt.
Les résultats sont annoncés lors de la cérémonie de remise des dossards pour la finale : les riders qualifiés sont appelés un par un par ordre inverse de classement, pour finalement former les podiums de chaque catégorie.
Chez les skieuses, c'est la suisse Maude Besse, locale de l'épreuve, qui prend la première place. Elle est suivie par Elisabeth Gerritzen, suisse également et jeune rookie du Freeride World Tour, et enfin par Caroline Stromberg, suédoise qui avait fait troisième à la Roldal Freeride l'année dernière.
Chez les skieurs, c'est le suédois Carl Regnér Eriksson avec ses deux backflips bien posés qui s'empare de la première place. Il est suivi par notre frenchie Hugo Carraz et ses deux 360, et en troisième place Adrien Hildebrandt grâce à son run rapide et fluide.
Il s'agit de la face nord-est du Mont Gond, à 2800m d'altitude, d'un dénivelé de 400m et d'une inclinaison moyenne "pas si raide" : 25°. La partie centrale, un peu plus pentue que le sommet et la fin, possède de nombreuses possibilités pour les riders que ce soit en terme de lignes ou de sauts.
L'organisation était au courant d'un risque d'avalanche important sur le massif, similaire à celui que nous avons en France : de grosses quantités de neige reposent sur une voire plusieurs couches fragiles, et ce dans toutes les orientations en altitude.
Pour mettre le plus de chances de leur côté, les organisateurs ont choisi de faire le déclenchement préventif le plus tard possible, au matin même de la compétition, pour laisser le temps au manteau neigeux de se stabiliser. Les riders étaient donc déjà pour la plupart à proximité de la face, prêts à y monter, lorsque le minage a été effectué. Au total, ce sont 8 charges de 5kg chacune qui ont été réparties dans toute la face nord-est du Mont Gond. Et malheureusement au petit matin, devant le regard horrifié des organisateurs et riders, plus des trois quarts de la face sont partis en avalanche.
C'était évident pour tout le monde, la décision était sans appel : il était impossible que la compétition ait lieu. Il était également impossible de changer de face, autant pour des raisons de sécurité que pour des raisons logistiques.
Le live était déjà prêt et en retransmission, l'organisation en a donc profité pour expliquer ce qu'il s'était passé le matin lors du minage, mais aussi pour faire passer un message de prévention et sensibilisation au risque d'avalanche, tout en expliquant la gestion de ce risque dans le cadre de la pratique du freeride. Des invités de choix comme Xavier de Le Rue et Aurélien Ducroz, sont intervenus sur ces sujets.
Ce sont donc les résultats précédents des qualifications qui ont fait office de résultats finaux, cependant ces résultats ont été rétrogradés au niveau du comptage des points en niveau 3* du Freeride World Qualifier, comme la finale n'a pas eu lieu (si vous ne comprenez rien à ça c'est normal, ce n'est pas facile à saisir tout de suite le système des points du FWQ).
Il a également été improvisé une démonstration de la part des riders pour le public présent au Plan-du-Fou et sur le live, avant un saut d'hélicoptère en wingsuit de la célèbre Géraldine Fasnacht, professionnelle en snowboard, base jump et wingsuit.
Il était difficile de voir les organisateurs impuissants face à la volonté de la montagne. Même si c'était la première fois que la finale était annulée, ce n'est pas pour autant un échec : ils ont fait tout ce qu'ils pouvaient, mais la montagne reste la plus forte.
La Nendaz Freeride, c'est un événement qui a grandi progressivement lors des 10 dernières années pour devenir aussi reconnu qu'une étape du Freeride World Tour, au moins dans le milieu des connaisseurs, avec un budget d'un demi-million d'euros et une retransmission live depuis maintenant quatre éditions. C'est, de loin, une des plus belles épreuves de freeride que l'on puisse voir et l'étape de référence au niveau du Freeride World Qualifier.
Ayant lieu en fin de saison, elle attire les meilleurs riders du Freeride World Qualifier qui viennent tous "poser le cerveau" pour une des dernières grosses freeride de la saison sur une des plus belles faces que l'on trouve en compétition. Le show y est garanti, mais ça ne se fait pas tout seul : plus d'une centaine de bénévoles travaillent chaque année d'arrache-pied pour que l'événement ait lieu.
Cette année, ils ont malheureusement été privés de la récompense de leur travail, celle de voir des riders venus du monde entier s'envoyer sur les pentes de leur domaine pour le plus grand plaisir des spectateurs. Cependant, Cyril nous a assurés qu'ils ne se laisseraient pas abattre et nous donne déjà rendez-vous l'année prochaine.
Nous sommes heureux de voir que la flamme du freeride est loin de s'éteindre : ce genre d'événement attire beaucoup de monde, autant du côté des riders que du public ou des journalistes. Et au vu de ce qui se fait sur les Freeride Junior Tour, ce n'est pas près de s'arrêter !
Promis, nous reviendrons pour prendre notre revanche sur le Mont Gond.
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