Depuis la mise en place du Mag communautaire, les différents membres de Skipass nous en mettent plein la vue, nous font baver, nous rendent aigris quand on est coincé derrière notre bureau ou trop loin des montagnes pour des AR à la journée avec les nouvelles mesures couvre-feu... bref que des articles que les américains qualifieraient de "Ski Porn".
C'est un peu l'effet pervers du "tout immédiat" d'internet, des réseaux sociaux et du "je me compare au voisin": à la lecture de ces articles et dans la grisaille quotidienne, on se dit qu'on a une vie de merde, que les autres ont trop de la chance, etc... et notre cerveau en redemande pour se faire un peu plus mal !
Un beau matin j'en ai eu marre, je me suis dit que c'était pas possible, pas aussi facile, que tous ces membres étaient aidés par une prod de ski, que tout ça n'était que complot marketing pour nous faire acheter du matos de rando. Je me suis mis en tête de faire pareil: de réaliser un article Ski Porn avec une équipe de prod, pour faire rager ceux qui bossent...
Premier constat: j'ai aucun matos de rando.
C'est pas grave Skipass est là et après quelques minutes jours à écumer les forums, je me dit qu'il faut sauter le pas, qu'il faut s'acheter un pack rando (chaussures, lattes, fixs, peaux).
Appel de ma boite de prod qui me dit qu'on a pas le budget, que "ça sert à quoi de claquer 1500€ alors que Manu va nous reconfiner dans 2 weekends !" et que "tu penses pas que payer la cantine du petit ça serait mieux !"... Drôle de commentaire qui n'a aucune rapport avec le projet, mais bon c'est la prod qui a le chéquier donc va falloir trouver autre chose.
Direction LBC. Bien que novice sur le matos, je me rends compte, quand même, qu'une paire de skis longs et fins comme des allumettes avec des fixs en lanières de cuir, le tout annoncé "état comme neuf" à 100€, ça sera pas l'affaire du siècle...
C'est pas grave on va regarder pour louer du matos... quelques appels plus tard, une poignée de fou-rires de mes interlocuteurs à la phrase "oui j'aimerai louer pour demain", je comprends que ça sera donc "dré dans l'pentu" avec mes chaussure de ski flex 130 à 5kg la paire.
30 Janvier, il pleut en continu sur Grenoble. Je suis resté coincé 30min à un rond point parce que tout le monde voulait aller à Ikea avant sa fermeture décidée par le gouvernement le lendemain... je devrai être énervé mais la bonne nouvelle c'est qu'il reneige en altitude ! Demain sera la bonne ! En plus le BRA a été revu à la baisse (3 quand même, faudra rester prudent!).
Voulant des images de qualité, nues de toutes autres traces que la mienne, je sélectionne pour le lendemain un petit secret spot peu connu des Grenoblois, le domaine d'AmberField.
Jour J, 31 Janvier: Comme tout projet qui se respecte, le départ se fait matinal pour devancer la foule. Réveil à 5:45 8:00 pour être sur place à 7:00 9:15. La prod à mis à disposition mon père et mon frère pour me monter là haut, et ils me déposent au plus haut du hameau The Rock of Bérangère, pour que je gagne quelques mètres de dénivelée. Un petit message d'encouragement de mon cadet: "tu vas vraiment avoir l'air d'un bouffon sans le matos adéquat"
Le sac chargé avec les ski, toutes les écoutilles ouvertes à fond, c'est parti pour la montée. Heureusement les Snowcats du hameau ont tracé et compacté de larges pistes - ils ont même disposé des panneaux de couleurs numérotés le long, surement pour ne pas se perdre dans cette contrée blanche à perte de vue lors d'épisodes de brouillard.
L'ambiance est magnifique: la poudreuse tombée dans la nuit scintille sous le soleil, les sapins sont comme saupoudrés de sucre glace, le ciel d'un bleu éclatant. A des centaines de mètres à la ronde je suis le seul être vivant ... enfin le seul en matos d'alpin...
Je montes à un bon rythme et après 1hr et un D+ de 1300mètres feet, j'atteint la crête et aperçois l'objectif !
Une belle combe que l'on peut étudier longuement lors de la traversée sur la crête, qui reste sous les 30° pour la jouer safe. Ca va être bon !! Mais là, stupeur, des traces ont déjà été déposée dans la combe. "Fais chier la prod TGR est déjà passé !!" dis-je tout haut. En effet lors de l'ascension je m'étais fait doublé déposé par Thierry, Gilbert et René, mais faut dire qu'ils devaient avoir une sacré équipe prod derrière qui les soutenaient: un mini sac à dos (donc forcément y'a bien quelqu'un d'autre qui porte le saucisson et la baguette), des skis ultra-light et une combinaison comme Manaudou aux JO de Sydney, surement pour l'aérodynamisme... bref ca sentait le budget américain tout ça !
C'est pas grave je continue jusqu'à arriver en haut de la face et l'avantage quand t'as pas le bon matos c'est que tu perds pas de temps à dépauter ! #TimeIsMoney.
Un peu d'eau et puis petit coup de fil à la prod:
"Les gars vous être prêt pour filmer et prendre des photos ? J'agite les bâton pour que vous sachiez quand je pars ?
- Nan mais t'es sacrément con ou tu le fais exprès !? On t'as dit qu'on te déposait et qu'on allait faire du skating au plateau de l'Arsele..."
Bon le père et le frère ont l'air d'être dans un jour sans - la prod me lâche, tant pis va falloir se débrouiller pour sortir des images seul.
Les premières courbes sont hésitantes, mais rapidement l'air frais vient remettre vos automatismes en marche. 15 à 20cm de poudreuse assez légère sur un fond régulier. Le coeur s'emballe, le regard vise au loin les reliefs du terrain et un cri de joie sort de mes poumons !! Ca valait le coup de se trimballer deux enclumes au pieds et une paire de lattes renforcée titanal sur le sac !
Comme on reste pro on s'arrête régulièrement, pour observer sa trace, ressentir brièvement chaque virage et les sensations de glisse qui nous ont parcouru... c'est comme si le temps s'arrêtait. Et puis on dégaine son téléphone pour faire une photo...il s'agirait pas d'oublier l'article....c'est qu'il y en a une pelletée de nanas et mecs qu'il faudra faire baver devant leurs écrans lundi matin.
Une fois en bas de la combe, le terrain de jeu se transforme en petit vallons avec sapins. On passe à toute vitesse et on peut lire sur le visage des autres prods qui sont encore en train de monter (c'est ça l'amateurisme...), le mélange d'envie et de légère déception de pas être encore au sommet.
Je profite de recroiser une trace de Snowcat pour remettre les ski sur le dos et orienter les orteils face à la pente direction le Col de La Balme. Le long de la trace, au niveau du col, un dôme resté vierge. Un léger brouillard oscille également depuis quelques minutes, mais cela ne rend l'instant que plus magique avec le soleil en contre jour. Allez hop, ca fera encore quelques belles photos et des jaloux en plus. Deux montées/descentes de ce dôme plus tard, avec des pas qui s'enfoncent jusqu'au genoux, j'ai les cuisses qui chauffent.
De nouveau au col de la Balme, je reçoit un coup de fil de la prod. Ils ne se sont pas calmés et me demandent de redescendre immédiatement. Ils m'indiquent qu'ils me récupéreront en bas de BreakTheRedHead (Casserousse). Intérieurement je jubile et je me sens comme un Balkany (de la rando): j'aurai engrangé plus de D- sans devoir payer de D+.
La descente est déjà bien tracée mais encore une fois le montage alpin/freeride fait le taf et défonce tout sur son passage. Mais c'est pas ça qui fait rêver la ménagère dans sa chaumière...
Au final je pensais qu'il fallait une équipe, une prod et un budget digne de Gravity pour sortir des images qui font rêver. Certes il aura fallut un peu se sortir les doigts, en utilisant une méthode peu orthodoxe de montée (je pense que le marketing rando aura raison de moi prochainement tout de même), mais l'important n'est-il pas le résultat et le bonheur que procure de poser sa trace au milieu de cette belle montagne ?
Chose que je n'ai pas compris par contre: sur plusieurs de mes photos on aperçoit comme des installations câblées avec des assises...à la fin de la journée j'en ai parlé à d'autres, certains avaient l'air de dire que d'antan elles servaient à monter sans efforts... j'imagine que les virages ne devaient pas avoir la même saveur ;)
26 Commentaires
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Je me suis bien marré et objectif réussi pour toi, je t'ai maudit depuis mon bureau en ce lundi matin à 9h22...
Surtout que chez moi en Alsace ça rince a tous les étages depuis Mercredi dernier...
Au plaisir de te relire rapidement avec je l'espère pour toi du matos de montée !
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On veut le S1 E02 au Seven Lakes Alpine Resort !
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De l'autodérision ne fait pas de mal! Continue à écrire.
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Et puis ça change des Pyrénées
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Merci en tout cas pour vos messages, ça rend les courbatures moins douloureux, et j'espère un jour être à la hauteur des cadors de la rando qui ont commenté
Mais je dirai rien à la prod, pas envie que le sac finisse en cabas pour faire le marché !
Et encore merci pour les messages, bon ride à tous !!
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