Perdu dans la comarque de Ribargorce, au Nord-Est de l’Aragon, l’Aneto trône sur le massif de la Maladeta et non loin de la station de ski de Cerler. A lui seul, ce massif concentre plus de la moitié des 30 premiers 3000 de la chaîne pyrénéenne dont ce fameux sommet-roi. Pour nous Français, l’accès est long et ce, quelque soit le port d'attache. Ce monarque de granit frôle l'équidistance entre l’Atlantique et la Méditerranée. Comme beaucoup de sommets du top 30, la course est classée F comme facile mais c’est une grande bambée de près de 20 km avec 1600 de dénivelé positif.
Privilégiant une ascension à ski au vu de la longueur de la course, j’avais en tête de faire une boucle avec un retour skiant jusqu’à la naissance du fleuve de la Garonne. Toulouse ne serait pas Toulouse sans elle et c’est le glacier du Pico Aneto (3404 m) qui donne naissance à ce fleuve se tordant jusqu’à l’océan bordelais.
Début mai, les planètes s’alignent enfin avec un peu de neige fraîchement tombée au-dessus de 2200 m et surtout un ami disponible et motivé pour l’entreprise. Pour cette première tentative avec Clément, nous choisissons de partir avec le matériel de bivouac afin de pouvoir passer la nuit après la descente. Nuage et soleil annoncés pour la journée, nous partons relativement tard avec l’objectif de skier dans le crépuscule. Le parking du Pla de La Besurta (1920 m) est quasi plein, à l’image du refuge de la Rencluse (2140 m) jamais disponible sans réservation bien anticipée. Au sud du massif de la Maladeta, le ciel est limpide. Le contraste est saisissant avec notre arrivée au départ de la voie classique. Les sommets sont cachés par les nuages et le temps est frais. La densité du ciel assombri le tableau, les pins sont austères, nous nous croyons presque en automne.
Le croisement de quelques skieurs équipés ski-alpi nous informe de la proximité de la neige. Vingt minutes plus tard nous chaussons 200 m sous le refuge dans une neige bien molle et la montagne se dévoile alors sous une belle éclaircie. Nombre de randonneurs sont déjà dans les pentes du pic de la Maladeta, la pause au refuge sera pour plus tard et la météo ne semble pas celle prévue.. Le ciel se referme assez rapidement et le brouillard se densifie au fur et à mesure de notre ascension. C’est dommage tout est blanc, un bon 10 de fraîche mais toute humide. 2800 m, la visibilité se limite à une vingtaine de mètres, il est temps de faire une pause ravitaillement. Tous les prétendants du jour ont fait demi-tour, nous continuons encore un peu et puis la décision de la renonciation s’impose. But ! Hasta luego !
Au vu de l’enneigement et du court portage pour cette première tentative, je souhaitais plus que tout arriver à sortir ce sommet cette année avec un météogramme parfait. Une vague de chaleur sévissant avec ardeur dans le Sud-Ouest, la motivation n’était que plus grande à retrouver la neige, l’altitude et du ski ! Changement de stratégie et de partenaire, je pars avec Laurent pour un bivouac la veille suivie d’un départ aux aurores. La longue vallée de l'Esera conduisant au massif de la Maladeta (Monts Maudits au 19ème) traverse la ville de Bénasque modeste en taille mais très généreuse en boutique de sport ! Sur une placette, une vielle maquette de carton-pâte du plus haut massif pyrénéen a triste mine sous sa cloche de plexiglas usé . Cela permet tout de même de bien visualiser le parcours qui nous attend le lendemain. La nuit est parfaite, une vallée bien encaissée, pas une lumière à des kilomètres, on est bien.
17 mai, 6h15, sans violence, nous quittons le parking toujours bien rempli, quelques skieurs équipés ultra-light nous ont déjà passé devant. Peu chargé, le portage n’est pas trop dur même s’il faut bien marcher 45 mn pour atteindre le refuge et la neige. La plupart des clients ayant dormi là sont déjà en route pour l’Aneto. La première partie de l’itinéraire est clairsemée de skieurs, les piétons sont rares.
Le pic de Maladeta nous domine fièrement, le couloir terminal semble bien esthétique. Les lumières dorées teintent graduellement les crêtes environnantes, le paysage est déjà grandiose avec le massif du Posets en toile de fond. Vers 2800 m, nous traversons l’immense arête par le Portillon Supérieur (2899m) : une jolie brèche offre une première vue bien attractive sur l'objectif. C’est l’endroit parfait pour faire une pause et mesurer le restant du chemin. Près de 3 km pour rejoindre les pentes terminales du sommet-roi, c’est le premier glacier des Pyrénées. La longue traverse montante doit se faire plus sentir à pied ; à ski c’est un plaisir de glisser, de découvrir cet environnement si exceptionnel et qui plus est, avec une neige blanche sous les spatules. Il est vrai que faire l’aller-retour sur cette voie classique n’est pas des plus skiantes..Autant pour nous, la majorité font cet aller-retour.
Les choses vraiment sublimes, nous les sentons, mais nous ne les apprenons pas, et nous les comprenons bien moins encore.
Milieu de matinée, la neige est transformée idéalement pour gravir les dernières pentes plus soutenues avec les skis. Pas de couteaux, pas de crampons, nous arrivons sur le dernier ressaut débouchant sur le fameux Pas de Mahomet ; passage obligé et aérien pour cocher le sommet et toucher la grande croix érigée. Pas moins d’une trentaine de personnes autour de nous mais la plupart vont bientôt repartir. A nous le crux d’une cinquantaine de mètre, sans neige, les blocs de granit sont superbes et les prises faciles. Les chaussures de ski ne posent pas problème pour passer cette longueur. 5 h après le départ, nous sommes récompensés par le panorama ; les différentes arêtes nous entourant sont presque toutes marquées de pas cramponnés. L’arête ou plutôt la crête des Tempêtes menant au pic des Tempêtes est fascinante car tellement torturée. C'est aussi une partie de la plus longue crête des Pyrénées ne passant jamais en dessous des 3000. En regardant vers la France, la station de Luchon et son hôtel historique se distinguent bien. On mesure bien le chemin titanesque à faire pour venir sur ce sommet depuis cette station de ski.
Je suis davantage captivé par le vallon des Aigualluts prévu pour la descente. La lumière est douce par moments, la neige descend suffisamment bas pour ne pas porter trop tôt. Un sandwich et nous chaussons. Personne dans notre descente mis à part un couple, nous profitons de ces virages durement gagnés. Moquette, collante, grosse moquette, détrempée, c’est bien d’avoir des cuisses et surtout des spatules polyvalentes ! Cela se finit évidemment dans des pentes bien ensablées jusqu’au torrent des Barrancs naissant du glacier. Quelques enjambées sur des blocs granitiques et nous chaussons dans le doux vacarme des eaux vives. Le débit est impressionnant, il s’engouffre sous de gros névés. A cet endroit, en relevant un peu les yeux, la vue sur le roi des Pyrénées est parfaite, c’est la carte postale.
Une superbe plaine d’altitude verdoyante jouxte ce torrent impétueux disparaissant dans un gouffre karstique dénommé Forau de Aigualluts ou Trou du Toro (2074m). L’eau ressurgit plus de 3km après dans le Val d’Aran et constitue la première affluence de la Garonne.
L’endroit donne vraiment envie d’y passer la nuit mais le bivouac n’est pas au programme ce jour-là. Une bonne heure de retour dans ce magnifique vallon finit de nous charmer. Tenues estivales retrouvées, la descente du vallon de l’Esera est superbe avec les dernières neiges, les torrents furieux et un beau nuancier de verts printaniers.
C’est une grande classique, bien ponçée; pour espérer une nuit en refuge, cela implique une réservation bien anticipée et donc une météo façon roulette russe. Mieux vaut partir à la journée, avec éventuellement le kit bivouac et profiter de cette boucle offrant une des meilleures descentes à ski de 3O00 pyrénéens !
Adishatz
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