Il ne faut pas se mentir, et même si on aimerait que ça ne s’arrête jamais, la saison s’approche de plus en plus de la fin. Les températures en plaine sont estivales, et le manteau neigeux ne va pas durer longtemps, déjà qu’il n’était pas très vaillant en raison d’un hiver finalement assez sec. Fort de ce constat, chaque occasion de monter faire quelques virages ne se rate pas, il ne faut rien lâcher.
En ce samedi férié (8 Mai), la météo annoncée est assez favorable, ce ne sera pas grand ciel bleu, mais ça devrait le faire… en tout cas, à priori, ce sera mieux que le mardi, où cette même météo nous a joué un vilain tour : après une nuit en refuge (Larribet), un lever à 4h du mat, et une motivation sans faille, nous avions pris un but juste en dessous du Balaïtous (3144m), le nuage étant venu complètement bâcher la cheminée terminale qui nécessite un peu de bricolage : au moins 2 longueurs sur broches, pas très secure dans la purée de pois !
Après avoir donc été contraint de renoncer en début de semaine, c’est avec un esprit de revanche que je monte pour faire cette belle face Nord de La Munia (3133m), en espérant bien ne pas prendre un 2ième but d’affilée.
Ce pic de la Munia se situe au beau milieu du cirque de Troumouse. Pour les non pyrénéens, c’est un cirque situé à peu près au milieu de la chaine, bien bien encaissé, il faut aller se le chercher. L’avantage d’y trainer au printemps est double : non seulement la route n’est pas payante (ce qui est le cas en été), mais on peut aussi monter assez haut en voiture. En effet, la route est fermée en période estivale au niveau de l’auberge du Maillet, à 1800m environ, alors que là, il est possible de continuer, tant qu’il n’y a pas de neige, et en évitant d’écraser une marmotte, vu qu’il y a en a partout, jusqu’à un peu plus de 2000m d’altitude.
Je me pose là, en ce vendredi soir, je suis tout seul, j’ai la totalité du cirque pour moi ! C’est magique !
Je n’ai jamais eu une chambre aussi grande … et avec une aussi belle vue !!
Pour s’y retrouver un peu, je conseille le site Peakfinder, ils l’ont amélioré récemment, et ça rend pas mal :
Alors que je suis en train de manger en contemplant la montagne (et surtout en me demandant comment je vais faire pour grimper ça, les faces sont toujours très impressionnantes quand on les regarde de face et de loin), mon attention est détournée par un énorme craquement, une bonne grosse avalanche s’est déclenchée dans un couloir de la face Est du Mounherran (2783m). C’est loin de moi, aucun souci, mais ça coule pendant un bon moment, avec l’ambiance sonore associée. Une bonne piqure de rappel, il ne faudra pas trop s’attarder et avoir fini assez tôt demain, ça purge pas mal.
Après un « bonne » nuit dans la voiture, je mets le réveil à 5h, le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt parait-il, dans mon cas, c’est surtout une histoire de sécurité, l’idée est d’être sorti de la montagne avant 11h grand max, pour éviter de me faire coffrer.
La neige a bien diminué, et je marche à la frontale avec les skis sur le dos une bonne grosse demi-heure, quasi à plat, pour aller m’enfoncer tout au fond du cirque. A 2200m environ, je chausse enfin, je commence à y voir pas mal, et surtout ce que je vois, c'est que le chemin n’est pas évident. A ma gauche en face, les 2 Sœurs, 2 gros rochers immenses, posés là il y a surement un paquet d’années, sont un bon repère… mais je ne comprends pas du tout par où je vais bien pouvoir passer !
Heureusement, j’ai une trace GPS, et en me recalant, je découvre enfin un couloir, complètement encaissé, impossible à voir avant d’être juste en dessous. Il est superbe, tout en neige, du 35/40° je pense, c’est mon autopiste. En le remontant, je constate que la neige est molle, il n’y a quasi pas eu de regel nocturne, et ça, ce n’est pas une bonne nouvelle pour la suite.
En me retournant, je vois le lever du soleil sur les sommets en face, le Pic de Cestrede (2947m) à gauche et le Pic Barbe de Bouc ( !!!) (2964m) au centre entouré du Chanchou (2949m) et du Pic d’Ardiden (2988m).
Le fond du cirque est un vrai mur, on s’en rend bien compte une fois au pied de celui-ci (on distingue le Gerbats sur la gauche) :
Au sortir du 1er couloir, le passage se raidit sur la gauche, on est maintenant dans du 45° voire un peu plus, je décide de mettre les crabes… ça parait une bonne idée, ça passe carrément plus en ski, mais c’est sans compter sur les températures : vu qu’il n’y a quasiment pas eu de regel, je m’enfonce jusqu’à mi cuisses. Ça brasse, c’est la galère et j’en chie… mais j’arrive à passer le raidillon, et peux remettre les skis pour continuer.
Le cheminement qui paraît « assez simple » vu de loin, s’avère bien moins instinctif une fois au milieu des barres :
De nombreuses coulées d’avalanches de purges sont présentes, de la veille et/ou des jours précédents, la progression au milieu de tout ça n’est donc pas simple… et à regret, je suis à nouveau obligé de remettre les crampons, je les garderais jusqu’à la crête finale ! J’y parviens après beaucoup d’effort… j’en ai rarement chié autant, c’est le mental qui n’a pas lâché, mais c’était limite.
Une fois sur la crête, malgré un vent assez fort de Sud, c’est complètement bâché ! On se croirait dans un épisode de Bon Ap’ !! Je progresse donc sur les derniers mètres menant au sommet dans le nuage et sans rien voir. C’est quand même con, la vue est, à cette altitude et à n’en pas douter, magnifique. Pour le fun, je fais un selfie, mais pas la peine de le montrer, j’aurais pu le faire dans mon salon avec un mur blanc derrière, ç’aurait été le même. Je commence à redescendre un peu déçu quand même, une légère trouée me permet quand même de me retourner pour faire une « superbe » photo du sommet :
Il m’aura fallu plus de 3h45 pour me hisser au sommet, et vu qu’il ne fait pas très froid (même à plus de 3000), il ne faut pas trop s’attarder, la neige s’alourdit à chaque minute, et donc plus j’attends, moins ce sera plaisant à skier, et plus ce sera dangereux !! Je commence donc à descendre en gardant une énorme marge, y’a des barres partout, je skie dans les coulées, c’est un peu la guerre, mais c’est pas le moment de s’en coller une !
Au bout de 200m environ en mode Gilbert Montanié, je repasse sous le nuage et je recommence à y voir qqchose avec notamment une superbe vue sur l’ensemble du cirque, c’est quand même beau, et on est bien haut.
Me laissant un peu emporté par mon ski, je finis par me retrouver au-dessus d’énormes barres, sans aucun passage. Gros coup de stress ! Je suis perdu dans la face ! Je reprends mes esprits, et me dis qu’en remontant de 20m environ, je devrais peut-être y voir mieux. Je repasse en mode brassage, mais là, on est plus sur de la brasse coulée, quelle galère, je m’enfonce quasi jusqu’au nombril, à chaque pas, je monte de 50cm et redescend de 60 ! C’est au prix d’un effort de dingue, et une suée tout aussi dingue, que j’arrive à regagner la vingtaine de mètres ! Heureusement, une fois à nouveau sur les skis cela me permet de tirer une énorme traversée au dessus des barres, et de retomber sur le bon chemin. Ouf !
Au final, de retour à la voiture un peu avant 11h, je discute avec un groupe de randonneurs présents sur le site. Ils me disent avoir fait (à pieds, de ce côté, c’est tout sec) le col de la Sède, pile poil en face de la face Nord de la Munia, et ils m’ont suivi à la jumelle, quasi toute la montée, et la descente… sauf quand j’étais dans le nuage !! Je ne le savais pas, mais j’avais donc des anges gardiens, et ça, c’est plutôt cool.
Cette face Nord est classée AD- III 5.1 / E2 TD- / S5 sur C2C, j’ai pas trop vu de grosses adversités techniques, la principale difficulté pour moi a été physique, en raison du brassage. Dit avec des mots plus simples, j’en ai chié ! Pour la partie ski, je n’ai pas pu trop lâcher les chevaux, le terrain, essentiellement des vieilles coulées d’avalanches, était bien miné.
Il existe plusieurs voies pour monter comme on peut le constater ci-dessous (moi, j’ai suivi l’itinéraire tracé en vert, soit la face Nord Classique)
Pour monter, on peut aussi passer par le couloir de droite au début (orange) mais samedi, le haut ne passait pas. Après, une fois sur le replat du Passet, on peut suivre la voie Russel (en violet) mais samedi, j’avais un doute sur le final en crête, ou la VN en bleu, plus longue et moins skiante… au final, c’est la face Nord que j’ai choisie.
C'était une belle sortie, assez engagée, plus alpi que ski, mais avec quand même quelques beaux virages, et surtout une ambiance de dingue, et une soirée passée dans un "hôtel" incroyable en compagnie des marmottes !
17 Commentaires
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Pour les crêtes t'as des images par là:
youtube.com
Connectez-vous pour laisser un commentaire