Il figurait depuis un moment dans ma liste des sommets à découvrir pour plusieurs raisons. C’est un sommet frontalier historique, il est le principal voisin oriental du Pic du Midi d’Ossau et l’ayant toujours admiré de loin, il impressionne avec sa forme triangulaire. J’avais prévu une autre course ce jour là sur le secteur de Gavarnie mais le co-équipier prévu a eu un empêchement. Vu la chaleur annoncée en plaine, j’avais besoin (presque vital) de retrouver le bon air des cimes pyrénéennes.
J’avais prévu de gravir ce sommet par un itinéraire différent de la voie classique. Encore une fois, de Pau, on y est en 50 minutes alors allons découvrir! L’accès par l’arête Est ne nécessitant pas de harnais et de corde, elle m’attirait fortement pour sa proximité du premier 3000 occidental de la chaîne pyrénéenne, le Balaïtous (3144m).
Pas spécialement matinal ce jour-là, les parkings d’accès pour les randonnées de la vallée d’Ossau étaient déjà bien occupés. Peu après la station d’Artouste, je quittais le Caillou de Socques (1390m) juste après 8 heures avec un sac à dos plutôt léger.
Le dénivelé est immédiat dans un bois de beaux sapins et au bout d’un quart d’heure, on peut se retourner pour contempler la pyramide rougeâtre du pic d’Ossau décoré avec un nuage tel une grosse fumée accrochée au pic. La suite consiste à remonter une vallée d’immenses pâturages jusqu’au col d’Arrious. Avant ce col, vers 2000m, on trouve la bifurcation pour le col de Sobes (2449m) qui est l’itinéraire classique : ce sera mon chemin de retour.
Au bout d’une heure, j’avais déjà fait 650 mètres de dénivelé positif, mais il fallait en garder sous la pédale car c’était juste le premier tiers du dénivelé total… Arrivé au col d’Arrious (2259m) au pied du pic du Lurien (2826m), la récompense visuelle était là : d’un côté l’Ossau, de l’autre, le Palas (2975m), le monarque des Pyrénées Atlantiques !
Bifurquant main droite, on découvre en 5 minutes le lac d’Arrious obligeant à quelques photos. J’ai rejoint rapidement le lac d’Arrémoulit en empruntant le fameux passage d’Orteig qui peut faire frémir quelques randonneurs n’aimant pas les précipices. Découvert en 1883 par le guide chasseur des Eaux Bonnes, Jacques Orteig, cet impressionnant raccourci traverse le flanc rocheux d’un contrefort du Pic d’Arriel. Pour moi, c’est juste un câble de via ferrata d’une centaine de mètres permettant de sécuriser cette traversée et gagner du temps pour rejoindre le lac.
Cette difficulté passée, on découvre de plus près les grands sommets précédemment cités. Une fois au refuge C.A.F. historique d’Arrémoulit (2265M) à l'emplacement idyllique, le pic d’Arriel (2824M) et le petit pic d’Arriel (2683m) nous font face fièrement (photo header). Le lac est d’une transparence cristalline incroyable mais pas le temps pour une baignade virile ! La météo offre un ciel pur comme prévu et on a presque chaud à plus de 2000 mètres !
Depuis ce lac, on se dirige à l’est pour atteindre le col d’ Arrémoulit (2448m). Le Balaïtous, avec les lacs d’Arriel à son pied impose une courte pause : on peut bien mesurer certains itinéraires possibles pour ce 3000 mythique qui a fait souffrir les premiers explorateurs et géodésiens. Les cairns disparaissant, j’ai exploré rapidement le versant Est du Pic d’Arrémoulit (2624m) mais sans équivoque, il se contourne uniquement par le versant Ouest pour rejoindre la brèche qui suit. Cette dernière donne accès à l’arête conduisant à l’objectif de la journée.
Dans le dernier pierrier en pente forte de blocs énormes et presque tous instables, je surprends 2 isards à une centaine de mètres au-dessus de moi. Continuant à me décaler rapidement au vu du terrain mobile, deux énormes blocs dont un de plus d’un mètre partent à l’issue de l’échappée, comme toujours verticale, des deux caprins. La vitesse des blocs et le vacarme des roches étaient effroyables. Ambiance !
J’arrive à la brèche et reste circonspect devant le début de l’arête qui montre une escalade d’un niveau 5b et avec un relais 20m au-dessus…Histoire de savoir vraiment si je peux démarrer à cet endroit, j’entreprends l’escalade jusqu’au relais sans difficulté mais sans assurance. Je continue encore quelques mètres jusqu’au prochain éperon et là stupéfaction : un autre relais pour faire un rappel d’une vingtaine de mètres ! N’ayant pris aucun matériel de grimpe au vu du topo parlant d’une arête ne le nécessitant pas, je suis alors à la fois très déçu et surtout énervé de devoir renoncer. Je désescalade prudemment pour retourner sur la brèche, me résigne à redescendre cet infâme éboulis et faire marche-arrière!
Ayant perdu 100 mètres de dénivelé, je tombe nez à nez avec un groupe de 6 traileurs (gilet/flasques/baskets) se dirigeant vers cette fameuse arête ! Après avoir enchainé 2 gros sommets, il finissait leur boucle par cette arête et le Pic Arriel : soit un peu plus de 3000 D+ avec peu d’eau (forcément les flasques de dinette) et sans casque pour faire cette arête…no comment, ah la mode Kilian… Le leader du groupe l’ayant déjà parcouru, il retrouve facilement la cheminée d’accès qui était 200 mètres plus à droite. Merci merci ! et le sourire est revenu !
Après une cheminée d'une centaine de mètre, l’arrivée sur l’arête est magique car très aérienne et avec une vue sur les gros sommets précités fabuleuse. J'ai attendu un peu les traileurs mais deux d'entre eux n'étaient pas très à l'aise alors j'ai fini par les laisser avec leur leader On voit aussi bien tous les lacs environnants dont ceux de Sallent de Gallego (asséchés), en aval de la station de ski de Formigal. La crête à parcourir présente une centaine de mètre sur un fil aérien mais le reste ne présente pas de difficulté particulière (côtée PD). Il faut juste être constamment vigilant sur les prises de pieds comme de mains car beaucoup de rocher sont instables…Il est quasi impossible de rien faire tomber.
Après une heure et demie de chevauchée minérale, j’atteignais le pic Arriel pour rencontrer quelques quinquagénaires fraichement arrivés par l’accès classique. Après 1800 mètres de dénivelé positif, les quadri. bien gonflés, j'ai bien savouré la douce brise estivale pour déguster mon casse-croûte! Ce n’est pas un 3000 mais le panorama à disposition est tout aussi grandiose. J’ai pu bien apprécier le sommet du Palas : je le convoite fortement avec la fameuse arête mythique des géodésiens pour le conquérir. Le pic d’Arriel s’appelle aussi le pic Saget en mémoire de l’officier d’état-major topographe qui l’a conquis en 1851. Il y avait fait les visées des pics Palas, Lurien, Ossau et Balaïtous !
Après un bon moment de contemplation, j’abandonnai le sommet pour plonger sur l’arête nord-ouest qui nécessite un peu les mains au départ. La suite est un champ d’éboulis monumental en passant par col d’Arriel puis on rejoint le col de Sobes puis retrouver la vallée empruntée le matin même. Il est déjà 16 heures, il me reste une petite heure pour avaler les derniers 1000 mètres et retrouver la voiture. La lumière dans cette vallée commence à faiblir et laisse apparaître de belles couleurs pré-automnales dans cette fin d’été indien. En 1874, le comte Henry Russel écrivait : "En somme, le pic d'Arriel est un beau pic et accessible à presque tous les marcheurs". Je suis bien d'accord avec lui.
6 Commentaires
Et bien joué de ne pas avoir insisté sur le début d'arête, quand c'est équipé, et que toi, tu l'es pas, mieux vaut redescendre, c'est pas bon signe !!!
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