« Grimpez si vous le voulez, mais n'oubliez jamais que le courage et la force ne sont rien sans prudence, et qu'un seul moment de négligence peut détruire une vie entière de bonheur. »
Edward Whymper - Premier alpiniste à avoir gravi, le Cervin, "la Verte" et la Barre des Ecrins
Alors Edward, il nous met direct dans l'ambiance ! Si tu veux pas détruire une vie entière de bonheur, fais attention où tu fous tes crampons. On ne le répétera donc jamais assez mais l'alpinisme est un sport à risque et une erreur même minime peut vite devenir fatale. Il m'a fallu une chute de 5m de hauteur avec atterrissage sur les rochers pour le comprendre.
J'ai commis la plupart des erreurs ci-dessous et j'aimerais vous les partager. Pas pour que vous ne les commettiez pas, parce que, petits rebelles que vous êtes, vous allez quand même les faire, mais au moins pour que vous soyez vigilant et que vous n'en faites pas des "trop grosses". L'hélico c'est cool... vivant c'est mieux.
Les erreurs ci-dessous sont donc le fruit de mon expérience mais également de discussions avec des personnes plus expérimentées que moi. C'est fou comme tout le monde s'accorde sur les conneries "typiques" de débutant. Mais malheureusement, même des personnes expérimentées continuent de faire ces erreurs. Pourquoi ? Parce que ce sont des erreurs humaines, des tentations ou des négligences, qui reviennent à chaque course au galop et dont personne ne peut se targuer d'être dépourvu.
Quand on débute c'est souvent parce que certaines courses nous font rêver. On sait à peine faire un huit et on veut attaquer le Mont Blanc. Alors on fait l'erreur de choisir une course un peu trop difficile. Donc on se met en difficulté et il en faut de peu pour que la course se transforme en cauchemar. Choisir une course qui n'est pas adaptée votre niveau est le meilleur moyen de se planter. Donc allez-y progressivement !
L'alpinisme et l'escalade contrairement à la randonnée pédestre par exemple, nécessitent de connaitre des techniques particulières pour réduire le risque intrinsèque à la haute montagne. La technique peut concerner : un type de nœud, une façon de progresser sur glace ou neige ou bien un pas de grimpe bien particulier (changement de pied, crochetage du talon, etc.). Elle est donc indispensable à la sécurité ! Ne pas connaitre les techniques de base d'encordement ou de sauvetage en crevasse quand on est sur glacier, c'est s'exposer à des risques inconsidérés.
Partir sans avoir lu le topo et analysé l'itinéraire c'est un peu comme partir les yeux fermés. L'itinéraire n'est pas seulement constitué du chemin à prendre. Il renseigne aussi les échappatoires possibles, l'engagement, l'équipement en place, la durée, la difficulté et bien d'autre choses. Il est donc essentiel à la préparation d'une course mais également à son déroulement. L'itinéraire permet de savoir à quoi s'attendre et par conséquent de prévoir les risques éventuels. Il faut donc le lire avant et pendant la course !
Dans l'analyse de l'itinéraire rentre aussi la météo. Une même course ne s'abordera pas de la même façon et n'aura pas la même difficulté selon la météo. Par exemple une course neige/glace sera beaucoup plus compliquée s'il n'a pas neigé et que le couloir que vous deviez prendre s'est transformé en une plaque de glace lisse et compacte. Il est donc important de se renseigner sur la météo dans le massif où vous aller mais également de vérifier les Bulletins Risques Avalanches (BRA) si besoin et également d'appeler le bureau des guides ou les refuges à proximité pour se renseigner sur les conditions.
Choisissez une course adaptée à votre niveau. Comment ? Si vous partez avec quelqu'un de plus expérimenté la question ne se posera pas car il vous guidera. Admettons donc que vous partez avec quelqu'un de votre niveau.
En moyenne montagne, une erreur pardonne. On peut se perdre et rentrer de nuit à la frontale, les conditions le permettent. En haute montagne les choses se compliquent car l'altitude, l'engagement, le froid et l'isolement sont autant de facteur qui vont compliquer l'arrivée des secours ou la possibilité d'une échappatoire. Pensez donc à prévoir large au niveau du timing. Préparez correctement votre course avec une analyse de l'itinéraire (voir plus haut) et du matériel (voir plus bas). Ne partez pas si les conditions sont douteuses.
En moyenne montagne, si on se perd on peut prendre un autre chemin et retomber sur ses pattes. Quand vous êtes sur une arrête, l'autre chemin c'est le vide. Donc à moins que vous ayez votre wingsuit dans votre sac Dora L'exploratrice, il est un peu compliqué de changer d'itinéraire. "Mais on peut pas se perdre sur une arrête" me diriez vous. Alors, je ne le pensais pas non plus mais il est possible et même très probable de ne pas trouver le chemin du premier coup. Sur les quelques arrêtes que j'ai faites, il n'y avait pas de marques et l'itinéraire était loin d'être évident. Etant donné que la progression est très ralentie comparé à une randonnée (escalader, protéger les passages, tirer des longueurs...), prenez vos précautions et vérifiez les échappatoires avant de partir. Ces dernières peuvent prendre la forme de pentes herbeuses qui rejoignent l'arrête à un moment de la course, ou bien de passages moins hauts qui permettent de tirer un rappel et de rejoindre le chemin en contrebas.
Si un des partenaire a un doute, c’est qu’il faut renoncer (doute sur les conditions météo, sur la difficulté de la course, sur le matériel, la difficulté technique, la condition physique, sur la qualité de l’enneigement/de la glace, etc. ). Surtout, SURTOUT, il faut parler avec son coéquipier, ne pas hésiter à dire si on se sens mal à l’aise ou pas très assuré. Souvent on se rend compte que le coéquipier pense la même chose.
Il me semble que lorsqu'il s'agit d'assurer un passage (poser une sangle autour d'un becquet, poser un coinceur ou bien assurer le passage d'un pont de neige), il ne faut jamais rechigner à le faire si l'un des membres de la cordée le demande. Ça ne coûte rien et ça aura le mérite de mettre tout le monde à l'aise.
Quand il s'agit de renoncer à s'engager dans un passage ou de renoncer carrément à la course le cas est un peu différent. Car si on abandonnait à chaque doute on ne progresserait pas. Dans ce cas donc, il faut faire demi tour s'il y a un véto, si l'un des membres ne veut vraiment plus continuer. Si au contraire un des membres se sent confiant, et perçoit que la course est accessible aux autres membres de la cordée, il faut alors analyser les risques de manière objective. Le niveau technique est-il trop élevé ? La fatigue est-elle trop importante ? La météo est-elle douteuse ? Le demi tour représente-t-il plus de risque que de continuer ? Pensez à la méthode 3x3 ! Il est possible alors de choisir de poursuivre la course en prenant plus de précautions. La personne confiante peut prendre la tête et assurer les autres une fois le passage compliqué passé.
Soyez prudent et extrêmement vigilant, enquérez vous régulièrement de l'état de votre partenaire si vous le sentez faiblir. Si un membre de l'équipe "ne le sent pas" il vaut mieux faire demi tour (bien évidemment pondérez son choix en fonction de son niveau d'expérience : un guide qui vous dit qu'il faut s'arrêter là parce que c'est trop dangereux n'a pas la même valeur que votre pote que vous emmenez pour la première fois faire une sortie facile et qui a une petite appréhension). Laissez votre orgueil de côté. Si vous ne réussissez pas cette course aujourd'hui vous la réussirez demain. Un bon alpiniste est un alpiniste vivant. Prenez conscience que le renoncement et l'humilité font partie des qualité d'un alpiniste. Ces valeurs sont assez présentes dans le milieu montagnard, imprégnez vous d'elles. Lisez des récits de grands alpinistes et vous verrez que souvent, l'orgueil et la vanité auront causé les plus grandes tragédies de l'histoire de l'alpinisme. Et repensez à la phrase d'Edward ;) !
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