source: www.lematin.ch
La beauté du geste est désormais une question de couleur. Celle que l'on met dans le plastique des chaussures. Incroyable mais bien vrai si l'on tient compte de l'avis des acteurs de la Coupe du monde de ski alpin eux-mêmes. Aujourd'hui, apprendre à tailler une courbe avec précision ou à glisser avec toute la douceur voulue constituent une première chose. La seconde, bien plus pointue même pour les athlètes, tient à tirer la quintessence de cette union forcée entre les skis et les chaussures. Vaste chantier qui donne des cheveux gris et hante les nuits aussi bien des sportifs que de leurs techniciens.
Une source de conflits
Depuis des années déjà, l'importance des chaussures est admise par tout un chacun. Des entraîneurs aux servicemen en passant par les athlètes, tous insistent sur le rôle essentiel de cet accessoire. La chaussure demeure non seulement une source de douleurs, compte tenu de la compression des pieds permettant de garantir la juste conduite des skis. Mais elle pose aussi des soucis au moment de trouver le bon réglage au niveau du canting (angle d'inclinaison externe-interne de la chaussure).
Sans parler de ce conflit interne qui, aujourd'hui, divise les départements du marketing et de compétition: la quantité de couleur mise dans le moule prêt à former, pour les coques de plastique, pèse énormément dans la rigidité accrue des chaussures. Or si les commerciaux souhaitent, en priorité, attirer le regard des consommateurs, les funambules du circuit de la Coupe du monde, eux, privilégient l'efficacité.
Les exigences du marketing
Reconnu sur le circuit de la Coupe du monde pour être un metteur au point hors pair, Didier Cuche ne se contente pas d'émettre un avis pertinent sur les modifications à apporter aux skis et aux fixations, de façon à gagner des centièmes. Le Neuchâtelois planche, au propre comme au figuré, sur ses chaussures. «Les skis et les chaussures doivent atteindre un degré de perfection proche de 100%. Il est impossible de les dissocier au moment des réglages.
Dans toutes les disciplines, nous constatons des différences sensibles de comportement et de sensations, au moment de produire un appui, en fonction de la couleur de la botte. Cela peut paraître normal entre les multiples marques à disposition. Mais ce qui l'est tout de même un peu moins, c'est que ces différences considérables existent également pour des chaussures produites dans la même usine.» Le choix «des pompes», comme l'exprime populairement Didier Cuche, prend du temps.
Elle est révolue l'époque où le réglage du fameux canting suffisait. Aujourd'hui, la sélection est devenue plus pointue et porte même sur la couleur du produit. «Chez Head, nous en avions des grises. Aujourd'hui, des blanches arrivent en vue des ventes de la saison 2011-2012. Cette exigence du marketing me pose un petit problème. Je dois reconnaître que je ne me sens pas aussi à l'aise dans les blanches que dans les grises. Il faut savoir que le simple fait d'ajouter une couleur, à l'intérieur du plastique, change la rigidité de la chaussure. En fait, sans l'ajout d'une couleur, les coques seraient transparentes. Mais en mettant du composant gris, par exemple, la texture n'est plus la même. Autre exemple, une chaussure noire aurait tendance à être plus molle sous les rayons du soleil. Il faut être un peu chimiste pour jouer avec les composants.»
La tendance du blanc est en passe de se confirmer pour l'année prochaine - Didier Cuche, a priori prêt à rempiler pour une saison, réfléchit encore à une solution. «Les chercheurs sont arrivés à trouver un flex (souplesse du plastique) pour les blanches se rapprochant des grises. Ce qui ne m'empêche pas d'être ennuyé. Avec les nouveaux skis de super-G et de géant, je n'ai pas trouvé le temps de tester. Et il ne faut pas tout mélanger. Il faut d'abord se concentrer sur les skis ou sur les chaussures. Dans mon cas, il m'a manqué du temps pour trouver le bon équilibre avec les chaussures blanches.»
L'effet des semelles
A la problématique de la couleur s'ajoutent les (petites) manies des uns et des autres afin de mieux sentir le tapis neigeux ou glacé. Le champion du monde de super-G, contrairement à d'autres, ne choisit pas des chaussons plus petits d'un ou deux numéros que sa pointure habituelle.
«Que ce soit pour la descente, le super-G ou le géant, je dispose du même chausson où je change simplement la semelle. Cette dernière n'est pas la même pour ce qui concerne le soutien de la voûte plantaire et des doigts de pied. Cela me permet d'obtenir un pied un poil plus posé et libre pour la glisse. Du coup, la réaction est un peu moins directe au moment de donner l'appui de manière à faire mordre la carre. En descente, les plastiques utilisés sont un peu plus souples pour permettre de travailler au mieux avec le tibia et le genou contre l'avant. Il s'agit d'être plus progressif pour éviter un coup de frein intempestif. En géant, en revanche, on peut se permettre d'utiliser un matériel plus dur compte tenu de l'appui violent donné au moment de déclencher son virage.»
inscrit le 06/02/03
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