Pas plus d'infos pour le moment, si vous en avez, n'hésitez pas!
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Deux alpinistes se tuent à Gavarnie
Deux alpinistes confirmés qui effectuaient l'ascension d'une cascade gelée à Gavarnie ont trouvé la mort, hier, écrasés par un bloc de glace de plusieurs tonnes. Un troisième, le premier de cordée, a été sérieusement blessé à la main et au poignet.
Il était aux environs de 11 h 30, lorsque Jérôme Thinières, 32 ans, et Martine, 45 ans, une de ses amies, s'apprêtaient à escalader pour rejoindre Serge Casteran, 45 ans, qui les assurait et se trouvait à une vingtaine de mètres au-dessus d'eux.
Soudain, le bloc, qui pèserait une vingtaine de tonnes s'est détaché de la paroi pour venir les percuter. Ils ont été tués sur le coup. Sous le choc, Serge Casteran a eu la main et l'avant-bras entaillé par la corde. Ce sont des promeneurs qui ont assisté à la scène depuis le cirque qui ont prévenu les secours.
Les CRS sont aussitôt intervenus avec l'hélicoptère de la gendarmerie.
«Nous avons dépêché six hommes sur place. Nous les avons hélitreuillé pour qu'ils puissent accéder jusqu'aux victimes. Comme nous craignions que de nouveaux blocs se détachent, nous avons dû installer des relais. Cette opération a été très physique», relate le lieutenant Louis Piquemal, le commandant de la section montagne de la compagnie de CRS de Lannemezan qui s'est rendu sur les lieux tout comme Cécile Longé, la sous-préfète d'Argelès-Gazost.
Quatre morts déjà en 1998
Les dépouilles des deux défunts ont été évacuées sur la morgue de Tarbes et Serge Casteran, qui a été, dans un premier temps, soigné sur place par un médecin du SAMU, a été admis au centre hospitalier de la même ville. Il serait profondément choqué par le décès de ses deux camarades.
Jérôme Thinières, 32 ans, était l'un des meilleurs alpinistes français de sa génération. Ce Haut-garonnais, diplômé de l'école des guides de Chamonix, avait effectué l'ascension de nombreux grands massifs à travers le monde. Son talent lui valait d'ailleurs de faire régulièrement l'objet de reportages dans des revues de montagnes.
Serge Casteran, domicilié à Ourde, dans les Hautes-Pyrénées, est considéré quant à lui, comme l'un des meilleurs «grimpeurs» de la région.
«Ils étaient à Gavarnie depuis quelques jours en quête de nouveaux itinéraires» poursuit le lieutenant Piquemal.
La cascade à laquelle ils s'attaquaient hier, celle où naît le gave de Pau, n'avait pas été escaladée depuis 12 ans.
«Mais, comme le regrette un CRS, si les conditions semblaient bonnes, avec la glace on ne sait jamais».
Ce serait donc la fatalité qui serait à l'origine de ce drame qui n'a pas manqué de semer la consternation à Gavarnie et dans le monde des pyrénéistes.
En 1998, déjà, trois glaciéristes espagnols avaient trouvé la mort, le 13 janvier, en escaladant une cascade de glace du cirque de Gavarnie. Là encore, c'est un bloc de glace qui s'était abattu sur eux.
Le lendemain, un quatrième, un Argentin, qui lui aussi était de cette cordée, avait succombé des suites de ses blessures. Lors de l'intervention de secours, deux gendarmes du Peloton de haute montagne de Pierrefitte-Nestalas, Daniel Lannes et Gérard Traille, avaient également reçu des blocs de glace sur la tête. Le premier avait eu son casque éclaté sous le choc.
Dans un état jugé très grave, il avait été transporté de toute urgence dans un hôpital toulousain. Il lui avait fallu plusieurs semaines pour se remettre sur pied.
Je souhaitais aussi passer un hommage à Jérôme Thinières qui était l'un des meilleurs alpinistes de sa génération! C'est bien triste.
Sinon Alex, non, je ne sais pas où ça c'est produit. "Une cascade d'où nait le Gave, pas escaladée depuis 12 ans"... Je vois pas trop, y en a quand meme dans le cirque!
Babou
REPORTAGE
La montagne tragique
LE MONDE | 17.04.04 | 12h50
De ceux qui n'en reviennent pas, les habitants de Chamonix disent simplement qu'ils sont "tombés". Au royaume de l'alpinisme, la mort fait partie du paysage.
Il règne souvent dans les cimetières une apaisante sérénité. Mais celui de Chamonix a beau dissimuler ses tombes sous une épaisse couche de neige, sa visite inspire immanquablement la révolte. Trop d'hommes qui n'ont jamais atteint la trentaine reposent dans cette terre qui n'a pourtant pas son pareil pour engendrer des nonagénaires. La plupart de ces "jeunes" défunts sont "partis" en montagne, mais s'en émouvoir est vain.
Ici, la montagne est partout, à la fois attirante et oppressante, à vous boucher l'horizon. C'est une prison géologique dont on ne s'évade qu'en grimpant régulièrement vers la lumière, qui fait cruellement défaut plusieurs mois de l'année. Alors, les gens du lieu "montent", d'autant plus volontiers que les travaux d'approche sont facilités. Plusieurs téléphériques vous hissent en quelques minutes du confort d'un centre-ville de 10 000 habitants jusqu'à un univers minéral d'une hostilité sans pareille, pour une course d'alpinisme, ou une descente hors piste, à skis ou en snowboard. De ceux qui n'en reviennent pas, les épitaphes du cimetière communal disent qu'ils sont "tombés", plutôt que d'admettre qu'ils sont morts. elles suggèrent ainsi que, par le défi qu'elles présentent, les montagnes sont une sorte de champ d'honneur.
"Il y a ici un sentiment de dignité à mourir en montagne, alors on le signale, admet Claude Jaccoux, guide de la fameuse Compagnie de Chamonix, lequel, à 70 ans, n'imagine pas encore de raccrocher crampons et piolet. Au fond, ça doit être une belle mort." C'est d'ailleurs la fin que Claire Monziès, son épouse, psychanalyste et francilienne d'origine, lui souhaite. " Ça serait bien que tout s'arrête d'un coup dans cet endroit qu'il aime plutôt que de le voir diminué ou grabataire", dit-elle. Claude a frôlé la catastrophe à plusieurs reprises, mais il ne s'étendra pas sur le sujet. Inconscience ou superstition ? En cas de disparition dans l'exercice de son activité, il n'a rien prévu. Ni instruction pour ses proches ni testament. "On a conscience du risque, mais on n'est quand même pas pessimiste", assène-t-il. Ce sera tout.
La plupart des coureurs de cimes s'entêtent à expliquer leur attirance pour les hauteurs par un goût pour la beauté du panorama. "Foutaise, rétorque Gérard Géry, un ancien alpiniste reconverti. C'est l'aventure, la découverte de soi et le risque qui les motivent. Dans une paroi, il se passe quelque chose d'exceptionnel dont on omet souvent de raconter les détails à ceux qui restent en bas. J'ai vécu des bivouacs où j'ai cru mourir, et j'y ai dit des choses que je n'aurais jamais révélées ailleurs." A 81 ans, il cultive son jardin des Houches (Haute-Savoie), loin du politiquement correct. Niçois d'origine, il n'a embrassé la carrière que pour subsister, juste après la seconde guerre mondiale. "On m'a proposé une formation pendant trois mois d'été pour devenir chef de cordée, raconte-t-il. Ça m'assurait le vivre et le couvert ; or, à l'époque, on crevait de faim."
Diplômé de la Compagnie des guides de Chamonix, Gérard Géry n'emmènera pourtant jamais de client en montagne. Devenu photoreporter pour Paris-Match, il couvrira pêle-mêle les premiers drames médiatiques du massif du Mont-Blanc et les guerres d'Indochine ou d'Algérie. "Je revenais alors à Chamonix sans pouvoir faire de montagne, avoue-t-il. J'avais ma dose, mon trop-plein de trouille en reportage. L'un a remplacé l'autre."
Arrière-petit-neveu de Ravanel Le Rouge - le guide inspirateur de Frison-Roche et dont la rue principale de Chamonix porte le nom -, David Ravanel incarne la sixième génération de guide d'une famille de la vallée qui ne déplore aucune perte en montagne. Mais, à la trentaine, il avoue un penchant inné pour l'absolu. "On est conditionné par notre environnement. On vit avec sous le nez de la belle poudreuse, une cascade qui gèle... C'est tentant. Ce qui m'a toujours intéressé dans l'alpinisme, c'est l'engagement. La sortie se fait le plus souvent par le haut dans les voies difficiles. On ne peut pas se permettre d'abandonner comme dans un match de tennis."
C'est que Chamonix a une conception particulière de l'exploit, car les témoins dignes d'apprécier sont souvent aussi des rivaux potentiels. Le moindre écolier trouve naturel de dévaler la Vallée blanche à skis, les nuits de pleine lune, de faire l'ascension du mont Blanc, ou de voir un proche partir en expédition en Himalaya ou en Antarctique. "Prendre l'air, vivre dehors", c'est le leitmotiv de cette vallée, mais on y capte aussi, au détour de banales conversations de voisinage, des phrases récurrentes : "Son mari est passé sous l'avalanche de..." ; "son fils est tombé à...".
Chamonix cultive si soigneusement sa réputation de Mecque de l'alpinisme que payer de sa vie la reconnaissance de ses pairs montagnards est devenu presque banal. L'histoire de Marco Siffredi l'illustre tragiquement. Le métier de guide n'inspirait pas davantage le petit snowboardeur aux cheveux peroxydés que son CAP d'ébéniste. Mais il vivait pour "rider" des faces vertigineuses, et pour descendre il faut bien monter. Alors il s'est fait alpiniste intermittent. Il n'a que 17 ans en 1977 quand il réussit la face nord du mont Blanc du Tacul en snowboard avec son ami Philippe Forté. En janvier 1999, Philippe, 20 ans, périt sous une avalanche, à Argentière, dans un hors-piste familier. Seul désormais, Marco lui dédie la superbe première en snowboard du Nant-Blanc, le 17 juin 1999, à l'aiguille Verte : 1 000 mètres de descente à 55-60 degrés entièrement visible d'en bas. C'est aussi une revanche. "Après trois années de ragots sur mon compte, je suis bien content d'avoir cloué le bec à tous ces Mickeys", lâche alors Marco. Les "Mickeys", c'est ce que la vallée compte d'experts de la montagne.
Le 23 mai 2001, Marco signe la première descente (45-50 degrés) intégrale de la face nord de l'Everest, depuis le sommet (8 848 m) jusqu'au camp avancé (2 500 m), par le couloir Norton. Dans une interview à chaud sur la portée de son exploit, rapportée dans son émouvante biographie (Dernier Everest,par Laurent Davier, René Robert et Laurent Molitor, Editions Presse Time,
95 pages, 50 euros), il vise toujours plus haut : "Je n'ai que 22 ans, et je ne pourrai jamais rider quelque chose de plus haut. C'est terrible... Si je trouve le budget, je retourne en Himalaya (...) pour descendre l'Everest, cette fois par le couloir Hornbein." Il l'a fait, et sa trace s'est arrêtée le 8 septembre 2002, à 8 750 m. Il avait 23 ans.
"Marco et mon fils passaient pour des gamins fêlés, des drogués, explique la mère de Philippe Forté, Marie-Chantal Forté-Sohier, Parisienne exerçant la médecine générale à Chamonix depuis trente-deux ans. Parce que c'était inacceptable de se faire damer le pion par des gosses qui, il y a cinquante ans, auraient servi de porteurs aux guides. D'ailleurs, la mairie de Chamonix n'a commencé à inviter Marco qu'après sa réussite au couloir Norton. Finalement, on porte tous notre part de responsabilité ; nous, les parents quelque part impressionnés et fiers des pleines pages que nos gamins décrochaient dans Le Dauphiné libéré, jusqu'au peloton de gendarmerie de haute montagne, qui, en assurant sa mission de surveillance les jumelles rivées sur les sommets, leur donnait le sentiment de veiller sur leurs réussites."
Les parents de Marco, qui avaient déjà perdu leur fils aîné vingt ans auparavant, ne s'en remettront jamais. Mais leur benjamin est devenu un héros aux yeux des Chamoniards. "Pour être des leurs, dit le docteur Sohier-Forté, il faut payer son tribut à la montagne. Je l'ai compris quand j'ai vu la foule à la messe d'enterrement de mon fils, et quand des patientes de longue date sont arrivées, parfois en larmes, dans mon cabinet pour me raconter l'histoire qu'elles n'avaient jamais abordée de "leurs" morts en montagne. Une vieille dame m'a même dit : "Toi aussi t'as perdu ton fils en montagne, c'est comme si t'étais d'chez nous." Le fait de n'avoir pas fui m'a valu mes galons de Chamoniarde. Mais, si tous ceux qui ont perdu quelqu'un en montagne ici s'effondraient, il ne resterait plus grand-monde."
C'est si vrai que même l'abbé Dominique Brèches, qui officie à Chamonix depuis treize ans, en a parfois la foi qui flanche. "Tout, ici, tourne autour de la montagne, raconte ce sexagénaire de Megève, alors quand elle arrache un des leurs aux Chamoniards, je fais silence comme ces gens silencieux, même si j'ai envie d'enguirlander le Seigneur. Le danger fait partie du paysage, à quoi bon en débattre ?"
Pour Sonia Popoff, médecin urgentiste pratiquant le secours en montagne, installée dans la vallée depuis six ans, "il y a là-haut comme un aimant". "Ceux qui ont réchappé d'accidents y retournent toujours", explique-t-elle. Comme cet alpiniste anglais miraculeusement sauvé après être resté bloqué cinq jours par mauvais temps et qui est reparti faire le mont Blanc avec ses prothèses alors qu'il avait été amputé des mains et des pieds. Ceux qui "sont restés" en montagne sont même un prétexte pour remonter. Ainsi l'époux de Sonia, Jean-Sébastien Knoetzer, lui-même guide et professeur à l'Ecole nationale de ski et d'alpinisme (ENSA), vient de consacrer son seul jour de congé de la semaine à l'ouverture à skis (avec l'alpiniste Patrick Gabarrou) d'une voie baptisée du nom d'un copain disparu.
"La montagne est un endroit très pervers, analyse Sonia. Plus on y est à l'aise plus on réduit les risques, mais prendre confiance pousse à s'engager toujours plus. Du coup, nous, les compagnes de guide, vivons ce paradoxe quotidien de le regarder partir pour une activité à fort risque sans laquelle il ne serait plus grand-chose, et surtout pas l'homme qu'on a aimé à notre rencontre. Tout en étant consciente qu'il peut disparaître demain, on n'a d'autre choix que de le laisser y aller. La montagne, c'est leur gagne-pain mais c'est aussi une passion, un art de vivre, c'est nos vacances, nos loisirs. Ils vieillissent mal parce qu'ils ont besoin d'être physiquement performants pour faire ce qu'ils aiment. Il leur faudrait une prise en charge psychologique pour comprendre que ça s'arrêtera un jour, parce qu'un vieux guide qui ne fait plus que des Vallée blanche, c'est pathétique comme un vieux mannequin."
En montagne, l'instinct compte au moins autant que la connaissance du terrain. Il y a des années, à la Sentinelle rouge, David Ravanel, arrêté avec ses copains pour se désaltérer sous un rocher, a vu s'écraser un sérac à l'endroit même où ils auraient dû se trouver s'ils avaient continué. "Le soir, on a fait une super-fête", dit-il. Marco Siffredi n'a rien inventé. Tout jeune, David formait avec André-Pierre Rhem, Jérôme Ruby - le frère de Karine, championne olympique de snowboard en 1998 - et Fred Vimal, un quatuor inséparable et plus qu'audacieux. D'abord regardés avec circonspection par leurs aînés, David, Jérôme et Dédé, aujourd'hui trentenaires, font partie des guides les plus respectés. Peut-être parce qu'ils ont su lever le pied et qu'ils sont toujours là pour conter leur expérience de la montagne.
En 1992, en tentant la première "hivernale" en solitaire de l'Elixir, une voie du Grand Capucin, Fred s'est tué sous leurs yeux. "On parle souvent de lui mais jamais de l'accident, dit Dédé Rhem. Le lendemain, je suis allé récupérer son sac et des cordes qui pendaient. Je voulais nettoyer tout ça..."
La vallée a une approche singulière du deuil. "Quand un accident de montagne se produit, raconte Sonia Popoff, la rumeur se propage, tout en chuchotements, mais ça va vite, comme pour préparer doucement ceux d'en bas au pire. Mais, quelques jours après, on n'en entend plus parler." Lorsque l'accident est mortel, les ondes de Chut FM (98,3), la radio locale créée en 1982, diffusent de véritables nécrologies. "Je m'en passerais bien, soupire Alain Flament, fondateur et rédacteur en chef de la station, mais les gens, ici, vivent plaqués à la montagne, alors ils sont touchés qu'on évoque la mémoire de ceux qui y restent, célèbres ou non."
On fréquente la haute montagne ici depuis 1741, lorsque des Anglais curieux, Windham et Pocockese, ont embauché des paysans locaux pour les mener au Montenvers. Curieusement, pourtant, les journées de formation et de prévention aux dangers de la montagne n'existent que depuis trois ans. David Ravanel en est le responsable au sein de l'Office de haute montagne (OHM), un bureau d'information sur l'état de la montagne dans le massif du Mont-Blanc créé dans les années 1970. Cette année, 300 élèves de la ville ont bénéficié d'un ou deux jours de formation sur le terrain. "On les prend à 13-14 ans, quand ils commencent à fréquenter la montagne sans leurs parents, dit David. Et 70 ados de 14-18 ans sont venus suivre le niveau supérieur. Ça peut paraître peu, mais, à mon époque, cette tâche était laissée au soin des familles." Autant dire qu'on ne parlait de rien.
Patricia Jolly
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Triste saison pour les montagnards. Comme quoi la montagne, comme la mer, ne sera jamais une "science" exacte, et reste un des derniers espaces de liberté, y compris malheureusement parfois celle d'y rester !
Pour ma part, je préfère néanmoins finir en montagne que dans un carton en bagnole. Le plus tard possible sera le mieux bien entendu.
inscrit le 27/11/02
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