BONNEVILLE (AP) - Michel Charlet, le maire de Chamonix qui comparaît depuis mercredi matin et pour trois jours devant le tribunal correctionnel de Bonneville (Haute-Savoie), à la suite de l'avalanche de Montroc qui avait fait 12 morts le 9 février 1999, a affirmé dès l'ouverture de l'audience que rien ne lui permettait de prévoir la catastrophe.
Les experts qui se sont succédés à la barre du tribunal, devant lequel comparaît seul l'élu poursuivi pour "blessures et homicides involontaires", ont largement souligné les carences des services de l'état en matière de cartographie des sites à risques, leur manque de moyens et parfois leur rivalité.
"Ce sont ces hommes qui établissent la cartographie des sites dangereux ou avalancheux tracée parfois au pifomètre", dira l'un d'eux en pesant ses mots. Une cartographie qui, par la suite, a permis au maire de Chamonix d'établir la délimitation des zones constructibles. Assis sur son banc, Michel Charlet a écouté attentivement cette description presque caricaturale, mais à décharge du fonctionnement des services.
Un autre expert, chargé plus particulièrement des problèmes de nivologie, est venu quant à lui expliquer qu'il ne servait à rien de faire évacuer les chalets de Montroc le jour de l'avalanche. "Il aurait fallu évacuer deux jours plus tôt, mais qui aurait évacué un site qui ne figurait pas en zone dangereuse sur les cartes?", a-t-il commenté. Un troisième expert cité par le tribunal est venu enfoncer un peu plus le clou: "l'avalanche de 1999 n'a aujourd'hui encore rien changé à la cartographie de la vallée de Chamonix".
Dès son arrivée au palais de justice de Bonneville, Michel Charlet s'est déclaré serein. "J'ai fait mon travail de maire le mieux que j'ai pu (...) Il fallait faire ce procès, c'est normal, il y a eu 12 victimes. C'est bien que les gens sachent et que les familles des victimes puissent comprendre ce qu'est la montagne", a-t-il expliqué.
"Nous soutenons que nous sommes en face d'un événement avalancheux tout à fait extraordinaire et que le maire d'une commune comme Chamonix pouvait difficilement intervenir et prendre les mesures exactement appropriées à tel ou tel endroit", a estimé pour sa part Me Xavier De Roux. Le conseil de l'élu s'étonne que "seul Michel Charlet ait été renvoyé devant le tribunal correctionnel, alors que dans la commission 'sécurité avalanches' (de la vallée), il y avait des représentants de l'Etat, de la gendarmerie".
La première journée d'audience a été consacrée à la présentation de la situation. Les météorologues ont notamment expliqué qu'il était tombé 2,30 mètres de neige fraîche en 48 heures sur le petit hameau, qualifié par les guides touristiques de "plus enneigé de France".
La justice reproche notamment à Michel Charlet, alors président du comité de "sécurité avalanches et risques naturels", de ne pas avoir fait évacuer la zone alors que les conditions météorologiques et nivologiques étaient mauvaises depuis plusieurs jours.
Les expertises ont révélé que d'importantes avalanches avaient eu lieu durant les cent dernières années dans la zone où se situaient les 23 chalets dans lesquels ont péri les victimes. Ces avalanches n'avaient pas été prises en compte dans l'élaboration du plan d'occupation des sols et du plan d'exposition aux risques de la commune de Chamonix, dont dépend le hameau de Montroc. Les 23 chalets se trouvaient dans des zones constructibles, où le risque d'avalanche était classé "modéré".
La coulée s'est produite vers 15h. Des milliers de tonnes de neige dure comme du béton ont dévalé à près de 200km/h les flancs de la montagne, face au hameau. L'avalanche, de 250 mètres de large, a rasé la forêt, franchi un torrent -l'Arve- avant de remonter sur le flanc opposé où se trouvait une trentaine de chalets.
Sous le souffle de l'avalanche, 23 chalets du hameau ont été détruits. Dans les décombres, les secouristes ont découvert 12 corps sans vie, dont ceux de quatre enfants. AP
boi/pyr
Avalanche de Montroc: le maire de Chamonix reçoit le soutien d'un expert
BONNEVILLE (AFP) - Le maire de Chamonix Michel Charlet, qui comparait depuis mercredi devant le tribunal correctionnel de Bonneville pour répondre de sa responsabilité dans la mort de 12 personnes dans l'avalanche de Montroc en février 1999, a reçu le soutien d'un expert et de plusieurs témoins, affirmant qu'il ne pouvait pas prévoir la catastrophe.
Seul prévenu dans ce dossier et poursuivi pour "homicides et blessures involontaires", on reproche à M. Charlet de "n'avoir pas fait usage de son pouvoir de police, qui l'autorisait à faire évacuer le couloir d'avalanches" où se trouvait le hameau de Montroc.
"Une quinzaine d'avalanches étaient parties le matin du drame, balayant les voies de circulation. Les routes étaient interdites ou coupées. Je ne suis pas sûr que la bonne solution était de mettre les gens sur des routes dangereuses. Une évacuation est une bonne chose lorsqu'elle est préparée à l'avance", a estimé Richard Lambert, expert en avalanches.
Vingt chalets ont été touchés par la coulée, survenue à la suite de chutes de neige exceptionnellement abondantes, totalisant une hauteur de 2,30 m, entre le 5 et le 8 février 1999. Selon le plan d'exposition aux risques (PER) de la vallée, datant de 1992, onze chalets étaient classés en couleur blanche (sans risque) et neuf en couleur bleue (risque faible et constructible avec protection).
"Il y a 110 couloirs d'avalanches à Chamonix. Comment voulez qu'en période de crise, j'identifie une zone de risque dans une zone qui n'était pas signalée comme dangereuse. Lorsqu'on a appris qu'une avalanche avait touché ce secteur, on s'est aperçu qu'on n'avait aucune idée du nombre de maisons sous l'avalanche car cette zone n'était pas considérée comme une zone à risques", a déclaré M. Charlet.
L'avalanche de Montroc était exceptionnelle par son ampleur, avec un taux de retour tous les 150 ou 200 ans, a indiqué M. Lambert. Composée de neige poudreuse, elle a atteint 200 km/h, avec une longueur de 2 km et un dénivelé de 1,2 km.
Une "carte de localisation probables d'avalanches" (CLPA) à Chamonix a été établie par l'Etat en 1971, puis actualisée en 1991. Ces cartes inventorient les risques d'avalanches, grâce à des photos et au recueil de témoignages.
L'avalanche de Montroc y est signalée, car elle est tombée en 1843, 1908, 1945, mais des doutes persistent sur son ampleur et sa longueur. Pierre Cogoluenhes, qui a travaillé sur ces cartes estime qu'il y a une part de "pifomètre" pour délimiter ces zones, et des réticences des habitants: "Certains ont la mémoire courte pour signaler des événements qui rendraient les terrains inconstructibles".
Il y a quatorze parties civiles, uniquement des familles de victimes touristes, et non pas des familles de Chamonix, habituées au danger de la montagne.
Il y a huit avocats et vingt-cinq témoins. Le procès doit s'achever vendredi.
inscrit le 08/11/01
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