Hakkoda ou pas Hakkoda ? Y aller pour une seule journée ou rester à Aomori où nous étions comme des coqs en pâte ? La légende du « Japan's Deep Powder Paradise » ne pouvait manquer à notre tableau de visite !
5h45, le levé est douloureux ce samedi 3 février. Nous nous retrouvons tous les trois dans le local à skis à essayer d’optimiser nos bagages pour préparer la journée. La voiture a été déneigée par le personnel de l'hôtel. Comme avec la cuisine, le service à la japonaise ressemble à une sorte de rituel. À cet horaire aussi matinal que difficile, les yeux encore embués, ce soutien est plus que bienvenu pour nous faire gagner de précieuses minutes. Nous disons au revoir à Aomori et à Kenji croisé furtivement dans le hall avec ses clients du jour. La satisfaction du devoir accompli avec de belles images dans la boite est contrebalancée par la petite frustration de ne pas avoir aperçu le chapeau volcanique du Mont Iwaki.
Il neige fort, très fort même. La route est blanche et unie. 1h30 nous sépare de notre destination du jour, Hakkoda. Le GPS s’enrhume à nouveau de bon matin et nous transfère machinalement sur de petites routes. On se retrouve au beau milieu des pommiers, spécialités du coin. On louvoie dans de petits villages pour un tourisme rural improvisé. Ce n’est pas déplaisant et on découvre un Japon endormi sous la blancheur hivernale. Les déneigeuses ronronnent devant les garages, quand la lumière des distributeurs automatiques de boisson transperce la couche de neige dégoulinante. Le Japon est vraiment le champion du distributeur et de la fraise à neige. Nous stoppons dans un Lawson pour un café / grignotage / recherche de la bonne route afin de remettre le Nissan sur le droit chemin d’Hakkoda. Une dernière rampe dantesque avec des murs de neige latéraux, les fameux « Yuki no Kairou », nous hisse à la station située sur un col.
Le premier parking est étonnement vide. Je m’éloigne pour le pipi du matin mais Guillaume m’adresse le « carton rouge » de la bienséance (ndlr : non mais sérieux !) Mauvaise surprise, le second parking est lui bien plein et la queue des skieurs dans la gare de départ nous apparait déjà conséquente. Classique, nous sommes un samedi. La légende dit d'ailleurs qu’un week-end de beau temps, Hakkoda a les plus longues files d’attente du Japon. On prend notre mal en patience. Il y a un petit air de Grands Montets sans l’agitation chamoniarde. Flegme Japonais quand tu nous tiens. Quelques raquettistes et randonneurs à pied côtoient les skis larges, du pontoon en télémark aux pelles à tarte de Vector Glide dont le slogan « sans compromis » trouve ici tout son sens.
Le massif Hakkoda-san, situé à l’est de la Préfecture d’Aomori, compte plusieurs pics volcaniques dont le plus accessible est le Mt. Akakuradake. La station d’Hakkoda est plutôt minimaliste : quelques bâtiments, un téléphérique, trois parcours jalonnés et des itinéraires dans tous les sens. Deux courts télésièges sont installés à côté de la gare aval mais appartiennent à un autre propriétaire. Le col d’Hakkoda est un grenier à neige cela va sans dire vu notre trajet épique. L’aventure du ski au Japon a pris naissance à Hakkoda dans un tournant dramatique. En 1902, un groupe de soldats de l’armée impériale japonaise s'est retrouvé piégé dans une tempête de neige alors qu'il traversait ces montagnes. Cette catastrophe coûta la vie à 200 hommes et eu pour conséquence pratique l'introduction au Japon du ski qui commença à équiper les troupes de montagne. À côté de ce fait malheureux, Hakkoda, qui s’affiche comme la station où la neige est toujours profonde, fait partie avec Asahidake, Tenjidaira, Kurodake de ces lieux mythiques, paradis du hors-piste, avec des téléféériques, filins vers le bonheur, comparables à l’iconique Chamonix, les Aiguilles en moins.
Hakkoda est le mini Cham' du coin. Mini car les montagnes n’ont rien à voir avec le massif du Mont-Blanc mais tout le monde vient comme s’il allait en expédition pour voir les « monstres de neige » au sommet ou dévaler les vallons.
Dans la gare de départ, de grandes affiches alertent sur les risques du ski hors-pistes avec une iconographie et une poésie morbide toutes japonaises.
10h29, nous voilà enfin en gare amont du téléphérique. La sympathique chef de cabine entonne un message d’aéroport incompréhensible que l’on traduira en souriant par « merci d’être venu à Hakkoda, merci d’être au sommet, arigato, arigato ». T+4 heures après notre départ d’Aomori, nous sommes un peu amers du temps consommé. Les gifles du vent nous obligent à rester dans la gare d’arrivée à attendre près d’un poêle à pétrole l’éclaircie bienfaitrice. La vue depuis la cabine, dans des paysages enchanteurs et les gangues de glace accrochés aux pylônes, est remplacée par un brouillard opaque s’accrochant aux montagnes et rendant impossible toute exploration.
De longues minutes passent et puis comme par enchantement, le ciel s’ouvre ! L’agitation se met en route. On découvre des paysages de petits fantômes typiques de ces sommets balayés par les vents qui sculptent les fameux « monstres des neiges ». Avec les nappes de brouillard, les gens sortent d’un peu de partout par grappe. Des groupes partent rangés derrière des guides que l’on apostrophe gentiment pour des questions mais aucun ne s’arrête. Malgré l’entregent de Kenji et Tomo qui avaient activé leur répertoire téléphonique pour nous trouver un accompagnateur, notre découverte de Hakkoda doit se limiter aux itinéraires classiques sans la tentation d’aller explorer l’inconnu et tenter le diable avec cette météo très changeante et alors que l’application Fatmap indique une parfaite « zone blanche ». La logistique a eu raison de nous.
Visiter Hakkoda sur une seule journée en plein week-end n’était clairement pas une bonne idée.
Notre choix de descente se porte sur l’itinéraire balisé « Forest ». On s’essaye d’abord à un tout droit dans cette neige de guimauve avant de revenir rapidement sur l’itinéraire classique actant l’inskiabilité du monstre des neiges, véritable piège à skieurs. Le parcours est agréable dans une belle forêt de hêtres. Le terrain joueur permet à Jérémie de se livrer à quelques sauts. La fin se termine par un sympathique boardercross à faire la course avec des Japonais qui n’hésitent pas à tournebouler.
On pensait faire de belles images au milieu des « monstres de neige » mais en fait, c’est hyper dur à skier, le vent balaye tout et crée des corniches, des trous autour des arbres. C’était bien pour l’ambiance mais il aurait fallu rester deux jours sur place et prendre un guide pour faire les grands itinéraires et rentrer en taxi sinon personne ne vient te chercher.
Nous en restons sur notre montée unique. Nous avons vu Hakkoda mais son potentiel extraordinaire mérite bien plus qu’une journée de passage. On s’attable à l’hakkouda pour une Soba à la viande avant de reprendre la longue route qui nous emmène vers Odate. La soupe n’étant pas dans ma religion, je jette mon dévolu sur une préparation de fèves de soja, les edamame avant d’être stoppé par le ricanement de mes acolytes après avoir exprimé le côté filandreux des gousses que j’avalais. Le « petit cliché » du français qui découvre le Japon a son piège, la fève !
Avant cette escapade à Hakkoda, nous avons profité plusieurs de la poudreuse du Tohoku à Aomori, demain nous serons dans un petit paradis qui s'appelle Ani... Ne ratez pas les 6 articles consacrés à notre périple ski dans le Tohoku.
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- Hakkoda : s'y rendre, plan des pistes, forfait montée à l'unité à 1 250 Yen japonais (environ 8 euros)
- Pour casser la croûte (Hakkouda attenant à la gare du téléphérique) ou boire un verre (Buna World à la hauteur des télésièges, ambiance "Bar des Guides")
- Pour connaitre et suivre la météo
- Pour louer une voiture, faire traduire votre permis, la connexion 4G sur place mais aussi louer un appartement sur Tokyo au retour (le bon plan si vous êtes un petit groupe), une seule adresse : l'agence française Japan Experience, spécialiste du Japon depuis 40 ans !
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