Torin gagne, Toto Krief deuxième

Le jeune Américain Torin Yater-Wallace remporte cette finale du superpipe avec un gros run noté à 95 points. La bonne surprise vient de Toto Krief qui termine deuxième comme lors des qualifications ! David Wise ne parvient pas à décrocher l'or comme aux derniers X Games d'Aspen et se contente de la troisième marche du podium.

Quelle histoire allait s'écrire sur ce superpipe des X Games de Tignes ce soir ? Qu'allait-il se passe dans ce demi-tube creusé dans la neige et éclairé de spots ? Un doublé de David Wise après sa victoire à Aspen ? Un retour en grâce de Xavier Bertoni ? La première médaille d'or de Torin Yater-Wallace ? La reconnaissance par un podium du niveau de Thomas Krief ?

Ce seront les trois dernières propositions qui se révèleront justes : Torin Yater-Wallace décroche sa première médaille d'or aux X Games, Thomas Krief, le plus ancien de nos jeunes skieurs, impose son niveau et valide les espoirs investis en lui. Et puis Xavier Bertoni retrouve sa conviction et son niveau avec un run digne de ses plus belles années. La star de la soirée, ce fut véritablement Toto Krief (et oui, nous sommes un peu chauvins). Greg Guénet, son coach, en avait les larmes aux yeux, un visage éclairé, soulagé, excité qui constraste avec le faciès concentré et tendu qu'il offrait hier lors des qualifications à hauts-risques. Son père, aussi, semblait errer dans la raquette, sonné par cette médaille d'argent vers laquelle il tendait la main avec son fils depuis tant d'années et qu'il serre maintenant dans ses doigts, fermement. Le sourire immense de Kevin Rolland qui se baladait devant la foule retenue en cage par les filets bleus de la sécurité.

Kevin Rolland motive Xavier Bertoni avant son deuxième run. 

Ces kids ont des spatules en or, ils ont profité de l'absence des stars (Kevin Rolland et Simon Dumont) pour se frayer un chemin vers la lumière dorée. Torin, surdoué à peine sorti de l'inconnu et déjà podium à Aspen ("Je ne peux pas croire que j'y arrive si jeune, c'était le but de ma vie et j'y arrive aujourd'hui", explique-t-il juste après) et Thomas Krief, patient travailleur, dont on attendait tous l'éclosion depuis des années. 

Il faut revenir sur le déroulé de cette soirée, en commençant par le premier run où Torin impose tout de suite son amplitude, sa flamboyance avec 93 points. Thomas Krief est à 87,66 points, ce qui lui offre une position d'observation, pas très loin du coeur des débats, cependant en dessous de la barre symbolique des 90 points. Cette frontière délimite les deux groupes de riders qui se sont affrontés ce soir. Le groupe au-dessus de 90 points, ce sont les quatre premiers (Torin, Thomas, David et Justin), en-dessous, les quatre suivants (Noah, Xavier, Gus, Matt). Les moins de 90 ne menaceront jamais réellement les plus de 90. A la fin du premier run, Torin est donc en tête, une position relativement confortable pour à la fois mettre la pression sur les suivants en imposant un score à battre et en se laissant la liberté de l'augmenter dans les deux runs suivants (ce qu'il parviendra à réaliser dans son troisième et dernier run). Torin domine de la tête, des épaules et du casque, avec plus de 5 points d'avance sur le second, Thomas Krief.

Thomas explique : "je n'avais pas la pression du favori, j'ai skié pour moi, je voulais me surpasser, c'était mon but. C'était une bataille contre moi-même. Je suis content de la médaille, quelle que soit la couleur. Je suis aussi content de la façon dont j'ai modifié mon état d'esprit en imaginant que j'étais capable de gagner. A force de faire des 4èmes et des 5èmes places, je me suis découragé. Après le premier run, j'ai compris qu'il y avait moyen de monter sur le podium, et je ne voulais plus qu'une seule chose : le podium ! C'est un déclic majeur pour moi. Après le premier run de Torin, j'étais pas trop bien et Ben, Kevin, Greg et Xav m'ont convaincu que je pouvais réussir, ils m'ont donné les crocs ! Greg mon coach m'a dit : " regarde Torin, il est haut mais il fait des erreurs, tu peux y arriver Thomas, pense aux détails, c'est possible, c'est entre tes mains". Là, ça a vrillé dans mon cerveau !". Et Toto Krief envoie le run qui vaut de l'argent ce soir-là : cork 9 reverse mute, double cork tail, flat 3 japan, switch 1000 reverse tail, alley oop double flat 900.

Xavier Bertoni, troisième du classement provisoire à l'issue du premier run, va descendre une à une les marches pour terminer finalement à la 6ème place, mais quelle beau retour du Français après ses années de vaches maigres. Lors du deuxième run, Justin accroche les 90 points, repoussant Thomas à la troisième place, ce qui ne plaît pas au Français qui monte les enchères avec un score de 91,66 points, il vient coller Torin et s'éloigne de Justin et David. Torin n'améliore pas son score (une amplitude incroyable sur son double cork 1260 et un run impeccable sont gâchés par une réception ratée sur le dernier trick), alors que David revient dans la course en passant la limite symbolique des 90 points.

A la fin du deuxième run, les frontières sont bien dessinées, les enjeux clairs : Torin est l'homme à abattre, Thomas peut et doit améliorer son run pour solidifier sa position sur le podium, Justin et David sont les seuls à pouvoir bouleverser le duo de tête....

Tout se résoudra dans le troisième run. Un à un, les skieurs passent et dans la raquette d'arrivée, savent déjà que leurs meilleurs efforts ne suffiront pas. Justin touche la neige sur le dernier trick, Gus ne bouleverse pas le classement et, finalement, ne restent à courir les trois skieurs d'ores et déjà assurés d'un podium. Nous nous retrouvons dans une situation assez originale où le seul et unique run restant à chacun déterminera leur place sur le podium. Torin, Krief et Wise ont une médaille autour du cou mais aucun ne sait encore de quelle couleur elle sera. Autant dire qu'ils peuvent se lâchent. Et ils se lâchèrent, surtout Torin. Il fait claquer un 95 points (avec un grab qu'il n'avait jamais tenté auparavant, un Guitar grab sur son double cork) et engrange deux points de plus que son premier run (qui lui aurait permis de gagner de toute façon). Il reste en tête, un peu plus premier qu'avant. Thomas se lance ensuite mais craque en cours de run : "sur ce troisième run, je le dis honnêtement, je n'étais pas dedans, j'ai fait une grosse daube, mais ce n'est pas grave, j'avais déjà accompli un grand pas en atteignant ce podium". 

David Wise est le dernier à s'élancer. De troisième à cet instant précis, il peut grimper sur la seconde ou sur la première marche. Tout repose donc sur les épaules du favori, le vainqueur d'Aspen... qui échoue à 86,66 points, perdant avec la même nonchalance et le même sourire serein que quand il gagne. Thomas est en argent, Torin est en or, Wise, sagement, prend le bronze.

Jérémy Pancras a agité ses béquilles de joie toute la soirée, il nous donne son analyse :

"Torin, comme un Tom Wallisch ou un Shaun White, a un toucher de neige que les autres n'ont pas, c'est évident. Son double alley oop dans le troisième run est incroyable, il est resté trois secondes en l'air ! Thomas, il a assuré, c'est le meilleur skieur de pipe français maintenant, il l'a prouvé pendant les entrainement, encore plus pendant les qualifications et a enfoncé le clou pendant les finales. Il avait sa famille en bas, la moitié de Tignes, ça l'a poussé ! De cette finale, j'ai retenu le double cork 1260 de Torin qui le satellise, le switch double 1080 japan de David Wise très technique. Le niveau continue de monter, de plus en plus haut, les tricks sont de plus en plus propres, il n'y a plus aucun souci sur les doubles cork. Et puis j'aimerai dire que je suis vraiment content de retrouver un Bertoni au même niveau que lors de sa victoire aux X Games, le couteau entre les dents ! Ca fait plaisir et ça promet de bonnes choses pour la suite avec Ben Valentin, Joffrey et tout le clan français..."

1- Torin Yater-Wallace - 95 points
2- Thomas Krief - 91,66
3- David Wise - 90,33
4- Justin Dorey - 90
5- Noah Bowman - 85
6- Xavier Bertoni - 81
7- Gus Kenworthy - 57,33
8- Matt Margetts - 38

Le run de Torin Yater-Wallace

Le run de Thomas Krief

Le run de David Wise