Le ski half-pipe est olympique

La nouvelle vient de tomber ! Le Comité International Olympique (CIO) vient d'annoncer officiellement que le ski freestyle en halfpipe  sera aux prochains Jeux Olympiques de Sochi en 2014.

En revanche, il faudra encore patienter pour une éventuelle arrivée du slopestyle, aussi bien en ski qu'en snowboard, le comité conditionnant sa décision à une visite des sites olympiques de Sochi.

Une bonne nouvelle pour le clan français qui compte dans ses rangs de sérieux prétendants au titre olympique. Cette annonce marque t-elle un tournant pour le ski freestyle ?  

Accepter le half-pipe ski en tant que discipline officielle olympique, c'est faire entrer dans l'arène fédérale toute la mouvance du freestyle "new school" qui s'épanouit depuis plus de dix ans et qui a revivifié tout le ski en termes visuels, techniques et culturels. C'est la reconnaissance d'un niveau technique et d'une respectabilité sportive atteints. C'est peut-être aussi un piège tendu qui menace la créativité du half-pipe, ce qui doit inciter tous les acteurs de ce sport à faire oeuvre de vigilance. 

C'est une reconnaissance parce que la plus haute autorité du sport mondial accepte ces sales gamins qui ont défiguré les bosses, qui ont osé le sacrilège du grab, de la rotation tête en bas et colonisé un demi-tube hérité du skate. La médaille d'or pendue autour du cou signe une réussite incontestable, un statut d'athlète de haut-niveau, la poignée de main du président de la République à la remise de la Légion d'honneur et une place assurée, symboliquement et financièrement. 

Cependant l'exemple funeste des bosses est à l'esprit de tout le monde. L'histoire est éclairante car elle aide à cerner ce qui pourrait transformer cette bonne nouvelle en mauvaise opération à long terme. Discipline anti-conformiste née du hot-dog dans les années 70, les bosses étaient une giclée de sang frais dans le ski de grand-papa. Devenu olympique, il a perdu son acidité et s'est retrouvé bloqué dans son évolution. L'esprit freestyle s’en est allé voir chez les snowboarders, qui seront les premiers à glisser dans un half-pipe de neige puis, vers 1996, sur le terreau des anciens bosseurs en rupture de ban. Le freestyle renaît en freestyle new school (pour le différencier de l'ancêtre hot-dog, qui a donné naissance au ballet, au ski acrobatique et aux bosses). Accepté en 2011 au buffet olympique, le half-pipe va-t-il connaître le sort des bosses, stérilisées par l'olympisme ?

Il faudra d'abord être vigilant sur la banalisation de la discipline. "Après l'effet de boost à court terme, cela va banaliser une discipline qui s'est justement construite à la marge", prévient Gilles Chappaz, ancien rédacteur en chef de Ski Français et de l'Equipe Mag, grand connaisseur de l'histoire du ski qui couvre les JO depuis 30 ans, "c'est une bonne nouvelle, je m'en réjouis, mais il faut savoir qu'il y a toujours un effet boomerang dans ce genre de décision : d'abord l'euphorie et puis au moment des épreuves, la nouvelle discipline a du mal à se faire sa place par rapport aux sports leaders. Elle entre dans la hiérarchie des sports par la petite porte, elle devra faire ses preuves. Le skicross à Vancouver a eu un effet d'image mais je n'ai pas l'impression que le sport a été boosté. Les bosses sont maintenant une petite discipline des JO", poursuit-il.

La seconde question épineuse est celle des critères de jugement. Une branche du freestyle aussi vivace que celle du half-pipe n'est-elle pas condamnée à sécher sur pied, asphyxiée par les normes de jugement ? "Par expérience, une discipline olympique est figée, ça l'empêche d'évoluer car ils installent des critères stricts", estime Olivier Cotte, bosseur olympique (en 94 et 98) et organisateur de la tournée SFR Tour. "Je l'ai vu avec les bosses, c'est une discipline qui avait toujours évolué avec les pratiquants. Tout s'est pétrifié avec les JO : les bosses faites à la machine, les courses en single... sinon on aurait eu des big-air en bas des parcours dès les année 90, les skieurs le demandait. Cela dit, le half-pipe est quand même très différent des bosses, puisqu'il est déjà bien défini et encadré avec deux murs qui ne bougeront pas (les dimensions du half-pipe sont fixées pour le snowboard, ce seront les mêmes en ski, ndlr), des tricks hyper techniques et surtout le half-pipe est élitiste, ce n'est déjà plus une discipline de masse. Je ne pense pas que les JO puisse trop lui faire de mal". 

Kevin Rolland, clairement pro-JO, estime que si le "pipe olympique est jugé comme les X Games, ou comme les Championnats du monde à la limite, tout se passera bien. Il n'y a pas de raisons que ça se passe mal". C'est aussi l'avis de Julien Régnier, un skieur qui a l'avantage d'avoir couru en bosses à Nagano avant de faire ce que l'on sait pour le freestyle. Selon lui, le half-pipe part avec plus de chances que les bosses de survivre à l'olympisme : "ce qui peut empêcher le freestyle d'avoir le même destin que les bosses, c'est qu'on a tout un pan du sport qui reste créatif et qui n'est pas lié uniquement à la compétition. Pour les bosses, les règles olympiques ont vraiment shapé le sport, ce qui ne sera pas le cas du freestyle. Le slopestyle, en revanche, m'inquiète un peu plus...".

L'olympisme dresse devant la proue conquérante du turbulent half-pipe un troisième obstacle plus sournois : l'embourgeoisement. "Les dirigeants, l'encadrement, les coach du half-pipe étaient à la marge. Ils se trouvent soudain avec une petite part du gâteau, ils deviennent encore plus fédérastes que ceux qu'ils dénonçaient avant, les exemples l'ont montré, avec le snowboard par exemple", analyse Gilles Chappaz. "Ils ont l'impression d'être arrivés, d'avoir le label olympique et ils se mettent à servir leurs propres intérêts plutôt que ceux du sport. Avec l'olympisme, le half-pipe s'ouvre aux carriéristes". 

Le half-pipe sera-t-il soluble dans les JO ? Espérons que non. C'est aussi (et surtout) à nous de le décider.

Retrouvez notre reportage de la Coupe du monde de ski freestyle à La Plagne il y a quelques semaines.

Les réactions à chaud ajoutées au fur et à mesure qu'elles nous parviennent !

Kevin Rolland : "C'est une bonne nouvelle ! Je suis pour les JO. J'adore le challenge et là, j'en ai un nouveau. Les JO, c'est la consécration. 

Tout le monde a peur, flippe en disant : "on va perdre notre âme, on va changer les choses, les critères seront n'importe comment..." Je ne suis pas d'accord. C'est à nous de donner le ton, si on fait bien les choses, il n'y aura pas de problème, ce ne sera pas comme les bosses. Il faut qu'on y aille avec notre esprit, il ne faut pas changer notre sport. C'est notre sport qui va aux JO, pas les JO qui entrent dans notre sport. C'est une compétition de plus et on va pouvoir montrer notre état d'esprit, notre style à beaucoup plus de monde. 

Il faut que le pipe olympique soit jugé comme les X Games, ou comme les Championnats du monde à la limite, et tout se passera bien. Il n'y a pas de raisons que ça se passe mal. De mon côté, je n'ai pas tant les yeux fixés sur Sochi, c'est dans trois ans, c'est loin, on ne va pas tout donner pour un run de 20 sec aux JO. J'ai des X Games à gagner avant !"

Mike Riddle : "I was just so excited!!! because we've been pushing for this for so long and Ski Pipe is finally in!! I can't wait for the next 3 years!!
Je suis juste trop excité ! J'attendais cette nouvelle depuis longtemps et le halpipe en ski fait enfin partie des JO. Je suis tellement impatient d'être dans 3 ans !"

Joffrey Pollet-Villard : "Je pense que c'est une bonne chose pour que le sport évolue, se fasse connaitre plus sérieusement. Mais tout ça à condition que le pipe des J.O ne soit pas comme aux coupes du monde. Donc ça peut être quelque chose de bien si le pipe est fait sérieusement, ou alors on peut se ridiculiser dans un pipe de 5 mètres."

Greg Guenet : "Super content ! On est heureux de cette nouvelle ! Maintenant il va falloir rester bon jusqu'à Sochi et même après... Comme dans tous les sports qui deviennent olympiques, ça va se professionnaliser. Le niveau d'exigence va augmenter. On va avoir plus de stages, plus de moyens... Le ski freestyle va devenir un sport de haut niveau voir de très haut niveau. Je pense que c'est une très bonne chose pour tous les gamins qui rêvaient d'être champion Olympique, ils vont pouvoir concrétiser leurs rêves ! Par contre, les gens du milieu auront la responsabilité que la discipline garde son esprit actuelle et évolue dans le bon sens.
Coach de l'équipe de France de halfpipe ? Je ne sais pas si il y aura une équipe de France... C'est c'est sûr ça m'intéresserait mais j'ai aussi mon team dont je dois m'occuper. Si tout le monde est ok et si je peux faire les deux, pourquoi pas..."

Thomas Krief : "Enorme!!!!!!! C'est super pour le sport, ça va donner de la crédibilité à ce que l'on fait. J'espère par contre que ça ne changera pas notre discipline et que le freestyle restera le freestyle !
Le freestyle va enfin être considéré comme un "vrai" sport!"

Tanner Hall : "Its About Time! That Was My First Thought. My Second Thought Was How Hard Freeskiing Is About To Take Over The Snow World. Boom Bomb Connect!!!"
Ah il était temps ! Voici ma première pensée ! La seconde : A quel point le freeski aujourd'hui est en train d'exploser dans les sports d'hiver "

Anais Caradeux : "En lisant cette news, j'ai poussé un grand YES au milieu des cours. Et mon prof me lance un regard noir au même où j'écris ce message ! C'est trop bien ! J'espère vraiment faire partie de ces jeux de Sochi !"

Ben Valentin : "C'est juste trop bien, on attendait ça depuis longtemps et c'est fait ! Il faut juste maintenant réussir à rester les meilleurs pendant les année qui arrivent. Je ne pense pas que cela va changer le sport, car nous allons nous battre pour que ça reste comme c'est à l'heure actuelle. Cela va juste apporter une réelle crédibilité au sport. Nous allons enfin être reconnus."

David Wise : "I woke up this morning and had 20 new text messages. My first thought was, - Why do I have so many messages? - But then I remembered that the decision was supposed to be made today. I looked at my phone, jumped out of bed and just started dancing around the room cheering!"
En me reveillant ce matin j'avais 20 nouveaux sms. Ma première réaction fut - Pourquoi ai-je autant de messages?- Puis je me suis souvenu que la décision pour les JO devait être prise aujourd'hui. J'ai regardé mon téléphone, sauté hors de mon lit et j'ai commencé à danser de joie"