Titre : freeride à Disentis

Patrick Vuagnat est un skieur-voyageur. L’un de ceux qui a des ailes sur les spatules. Le ski commence toujours, pour lui, par un coffre de voiture et une carte ouverte sur le siège du passager. En route vers de nouvelles pentes.
Après m’avoir raconté ses histoires de spots discrets défrichés par grande poudreuse, ses domaines presque déserts, ses champs de fraîche esseulés dans une station où tous les glisseurs restent sur piste... Je lui ai demandé des preuves. Du tangible. Des photos !
Alors Patrick a décidé de jouer le jeu et a préparé trois reportages. Trois voyages en Europe réalisés cet hiver, trois spots à portée de réservoir d’essence. Le premier était Tonale en Italie,  celui-ci à Disentis en Suisse. C'était il y a quelques semaines...

Si le petit Robert donnait une définition pour « secret spot », il n’y a aucun doute que le synonyme en serait Disentis. Quant à moi, je pourrai commencer cette histoire par « Il était une fois…» tellement Disentis est un endroit tout droit sorti d’un conte de fée pour rider. Une fée blanche bien entendu !

Disentis est un petit bourg situés dans le canton des Grisons en Suisse, aux sources du Rhin. L’histoire du village remonte à la nuit des temps, au début du 8ème siècle lorsqu’un monastère bénédictin y fut érigé. Situé à un endroit stratégique de passage entre nord et sud, les moines y ont tenu le rôle de sentinelles avant que la congrégation ne se fasse balayer par les multiples tourments de l’histoire. Aujourd’hui reste les murs et les dorures pour témoigner de la richesse passée, ainsi qu’une poignée de religieux. L’isolement ajoute à l’apparent mystère qui entoure l’endroit.

Aux portes du col de l’Oberalp, que la neige bloque une fois l’hiver venu, il ne faut pas hésiter à brûler de l’asphalte en quantité pour contourner les reliefs et atteindre le Saint Graal. Les habitants, confinés dans leur localité parlent le romanche, quatrième langue officielle du pays helvète (français, allemand, italien). Ce dialecte mélange des accents italiens à d’autres inconnus. Vestige linguistique qui se retrouve sans complexes dans le quotidien, les documents administratifs ou dans la rue.  

La vallée trop difficile d’accès est inconnue des tours opérateurs et aux dernières nouvelles quatre ou cinq skibums seulement y résident. Il y a trois ans de cela, un groupe de scandinaves a ouvert une petite auberge de jeunesse retapée dans une vielle ferme. Les burgers sont excellents et c’est à ma connaissance, le seul endroit où étancher sa soif et s’égayer après un bain de poudre ! Il y a bien sûr quelques hôtels à la clientèle familiale. La proximité d’Andermatt par la voie ferroviaire amène de temps à autre son lot de riders journaliers. Mais c’est quand même le calme qui règne en maitre absolu. 

6 remontés mécaniques, 2800 mètres au sommet et 1200 mètres au pied. Les mensurations de la bête n’impressionnent pas vraiment. Et pourtant ! Le terrain qui s’offre aux spatules est absolument dément. Les mots me manquent pour décrire un tel endroit : des pentes immenses, des couloirs tracés au cordeau, de grosses barres, des vallons sans fin, de la forêt... rien ne manque ! Ce serait en fait bien superficiel d’essayer de retranscrire un tel environnement sous 30 cm de poudre et quasiment personne pour en jouir. 

Aujourd’hui une ville parallèle constituée de baraques de chantier s’est greffée à la commune. On construit ici le plus long tunnel du monde. 57 km de béton et de ferraille enfouis sous terre pour réduire de moitié le temps d’accès à la station (et à la région en général). Disentis est donc un secret spot en voie de disparition, mais shhhht, je ne vous ai rien dit...