En 30 ans, le marché mondial annuel a étédivisé par quatre. Aujourd’hui, vendre un ski à son prix de vente normal est plus difficile que jamais. Etat des lieux.
En 30 ans, le marché mondial annuel a dégringolé, divisé par quatre depuis 1980, passant de plus de 11 millions de paires à environ 3,5 millions. Aujourd’hui, vendre un ski à son prix de vente normal est plus difficile que jamais, d’autant que le marché et la distribution sont en plein bouleversement. Etat des lieux.
Les chiffres confirment la lente glissade du ski depuis les années 70, années dorées ou le plus grand fabricant du monde, Rossignol, trompettait un chiffre d’affaires annuel dont la croissance s’écrivait à deux chiffres : 55,7% de hausse en 73/74, 62,4 % en 76/77 !
La production de skis du groupe (y compris Dynastar), passait de 418 000 paires en 1971 à 2 174 000 paires en 1979 ! La même année, le marché mondial du ski est estimé, c'est un record, à 11,28 millions de paires de skis. On est aujourd’hui à environ 3,5 millions.
“Le marché mondial du ski a connu plusieurs paliers dans sa descente : de 80 à 92, de 92 à 2006, et de 2006 à aujourd’hui”, précise Denis Levet chez Salomon. La chute du marché japonais dans les années 90, les changement des comportements sportifs plus zappeurs, le snowboard, des hivers sans neige et les crises économiques sont passés par là.
En France, si les chiffres de la FIFAS sont à prendre avec des pincettes puisqu’ils sont fournis par les marques elles-mêmes (quinze), ils donnent cependant une idée des grandes masses. 360 000 paires de skis alpins adultes ont ainsi été livrés aux détaillants (donc facturés, pas forcément vendus au client) en 2008/2009. En ajoutant les skis de rando (16 000 paires), les skis junior et les ventes aux moniteurs, le chiffre atteint 470 000 paires pour la France. La chaussure représente environ 500 000 paires.
Julien Vigouroux de Dynastar, résume avec un regard aiguisé trente ans d’habitudes commerciales : “on était lancé dans un logique de rentabilité par la production, donc de surproduction. Cela fonctionne dans un marché en croissance. Or personne n'a arrêté la machine à la fin des années 90 (K2 et Völkl, ont réagi avant tout le monde, ils ont épuré, ils sont sortis de cette logique les premiers)”.
Hervé Maneint, fin connaisseur de l’industrie et concepteur des skis Scott, renchérit : “la distribution de masse, c’est du consommable, j’ai fait une croix dessus pour ma propre production. C'est ce qui a entrainé pas mal de boites dans le rouge. Les marques perdent de l'argent en faisant des skis injectés vendus moins chers qu’ils ne coûtent à produire. Cela permettait de garder des parts de marché, d’entrer dans des chaines de magasins pour pouvoir vendre le reste de la gamme, une sorte de ticket d'entrée. Suroffre, marché gris : c’est ce qui a plombé les marques. C'est grave quand un grand fabricant annonce 200 000 paires de skis en stock en janvier (Rossignol à son pire moment, ndlr)”. Le ski perd de sa valeur : comment vendre 800 euros un modèle qui sera proposé à 200 euros un an plus tard...
A la surproduction, Hervé Maneint ajoute un manque de flair et d’analyse au rayon des erreurs : “par manque de vision, d’anticipation des comportements futurs, le milieu s'est détruit. L’industrie imposait les skis de Tomba au marché en lui disant que c’était ce qu’il lui fallait plutôt que de tendre l’oreille pour comprendre ce que voulaient vraiment les skieurs”.
Aujourd’hui, les habitudes ont changé : ”l'objectif n'est pas forcément d'être le n°1 mais d'être rentable, poursuit Julien Vigouroux. Il vaut mieux être n°4 et avoir une bonne rentabilité qu'être n°1 et perdre de l'argent. Les fabricants de voitures étaient dans la même logique de surproduction. On est devenu raisonnables dans la progression en volume, on s'est adaptés avec retard à la taille du marché et cela est passé, en partie, par la réduction de notre production et par une meilleure gestion du réassort... au risque de tomber en rupture de stock sur certains produits (comme le modèle Altitrail Powder dès en octobre l’hiver dernier chez nous). Avec ce phénomène de rareté, on devrait rééquilibrer la vente, assécher le marché gris que les marques alimentent depuis des années.”
Cause ou conséquence, la distribution est chamboulée : les grands groupes débarquent en station après s’être livré à une guerre des prix fratricide en ville, les spécialistes de ville s’en sortent bien, la location continue d’augmenter et internet vient mettre son grain de sel...
Premier point : dans un contexte de crise économique et d’érosion des volumes, notamment en ville, on note une vraie réussite des enseignes spécialisées (Montaz, Caribou, Espace Montagne, Vieux Campeur, Altitude 64, Gozzi sport, Amoudruz, ...), les derniers grands indépendants. “Tu as du conseil, un service, ils vont monter des fixations. Ils ont fidélisé leur clientèle”, indique Julien Vigouroux. Leur service paie en période de crise. “Le public du ski est haut de gamme, avec un service de qualité, c'est pour cela que Ski Republic s'est planté. Notre futur est là,“ ajoute Denis Levet. Ainsi, aux Etats-Unis, la majorité de la distribution passe par des spécialistes indépendants, avec une culture du conseil, de la qualité, du haut de gamme.
En face, on trouve les grands groupes - Intersport, Sport 2000, Decathlon - qui représentent plus de la moitié des ventes en ville, Decathlon compte pour 25% des ventes de ski en France, surtout sur le créneau des premiers prix. Ils se sont livrés à des guerres de prix destructrices pour les fabricants qui, sur certains produits, acceptaient de vendre à perte pour s’assurer d’un gros volume.
Grands groupes qui débarquent en station où il n’y a quasiment plus d’indépendants - Skimium est ainsi une filiale de Décathlon - là où le marché se tient bien. Environ 195 000 paires de ski sont vendues en ville annuellement contre 249 000 en station (principalement de la location). La location, justement, a pris du poids chaque année pour représenter 50% des skis vendus en France et en Suisse, 70% en Autriche. C’est un phénomène européen puisque la location ne représente que 20% aux US et... 0% au Japon.
Et internet ? C’est le nouveau joueur sur la table de poker. Dans un premier temps, c’était le lieu du déstockage et des prix bradés : le marché gris écoulait les invendus de la saison précédente. Cela a bien changé : internet n’est plus seulement synonyme de Conrad (le vendeur allemand spécialiste des prix cassés). Des détaillants ont ouvert leur vitrine sur la toile pour y réaliser une part non négligeable de leur chiffre d’affaires et Comparide, nouveau site, met en relation les lecteurs de skipass avec des vendeurs.
En revanche, si internet permet de présenter un nombre de modèles virtuellement infini alors que le nombre de mètres carrés d’un magasin est limité, “les petites marques ont besoin d'un réseau physique pour vendre leurs skis,” commente Jean-Christophe Arvat de Nordica. C’est aussi le constat qu’a fait CoreUpt : après avoir voulu jouer la carte d’une distribution 100% internet, la marque de Guerlain a ouvert une centaine de points de vente. “On veut vraiment essayer de tisser un lien avec les magasins sur le terrain, on a envie que les acheteurs potentiels puissent essayer, qu’ils soient vus dans les vitrines... On n’a pas pris l’option internet, on voulait vraiment commencer par le terrain, que les vendeurs voient nos skis, qu’ils les touchent, qu’on ne soit pas juste sur un écran,” conclut Camille Jaccoux, co-fondateur de la marque Black Crows. Les choses changent, mais pas l’essentiel...
Retrouvez les deux premiers chapitres de la vie du ski : la conception (1) et la fabrication (2).
5 Commentaires
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il en faudrait peut-etre plus des comme ca, histoire de faire prendre conscience aux passionnés et aux riders que ce sont eux qui feront survivre leur sport ....
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l'article oublie de poursuivre l'analogie voiture/ski-snowboard sur le plan de l'achat dirigé par le design/look plutot que sur la qualité/fiabilité ...
ceci explique en partie le succès des ventes sur internet , une belle photo fait 80% du boulot ...
triste monde ....
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