Le glacier de Mont-de-Lans, ou glacier de Mantel, subit lui aussi les effets du changement climatique : il perd en épaisseur de glace. Pour tenter de freiner cette fonte, la station des Deux Alpes a prévu d'installer des canons à neige, ou enneigeurs, sur le glacier pour l'aider à se régénérer. Une pratique qui peut étonner en France, mais déjà en place dans les autres pays de l'arc alpin. Explications.
Nous en parlions il y a deux ans, à l'occasion d'un colloque de la FRAPNA (Fédération des Associations de Protection de la Nature et de l'Environnement en Rhône-Alpes) : le changement climatique se manifeste en montagne par un réchauffement, plus important que le réchauffement global de la planète : +1,85°C d'augmentation dans les Alpes de 1900 à 2014, pour +0,89°C sur la France.
Dans le même temps, on constate une diminution des précipitations*. Combinée à la hausse des températures, cela conduit à une diminution de l'enneigement moyen, particulièrement à basse et moyenne altitude.
*Diminution des précipitations remise en cause par les dernières études sur le changement climatique dans les Alpes. La diminution de l'enneigement elle, est confirmée, tout comme le bilan hydrique (différence entre les précipitations et l'évapotranspiration), également en baisse.
Entre autres conséquences de ces phénomènes, le recul voire la disparition des glaciers est surement l'effet le plus visible et le plus impressionnant. Dans les Alpes, depuis 30 ans, les glaciers perdent en moyenne un mètre d'épaisseur par an, et de nombreux petits glaciers ont déjà disparu (voir le dossier du Monde "le crépuscule des géants blancs").
Deux phénomènes antagonistes sont à l'oeuvre dans cette réduction de masse : la hausse des températures entraine une fonte plus importante, tandis que la baisse des précipitations et de l'enneigement ne permet pas aux glaciers de se régénérer suffisamment, hormis lors de quelques hivers neigeux, devenus exceptionnels (comme les hivers 2007-2008, 2012-2013 et 2013-2014 pour le glacier Blanc ci-dessous).
Les glaciers perdent ainsi en superficie et en épaisseur. D'après une étude, un réchauffement moyen de +3°c d’ici 2100 engendrerait une disparition des glaciers dont l’altitude est inférieure à 3500 mètres.
Le glacier des Deux Alpes s'appelle le glacier de Mont-de-Lans, ou glacier de Mantel, situé dans le massif de l'Oisans-Pelvoux. Il culmine à 3420m d'altitude, et est relié au glacier de la Girose, le fameux glacier de la Grave, l'ensemble formant une calotte locale. Il est exploité par la station des Deux Alpes durant la saison hivernale, mais aussi pendant l'été et les vacances de la Toussaint. Il permet à de nombreux pratiquants de s'entrainer, aussi bien en racing que dans le snowpark, avec près de 140 000 skieurs par été.
De part sa forme, son recul est moins visible que pour les glaciers de vallée (mais bien présent, voir ci-dessous), cependant il ne fait pas exception et perd malheureusement de la masse, à raison de 1 à 2m d'épaisseur par an.
D'après Arnaud Guerrand (nivologue et responsable opérationnel neige à Deux Alpes Loisirs), "si on ne fait rien, dans moins de 30 ans, il n'y aura plus de glacier" (voir son interview pour le Dauphiné Libéré du 15 août).
En effet, celui-ci explique que, d'après les études et sondages effectués, l'épaisseur de glace actuelle est de 60m. A raison d'une perte d'un à deux mètres d'épaisseur par an, la fin du glacier risque d'arriver dans quelques dizaines d'années...
Les glaciers de Mont-de-Lans et de la Girose vus depuis le lac Lérié sur le plateau d'Emparis (date inconnue à gauche, 2017 à droite) :
La station des Deux Alpes mettait déjà en oeuvre différentes solutions pour tenter de conserver le glacier en état :
- Le damage est la priorité numéro une, toute l'année : il permet de compacter et densifier la neige pour limiter son envol et sa fonte. Le but principal est d'éviter que la glace ne se retrouve à l'air libre, car elle se mettrait à fondre plus rapidement.
- La mise en place de "pièges-à-vent", des tranchées de neige ou des barrières qui permettent de "casser le vent" et former des congères artificielles pour conserver la neige. Et le glacier de Mont-de-Lans, par sa configuration, est particulièrement sensible au vent.
Car c'est bien la couverture neigeuse qui assure la conservation du glacier. C'est pour cette raison qu'Arnaud Guerrand et son équipe ont choisi d'installer six enneigeurs sur le glacier : ces derniers aideront à former la couche de neige protectrice du glacier, limitant ainsi sa fonte.
La neige a un double rôle de protection : non seulement elle isole la glace, l'empêchant d'être atteinte directement par l'air et le soleil, mais elle évite aussi l'absorption d'énergie, étant blanche. Plus le glacier est "propre", blanc, et moins il fond.
Le projet est d'installer six enneigeurs, à partir de septembre 2017. Ces derniers devraient pouvoir être déplacés sur le glacier. Ils seront alimentés par le lac de fonte présent au départ des téléskis de Puy Salié.
La neige de culture est, pour ce projet, très intéressante : plus compacte et donc plus dense, elle possède une meilleure résistance mécanique qui tiendra mieux face aux attaques du vent et du soleil, protégeant ainsi la glace.
L'impact de l'exploitation du glacier sur son état et l'évolution de celui-ci est difficile à calculer. Le glacier de Mont-de-Lans serait-il plus épais s'il n'avait jamais été exploité ? Ou au contraire aurait-il fondu encore plus vite ? C'est un des reproches que l'on lit régulièrement sur les réseaux sociaux ("laissez le glacier tranquille !"). Rien n'est moins sur, et tout dépend justement des mesures de conservations mises en place.
Une étude sortie en 2016 ("Local reduction of decadal glacier thickness loss through mass balance management in ski resorts") montre que les mesures de conservation mises en place pour certains glaciers autrichiens exploités (couverture du glacier par des bâches blanches, pièges-à-neige, neige de culture) portent leurs fruits, et ont permis de limiter la perte de masse (-0,23m/an de perte en moyenne pour ces glaciers, contre -0,78m/an pour l'échantillon de référence de glaciers sans mesures, excepté le damage).
L'étude conclut sur l'efficacité de la couverture des glaciers et de la production de neige de culture pour la conservation à (relatif, "multi-year") long terme des glaciers dans le but de conserver les infrastructures permettant la pratique du ski.
Cependant, l'étude note tout de même que ces mesures, même effectives, ne font que ralentir une fin inexorable pour les glaciers alpins situés en-dessous de 3500m, au vu de l'augmentation des températures prévue au cours du XXIème siècle par les différents scénarios, même les plus optimistes.
23 Commentaires
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Tu es sur que le ski d'été ne rapporte rien à la station ?!
Je ne suis pas sur qu'il y ai un potentiel de 140 000 skieurs uniquement "locaux" par été
Pour mettre en perspective, l'hiver c'est 1,3 à 1.4 millions de journées de ski vendues sur plus de 5 mois d'exploitation soit 9300 skieurs/jours sur l'ensemble du domaine.
Imaginons même que ces 140 000 estivaux skient seulement 1 journée, cela donnerait 2300 skieurs/jours sur uniquement le sommet.
Le ratio été me semble surgonflé.
Quoiqu'il en soit le sujet est discutable mais à l'heure ou les glaciers déclinent, il est plus que jamais tant de faire le point sur un modèle d'exploitation de la montagne qui semble révolu.
Ensuite l'été représente 25% de la fréquentation annuelle sur la station (selon l'Office de Tourisme). Et là il faut rapprocher des autres stations qui n'ont pas ou plus de glacier. Les 2Alpes l'été c'est impressionnant: tous les commerces ou presque sont ouverts. Allez dans les autres stations voir les rues ou galeries entières de rideaux baissés.
Le maintien du glacier est essentiel pour l'économie de la station. Parmi les 25% de fréquentation estivale il faut là encore se promener dans la station pour constater le nombre énorme d'équipes nationales de ski / snowboard, de Ski-club de toute l'Europe (et au-delà: plein d'asiatiques cette année), de snowboard camp ...
Je pense que c'est mieux d'avoir en pleine montagne des immeubles dont la montagne se passerait bien si ces immeubles créent une activité économique pendant 7 mois 1/2 (5 de saison hivernale, 2 d'été et 1/2 d'automne) plutôt que pendant 5 mois.
Ce matin à Saas Fee à 6h30 il y avait 35 minutes d'attente pour monter au glacier: gros phénomène de report de stages prévus sur les 2Alpes (y compris ski club français) C'était édifiant de regarder les minibus sur lesquels sont mentionnés les équipes / ski-clubs. Je pense que c'est pareil à Zermatt et en Autriche.
Pour moi la question est assez simple:
1) pour entretenir les glaciers et ralentir leur disparition il faudra du travail de damage et des canons les années à déficit hydrique comme cette année (au passage l'an passé le glacier était super également en août)
2) le chiffre d'affaires représenté par le ski d'été permet a minima de contribuer aux charges d'entretien (et peut-être plus, mais là il faudrait analyser les comptes et procéder à des affectations de charges entre skieurs, randonneurs et autres),
3) le ski d'été génère un afflux important de touristes qui contribuent au maintien d'une activité justifiant mieux l'existence des immeubles en montagne (justification sur 7 mois 1/2 et pas seulement sur 5 mois),
4) c'est aussi du boulot pour les gamins du cru
L'alternative c'est une station qui ne peut plus entretenir un glacier qui disparaitra plus vite, un "village mort" l'été et utilisé seulement 5 mois par an, moins de boulot pour les enfants du cru ...
Accessoirement moins de jours d'entrainements pour nos jeunes (et moins jeunes) skieurs qui affrontent sur les circuits FIS des suisses et des autrichiens ...
Au fait il est de quelle nationalité le skieur qui vient de gagner son 6ème gros globe de cristal?
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Remonter le temps
Consultation et impression de données anciennes et actuellesConnectez-vous pour laisser un commentaire
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L'avenir de tout ça c'est le VTT ! Moi je vous le dis. Et pour les plus accros au ski l'été, reste la Rando/Alpinisme ou l'hémisphère sud..
Faut pas trop se prendre le chou.
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Sans entrainement d'été, les compétiteurs n'ont quasi aucune chance d'arriver à haut niveau.
C'est une chance pour nos champions et pour les clubs de pouvoir s'entrainer sur les 2 glaciers qui sont encore skiable en été en France.
Si l'idée de mettre des canons à neige sur un glacier peu paraître farfelue à certain, ça me semble pourtant être le meilleur endroit où les installer (cf le premier post d'Olivier Gouch).
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