Le 14 juin 2017, l'actuel exploitant du domaine de la Grave, les "Téléphériques des Glaciers de la Meije", va passer la main à son successeur suite à la fin de la Délégation de Service Public qui durait depuis 30 ans.
La commune, à qui appartient le téléphérique, doit trouver un repreneur pour la nouvelle DSP. Aux dernières nouvelles, un seul concurrent est encore en lice : il s'agit de la S.A.T.A, la "Société d’Aménagement Touristique Alpe d’Huez et des grandes rousses", une société anonyme d'économie mixte iséroise.
Ce changement est important pour le village, dont la moitié des emplois dépendent directement ou indirectement de l'exploitation du téléphérique, mais aussi pour nous les skieurs : que va devenir cet endroit mythique, exceptionnel et hors du temps ?
La Grave, c'est tout d'abord un fameux téléphérique aux cabines de couleurs chaudes. Construit en 1976 (et 1977 pour le deuxième tronçon), celui-ci peut monter une trentaine de skieurs toutes les cinq minutes depuis le village de la Grave à 1400m jusqu'au sommet à la gare des Ruillans à 3200m, avec un changement à l'intermédiaire, la gare de Peyrou d'Amont. La montée des deux tronçons prend une demi-heure, grâce à 6 trains de 5 cabines de 6 places chacune.
Si le téléphérique, son histoire et sa construction vous intéressent, nous vous renvoyons vers l'excellent dossier de nos confrères de remontees-mecaniques.net.
Une fois au sommet à 3200m, il est encore possible pour les skieurs d'emprunter une dernière remontée, le téléski de la Girose, installé sur le glacier du même nom. Il permet de monter jusqu'à 3550m d'altitude.
La particularité de la Grave, c'est que ce n'est pas une station de ski "traditionnelle" : il s'agit "juste" d'un téléphérique qui vous monte et vous largue en pleine montagne. Le site de l'exploitant est clair à ce niveau :
"En accédant au domaine de La Grave - La Meije, vous n'êtes pas dans une station de ski. Vous êtes en haute-montagne, sur un site non sécurisé où les conditions météo peuvent changer brutalement et où vous devez gérer votre insécurité.
Un téléphérique vous monte en 30 minutes environ à 3200m d'altitude dans un décor unique de grandes étendues glaciaires, de couloirs abrupts où vous pourrez tracer vos courbes selon votre inspiration et votre niveau, loin des pistes balisées et des pylônes."
La seule piste balisée et sécurisée, une bleue, se trouve sur le glacier. En dehors, c'est une zone glaciaire avec tout ce que ça implique, notamment les crevasses et ponts de neige. Plus bas, vous êtes en haute montagne : pas d'itinéraire balisé, pas de déclenchement préventif des avalanches, pas d'aménagements, pas de filets, etc. Et vous y êtes sous votre propre responsabilité.
Comment gérer au mieux la sécurité des pratiquants ? Outre la sensibilisation effectuée en amont et au pied du téléphérique, jusqu'à cet hiver, l'ouverture de la Grave était conditionnée à l'avis positif d'une commission de sécurité constituée d'une trentaine de personnes qui évaluent les conditions au petit matin sur le terrain. Elle est déclenchée si le risque d'avalanche passe au niveau 3 où s'il évolue à un niveau supérieur, mais aussi en cas d'évolution des conditions météorologiques (vent, réchauffement, etc.).
Cette commission est ainsi convoquée en moyenne 45 fois lors d'un hiver (sur 120 jours d'ouverture, de fin décembre à fin avril), et il en résulte une quinzaine de jours de fermeture du téléphérique. Les cas d'avalanches avec personnes ensevelies sont plutôt rares sur le domaine : le passage régulier des skieurs tout au long de la saison aide en partie à la stabilisation des secteurs les plus empruntés. De plus, les pratiquants qui se rendent à la Grave sont globalement mieux équipés, mieux formés plus conscients des risques que les skieurs hors-piste "classiques".
A relativiser tout de même : l'essentiel des secours reste du à des erreurs d'itinéraires qui voient des skieurs non expérimentés et/ou non équipés se retrouver dans des zones dangereuses pouvant nécessiter des rappels.
Le téléphérique appartient à la commune de la Grave. Celle-ci cède l'exploitation par le biais d'une Délégation de Service Public (DSP) :
"Une délégation de service public est un contrat par lequel une personne morale de droit public confie la gestion d'un service public dont elle a la responsabilité à un délégataire public ou privé, dont la rémunération est substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service. Le délégataire peut être chargé de construire des ouvrages ou d'acquérir des biens nécessaires au service." (Source marches-publics.fr)
En juillet 1986, 10 ans après son inauguration, le téléphérique avait fermé face aux frais de maintenance et de mise en conformité nécessaires pour continuer de le faire tourner. L'ingénieur qui avait conçu et construit le téléphérique, Denis Creissels, reprendra l'exploitation (dettes comprises) l'année suivante pour un "franc symbolique" en signant une DSP avec la commune d'une durée de trente ans, incluant la construction d'une liaison avec les Deux Alpes grâce à l'installation de téléskis sur le glacier de la Girose. C'est cette DSP qui termine le 14 juin prochain.
Sans compter l'hiver particulier 2015-2016 avec la route de secours RS 1091 comme accès par l'ouest ayant conduit à une forte baisse de la fréquentation, le domaine tourne autour de 35 000 à 40 000 passages par hiver, et un chiffre similaire en été. Rapporté sur la centaine de jours d'ouverture hivernale (120, à minorer des journées de fermeture), la moyenne est de 300 passages journaliers, voire en-dessous.
Avec un forfait moyen autour d'une quarantaine d'euros l'hiver et d'une vingtaine l'été, le chiffre d'affaire annuel des Téléphériques des Glaciers de la Meije se situe aux environs 1,8 à 2 millions d'euros.
Comme la première Délégation de Service Public se termine cette année, la commune de la Grave souhaite repartir sur une DSP et a lancé en 2016 un appel d'offre ouvert à tous pour trouver des repreneurs. Cette nouvelle DSP définit les grandes lignes de ce que souhaite la commune pour le domaine de la Grave durant les 360 prochains mois, soit trente nouvelles années d'exploitation, que le futur repreneur devra suivre.
La commune voit l'avenir de la Grave dans trois grands axes : conserver le caractère unique du domaine, moderniser ses installations et développer les activités estivales et piétonnes.
La commune demande donc un programme d'investissement conséquent pour le futur exploitant estimé à une vingtaine de millions d'euros. Il faudra notamment :
- Maintenir en état les deux tronçons de téléphérique existants,
- Construire un troisième tronçon téléporté sur le glacier permettant de monter jusqu'au dôme de la Lauze,
- Rénover les deux restaurants (de l'intermédiaire et de l'arrivée du téléphérique actuel),
- Développer un nouveau point d'embarquement aux deux tiers du premier tronçon du téléphérique qui permettra de démonter le télésiège des Retours, devenu inutile.
Le troisième tronçon de téléphérique demandé, prévu pour l'horizon 2021, est "l'aménagement phare" du contrat. Il partirait à proximité de la gare des Ruillans à 3200m pour aller directement dans l'ancrage rocheux du dôme de la Lauze à 3600m et remplacerait le téléski de la Girose, permettant aux piétons de monter directement jusqu'au sommet du domaine. Son coût est estimé dans une fourchette de 10 à 15 millions d'euros, la moitié voire plus de l'investissement global demandé.
Son débit prévu sera limité à 500 personnes par heure. Au sommet, un refuge de type "salle hors-sac" est demandé pour pouvoir dormir sur place en cas de mauvaise météo, avec une capacité d'une centaine de personnes.
La commune souhaiterait agrandir la période d'ouverture des remontées mécaniques, pour passer à terme après la construction de ce troisième tronçon à une saison unique de mi-décembre à fin-septembre (horaires d'ouverture potentiellement adaptables en période creuse).
La partie "Pistes" fait une ligne dans le programme d'investissement :
Les éventuels intéressés avaient jusqu'au 28 octobre 2016 pour déposer leurs candidatures auprès de la commune de la Grave. Elle donnera sa décision au mois d'avril.
Le principal intéressé et actuel exploitant, Denis Creissels, a "jeté l'éponge" et n'aurait même pas répondu à l'appel d'offre de la commune. Il serait d'ailleurs en contentieux avec celle-ci.
La station des Deux Alpes était l'une des favorites sur ce dossier : appartenant à la CDA (Compagnie Des Alpes), elle est à la fois directement en liaison avec la Grave au niveau du glacier et surtout possède les fonds nécessaires pour les investissements demandés (résultat net de la CDA en 2015 : 25,4 millions d'euros). Cependant, nous avons appris avec surprise hier le retrait de la CDA de ce dossier. Les responsables estiment que "les conditions ne sont pas réunies pour envisager une collaboration sereine et pérenne". En cause, le fait qu'ils n'aient pas pu avoir accès à certains documents ou même à l'installation, d'après le Dauphiné Libéré d'aujourd'hui, rejetant la faute sur Denis Creissels.
L'automne dernier, une petite association s'est lancée à la Grave à l'initiative de Joost Van Zudert, le Signal de la Grave. Leur but original était de reprendre la succession de la DSP, cependant leur candidature n'a pas été retenue par la commune : les projets et la vision de l'association ne correspondent pas exactement aux attentes de la mairie. Joost et les autres membres de l'association revendiquent une exploitation à échelle humaine et locale. Ils souhaitent notamment le retrait des installations du glacier de la Girose et laisser celui-ci accessible uniquement pour les skieurs alpinistes.
L'association du Signal a reçu un gros écho autant dans les soutiens locaux que parmi les fans du domaine du monde entier : leur campagne de récolte de fonds avait reçu plus de 60 000€, qui seront ré-injectés dans l'économie du village.
Ce printemps, les deux seuls candidats encore en lice pour reprendre la DSP étaient donc la CDA et la S.A.T.A., la "Société d’Aménagement Touristique Alpe d’Huez et des grandes rousses", une société anonyme d’économie mixte "dont la majorité du capital social est détenu par la commune d’Huez. Le reste des actions est partagé entre quelques établissements bancaires et des petits porteurs".
Avec le retrait de la CDA hier, la S.A.T.A. est donc la dernière à pouvoir reprendre le flambeau de l'exploitation du domaine skiable de la Grave dans le cadre de cet appel d'offre.
La commune devra donner sa réponse le mois prochain, et elle ne possède plus que deux solutions : soit accepter la candidature de la S.A.T.A., et celle-ci partira pour 30 ans d'exploitation de la Grave, soit déclarer la DSP infructueuse et en relancer une. Peut-être est-ce ce qu'attend la CDA ? Dur de le dire, mais si c'est le cas, une régie transitoire sera mise en place le temps de trouver un repreneur.
Ce qui est sur, c'est que le téléphérique actuel restera, et avec lui sa capacité : maximum 440 personnes par heure. Les calculs tenant compte des habitudes des skieurs (pas forcément de ski toute la journée, cabines pas toujours remplies, etc.) donnent une capacité maximale de 1200 personnes par jour. C'est tout de même le quadruple de la moyenne de fréquentation actuelle, autour de 300. L'idée de jouer sur les périodes creuses où le téléphérique tourne presque "à vide" semble être une des solutions retenues, avec un travail en amont à faire pour attirer les clients à ces moments.
Avec un forfait de 49€ la journée adulte actuellement, il va être difficile de jouer sur ce levier là, à moins d'augmenter le forfait été, actuellement de 23€, une fois que les nouvelles installations le justifieront. C'est probablement pour cette raison que l'un des axes est de développer le tourisme piéton avec le troisième tronçon : la commune semble vouloir augmenter la fréquentation des autres catégories de clients que les skieurs qui eux, sont déjà proches de la saturation quand il s'agit de conserver des conditions de ski convenables dans les itinéraires.
De notre côté, nous restons dans l'expectative. Difficile de dire pour le moment quel sera l'avenir de la Grave : beaucoup de choses reposent sur la décision de la mairie le mois prochain, mais les grandes lignes étaient déjà en partie fixées par la DSP. Au risque que celles-ci changent si elle est déclarée infructueuse et revue ?
La commune ne semble pas vouloir laisser le glacier de la Girose et le domaine de la Grave devenir quelque chose comme ça, à notre plus grand regret :
Pendant ce temps, le nouveau tunnel du Chambon est de nouveau fermé depuis le début du mois de mars pour les travaux qui permettront une ouverture définitive en décembre prochain. Il ré-ouvrira de manière provisoire cet été durant la période d'affluence, de mi-juillet à mi-août et seulement de jour.
En attendant, la route de secours RS 1091 a donc repris du service de l'autre côté du lac : l'accès à la Grave par l'ouest est toujours ouvert.
18 Commentaires
par contre c'est moi ou l'investissement attendu dans la DSP est énorme si on considère le CA plus que faiblard?
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Avec de tels arguments, il y aurait ni route pour y aller, ni et encore moins de téléphérique (particulièrement esthétique) qui permet pourtant au village de vivre.
Même avec une A-Line shapée au laser entre les mélèzes, il faudrait composer avec la concurrence des voisines de l'Oisans qui sont stratégiquement plus proches de Grenoble et Lyon (en plus d'une solide réputation en terme de Bike Park), sans parler des sudistes qui ont au moins 15 options de Bike Park avant d'atteindre le Nord 05.
La Grave peut surement tirer bénéfice de sa spécificité "haute montagne", en proposant aux vacanciers une expérience qu'il ne pourront pas trouver ailleurs.
Et mon idée de départ part de l"hypothèse évoquée d'une ouverture non-stop du 1° décembre au 15 septembre: entre le moment ou ça devient roulable mi -avril, et l'ouverture de tout le monde le 28 juin, aucune autre concurrence que le col de l'Arzelier qui eux ont parfaitement compris.
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