A quelques jours du lancement du Freeride World Tour 2017 à Chamonix, nous vous plongeons dans les coulisses du plus gros circuit actuel du freeski !
Pour vous donner une idée des rouages de cette grosse machine : le Freeride World Tour, c'est un budget de 500 000 à 900 000 CHF par étape et 13 personnes qui y travaillent à l'année (dont environ 70% à temps partiel). Sur le terrain, pour le bon déroulement de chaque étape, les effectifs gonflent : un "petit" dispositif en Alaska à l'autre bout du monde représente 70 personnes contre 210 à Verbier pour le bouquet final. Parmi le staff présent sur place, environ 30 personnes sont uniquement dédiées à la production Live et TV.
En avril 2016 lors de la finale du FWT à Verbier, nous avions suivi pendant 48h non-stop Nicolas Hale-Woods, directeur du freeride World Tour et co-fondateur de l'Xtrem de Verbier. A 47 ans, ce papa de deux enfants, passionné de glisse (aussi bien sur neige que sur eau), est une figure incontournable lorsque l'on parle de freeride en compétition.
Sur l'Xtrem 2016, malgré les aléas météo, la pression du direct, Nicolas Hale-Woods nous a impressionnés par son calme et sa prestance en toutes situations. Il a pris le temps de nous expliquer comment les décisions étaient prises : comme parfois celle de renoncer à lancer la course ou encore comment les différentes équipes (production, riders, guides...) se coordonnaient et s'adaptaient aux changements de dernière minute. Ce reportage vous montre l'autre facette du Freeride World Tour, celle que vous ne voyez pas derrière votre écran. Bienvenue dans le coeur de l'organisation !
J’ai un papa anglais, une maman neuchâteloise et une grand mère qui m’a emmené en hors piste très tôt, au Mont gelé, je devais avoir 7 ou 8 ans. J’ai été l’école à Neuchâtel, en Belgique, en Angleterre et à Lausanne, puis j’ai passé en licence en sciences éco à l’université de Fribourg.
Ces années universitaires ont été très sympas : je passais 5 jours de la semaine à Verbier et 3 jours sur les bancs de l’uni. Ce rythme me laissait pas mal de temps sur la neige, c’est à cette époque, en 1985, que j’ai découvert le snowboard. On était quelques uns à se rendre compte que l’on pouvait aller vite en hors piste. De fil en aiguille, j’ai découvert également le surf, sur l’eau, c’était quelque chose de génial qui a changé ma vie.
Nous avions crée "pour rire" l’association « Suisse de Surf sur eau » et nous avons été le seul pays sans océan à envoyer une équipe au championnat du monde amateurs en 92 à Lacanau. Pour ce championnat, nous avions trouvé un sponsor : les couteaux suisses Victorinox. Nos planches étaient rouges, nous étions un peu comme les Jamaïcains qui font du bobsleigh (rires). Les médias avaient trouvé ça rigolo ! Nous avions ensuite proposé à Vicorinox de faire un film sur le parallèle entre le surf et le snowboard et, à cette occasion, nous avions surfé dans l’océan indien et ridé à Verbier, au Bec des Rosses en 94.
C'est lors d’une prise de vue sur le Bec, avec une longue focale aux Gentianes, que spontanément une centaine de personnes se sont assises pour voir le spectacle. Tout de suite on s’est dit « ah là y’a un truc à faire, si on fait venir les meilleurs snowboarders du monde ici avec cette montagne, cet amphithéâtre naturel et la station de Verbier, ça va être de la balle ». On a eu beaucoup de chance en 96, les conditions étaient bonnes le jour J, nous avions zéro expérience d’organisation d'événement mais tout s’est super bien déroulé. C’était là le début de tout…
Ce qui caractérise l’événement, la discipline ou le sport en général c’est que ça reste cool, même une 21ème année (ndlr : Xtrem de Verbier), même quand il y a un budget de 1 400 000€, même quand il y a plus de 200 personne qui travaillent sur l’événement et qu’il y a de gros partenaires. L’ambiance reste authentique, par exemple les anciens donnent un coup de main aux petits jeunes qui peuvent être impressionnés quand ils voient le Bec pour la première fois. Je suis convaincu que ça reste le même esprit qu'au début, c’est subjectif, il faut le demander aux riders. Il y a une professionnalisation des athlètes, une professionnalisation de l’organisation mais l’ambiance que nous avons, je l'aime bien : les gars échangent, ils ne sont pas dans une dynamique de concurrence, de compétition. Ils sont plutôt contents d’être là et de faire partie de la fête.
Nous avons décidé de diminuer le nombre total de riders, c’est à dire de faire un cut dur, à savoir qu’il n’y a que 50% des riders du FWT qui se sont qualifiés pour cette année. Le but est d’arriver à un total de riders qui est un peu en dessus de 50. Pourquoi ? Une compet' avec 70 riders au départ c’est trop long… Quatre heures et demi de fenêtre météo c’est parfois difficile à avoir, donc il y a un risque de pas pouvoir finir une competition. Ensuite, 70 traces dans une face ça péjore la qualité de la neige. Le prize money est aussi divisé sur un trop grand nombre de riders, idem pour le temps d’antenne et la communication. Nous avons décidé de rendre le Tour plus exclusif, cela a un impact sur les riders du Tour moins qualifiés et sur ceux qui montent du Qualifier.
Il y a eu grosse une discussion : on avait d’abord décidé de diminuer à 4 le nombre de skieurs hommes venant du Qualifier avec un total de 22 riders. Il y a eu une levée de boucliers de la part des riders Qualifier. Après une bonne conversation, nous avons pris la décision de repasser à 6 car il y a vraiment une bonne concurrence et un excellent niveau en ski aux Qualifier. Par contre, nous avons diminué le nombre de qualifiés pour le snowboard hommes et le ski femmes de 2 qualifiés par région à 1 seul qualifié par région pour arriver à ces chiffres que nous voulons absolument atteindre. L'objectif est de gagner en qualité et pérennité. C’est aussi une histoire de sécurité, avec moins de riders, il y a aussi moins de risques mais ce n’est pas la première des raisons. C’est avant tout la qualité, pour ceux qui dédient une saison au Tour, il faut que l'on puisse leur proposer un produit qui est "pro" en terme de conditions de neige, prize money et temps d’antenne.
Les wildcards, nous les attribuons selon différents critères. D’abord, il y a les riders qui se sont blessés, qui ne peuvent pas se re-qualifier au regard du niveau sur les FWQ mais qui méritent de revenir sur le Tour. Il y a ensuite les riders qui viennent de certains pays qui sont importants pour le Freeride World Tour d’un point de vue marketing et on ne se le cache pas du tout. Ils ont aussi le niveau et on leur donne un accès plus rapide pour pouvoir être performant sur des marchés, je pense à la Russie, à l’Italie ou par le passé à la Suisse. Nous avons donné des wildcards à des gars comme Malakhov, Sam Anthamatten, Markus Eder, qui avaient clairement une légitimité d’un point de vue ski et qui ont apporté quelque chose au Tour.
Enfin, ça se fait de moins en moins, mais nous donnons des wild cards locales. Typiquement, l’an passé, nous ne l’avons fait qu’en Andorre où il n’y avait ni Andorran, ni Espagnol sur le Tour. Un événement là bas sans rider local, tu perds beaucoup d’un point de vue com'. Heureusement, il y avait de très bons riders qui ont fait de bons résultats et qui ont prouvé qu’ils méritaient leurs wild cards. Certains sont contre les wild cards, je les comprends, mais d’un point de vue organisateur, elles sont fondamentales. Il est néanmoins important de pas en donner trop pour qu’elles restent légitimes.
Le live en Alaska c’est un problème qui n’arrive à priori jamais. Notre signal était bon, il partait de son assiette satellite, tout était ouvert. Nous avions en place la même équipe que l’année passée. Les gars qui étaient en Caroline du Sud et devaient recevoir le signal, ne le recevaient pas. Nous n’avons pas encore l’explication complète, ils sont en train d’enquêter mais à priori c’était un problème de hardware : une pièce qui a pété dans le satellite au mauvais moment pour nous. C’est assez frustrant parce qu’on avait 40 gaillards qui étaient là bas pour produire le live. Après ce n’est pas perdu, toutes les images nous les avons, c’était sublime ! Les riders étaient contents de la course, mais c’était en différé et pas en live. L’an passé plus de 140 000 personnes avaient regardé le direct, et là, c'est tout simplement un chiffre qui manque en 2016. Cela fait partie des aléas et de la vie en général, tout ne va pas toujours comme on veut, ce qui compte c’est de s’améliorer.
Nous avions pensé à un embargo sur les résultats pour garder le suspens, puis nous nous sommes dit que ce n'était juste pas réaliste. Aujourd’hui, à partir du moment où tu arrives dans une ville où il y a du réseau, tu as des riders qui vont le dire à leurs parents ou leur entourage : « j’ai gagné/j’ai pas gagné, je suis qualifié/pas qualifié pour Verbier ». D’un point de vue timing, nous nous étions imaginé une nouvelle heure de diffusion mais ça fonctionnait mal entre l’Europe, la côte ouest des Etats-Unis et le côte est. Nous nous sommes résignés à le mettre avec 24h de retard en replay, ceux qui voulaient voir n’importe quelle ligne le pouvaient mais les résultats étaient publiés car nous n’aurions pas pu les garder secret.
7 Commentaires
mais quand même, minimum 500 000 € minimum par ETAPE ?! ça parrait enormissime.
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On peut même remonter bien plus loin, parmi les premières compétitions de "ski extreme" vers la fin des années 90 : youtube.com
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Une orga de fou bravo !
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