Dans les entreprises, la période des fêtes est souvent propice à des repas un peu trop arrosés où l'on dresse la bilan de l'année. Chez 1997 Media on ne déroge pas à la règle, sauf que cette année nous avions discrètement soufflé à l'oreille de nos patrons (G et O pour les intimes) l'idée d'une journée "corporate" instructive et utile à tous. Tout le monde dans nos bureaux pratique la montagne été comme hiver, et même si la neige tarde à pointer ses flocons nous avons tous l'espoir secret de nous gaver de poudreuse loin des pistes damées. En guise de bonne année (et pour nous remercier de notre bon travail bien sûr), toute l'équipe a bénéficié d'une journée de formation au secours en avalanche encadrée par l'ANENA.
Nous vous rabâchons souvent que la sécurité c'est important et qu'avant de sortir des pistes, il faut être informé (lecture du BRA), équipé (DVA, sonde, pelle), mais aussi savoir se servir de ce matériel et avoir les bons réflexes pour secourir des victimes en cas d'avalanche. Et les bons réflexes, ça s'use avec le temps ! Nous avons donc saisi cette opportunité pour rafraichir nos connaissances, pratiquer en situation sur le terrain, et au passage vous expliquer comment ça se passe, pour ceux qui n'en ont jamais fait.
ATTENTION : cet article a pour but de montrer l'importance d'être formé et entrainé à intervenir sur un accident d'avalanche. Sa lecture ne vous dispensera absolument pas de devoir en faire une, car entre la théorie et la pratique, il y a un monde (en tout cas en secours en avalanche).
La formation DVA 1 dure une demi-journée (groupe de 8pers max - 25€), la formation DVA 2 prend également une demi-journée (groupe 8pers max - 30€).
Les contenus, dates et prix des différentes formations et conférences de l'ANENA sont à retrouver ici.
Le rendez-vous est donné jeudi 5 Janvier à 9h au col de Lautaret en raison de la disette neigeuse. Compte tenu de notre notre nombre, 13 personnes, nous sommes encadrés par deux formateurs ANENA : Fred Jarry et Jonathan Rouquairol. La journée débute avec une petite auto-évaluation des connaissances de chacun afin de composer deux groupes de niveau. Le premier groupe commencera par reprendre les bases du sauvetage tandis que le second, plus à l'aise, pourra attaquer à travailler sur des scénarios plus complexes.
Avant de partir sur le terrain, nous revoyons quelques données théoriques à garder en tête. Jusqu'à 18 minutes d'ensevelissement, une victime conserve de fortes chances de survivre : 91%. Ce pourcentage va ensuite baisser très fortement entre 18 et 35 minutes, la phase de mort par asphyxie, pour atteindre 35%. Après 35 minutes, le taux baisse moins fortement, ce qu'on appelle la phase de latence, avant d'arriver à partir de 120 minutes, pour les victimes encore envie, à la phase de mort par hypothermie : ce sont des victimes bénéficiant d'une poche d'air qui leur a permis de tenir, mais qui vont décéder à cause du froid (voir schéma 1 ci-dessous).
Pour un sauvetage efficace dans le temps imparti, il convient d'être organisé et réactif. Le secours d'une victime, à partir de l'arrivée sur le lieu de l'avalanche, jusqu'au dégagement de ses voix respiratoires, prend en moyenne 15min. Il n'y a donc pas de temps à perdre !
Le secours en avalanche se décompose en plusieurs phases : la recherche de signaux DVA, la recherche approximative, la recherche fine, le sondage et le pelletage. En théorie, Il ne devrait pas s'écouler plus de 3min pour la partie recherche DVA à la main, laissant ainsi 12min à la partie la plus chronophage du sauvetage : le sondage et surtout le pelletage. Passé les 18min, les chances de survie de la victime baissent chaque minute, d'où l'importance de s'être entrainé en conditions "quasi réelles" à toutes les étapes de la recherche.
Notre journée attaque avec les grands basiques ! Une sortie hors piste ou rando commence toujours par un test d'émission/réception afin que de vérifier que les DVA de chaque membre du groupe fonctionnent correctement, dans les deux modes.
Une personne, ou le leader s'il y en a un, se désigne et passe dans un premier temps son DVA en mode émission, tandis que le reste du groupe bascule en réception pour capter son signal. Tour à tour, chaque membre passe devant lui et vérifie que son DVA en réception "trouve" bien l'autre, avant d'aller se placer un peu plus loin, tout en restant en réception.
Les rôles s'échangent ensuite, le groupe revient en mode émission en prenant soin de garder une distance de quelques mètres entres les différents membre. Le désigné se charge de vérifier le signal du DVA de chaque membre du groupe un par un, avant de basculer à la fin à son tour en émission.
Le second exercice a pour pour but de connaitre plus en détails son DVA et notamment sa portée. Il existe un large choix de DVA sur le marché : d'une marque à une autre, d'un modèle à un autre ou d'une génération à une autre, la portée de l'appareil peut être plus ou moins importante. Dans notre cas, l'ARVA Neo (dernière génération) a capté un signal à plus d'une quarantaine de mètres, suivi de près par l'Ortovox 3+. Il n'y a pas de "mauvais" DVA à proprement parlé, ils assurent tous leur fonction mais il est préférable de connaître la puissance de son appareil en amont.
Attention, en plus de la puissance des appareils (et du niveau des piles), la portée dépend aussi de la positions des antennes des deux DVA, celui en émission comme celui en réception. Si les antennes sont parallèles la portée est à son maximum. Si les antennes sont à la perpendiculaire parfaite, celle-ci peut être nulle. C'est notamment pour cette raison qu'on a plusieurs antennes dans les dernières générations de DVA, pour être sur d'avoir un signal si on est à portée, quelque soit l'orientation des appareils.
Enfin notre dernier exercice permet de mettre en avant les interférences possibles avec un téléphone portable. Vous pouvez faire le test chez vous en collant votre téléphone à votre DVA, la valeur du signal va fluctuer sans cesse, voir disparaitre. Vous l'aurez compris le téléphone, on le garde à bonne distance du DVA, c'est à dire dans le sac à dos.
Les objectifs de la formation initiale (DVA1) sont de savoir utiliser la trilogie de sécurité, participer à un sauvetage organisé et enfin être capable de gérer seul une situation simple d’ensevelissement. Pour le groupe 1 "les novices" il est de temps d'attaquer les premières recherches simples par binôme. L'un cache sous la neige un sac à dos avec DVA en mode émission, le second doit le retrouver en un minimum temps.
La première phase correspondant à la recherche de signaux en passant le DVA en mode recherche. A ce stade il est inutile garder les yeux sur son DVA (vous pouvez le tenir prêt de votre oreille en attendant de trouver un signal), il est préférable d'avoir un champ de vision large sur la zone de dépôt de l'avalanche. Si vous n'avez pas vu l'avalanche et repéré le point où le skieur a disparu, vous trouverez peut être certains indices à la surface : un bâton, un ski, un gant qui dépasse (voir schéma 1). La main qui dépasse de la neige ce n'est pas un mythe, ça arrive parfois !
Sans indication, il faut balayer rapidement la zone avalancheuse en zig-zag à la recherche d'un premier signal (voir schéma 2, le zig-zag devant couvrir toute la surface de l'avalanche), dès que vous captez celui-ci vous entrez dans la phase de la recherche approximative (voir schéma 3). Vous allez regarder votre DVA, suivre l'orientation donnée pour réduire au maximum la distance vous séparant du DVA de la victime. Autour de 10m, vous pouvez quitter vos skis. A 3m de la victime, la recherche s'affine encore davantage : DVA à raz le sol, vous allez quadriller les derniers mètres carré afin de définir le point le plus proche (schéma 4), c'est la fameuse recherche en croix. Vous pouvez marquer ce point avec un bâton ou autre chose pour ne pas le perdre, tandis qu'il est temps de sortir votre sonde puis votre pelle pour dégager l'enseveli en mettant la priorité sur le dégagement des voies respiratoires, étape cruciale sur laquelle nous reviendrons un peu tard dans l'après midi.
Le deuxième groupe, plus aguerri, a été divisé en deux équipe de trois et quatre équipiers. Chacune dans une combe, cachée de l'autre, elles ont mis en place des scénarios avec deux victimes, des sac-à-dos contenant un DVA en émission et une fiche indiquant l'état de la victime découverte (consciente ou inconsciente, signes vitaux, blessures, etc.).
Dans le premier cas, les trois secouristes arrivaient sur une avalanche sans autre indication qu'un bâton dépassant de la neige (pas d'idée du temps séparant le déclenchement de leur arrivée). Ils ont été très réactifs et ont dégagé les victimes en 7 minutes. Le deuxième groupe, de quatre secouristes, a mis à peine moins de temps, 6min30, pour retrouver les deux sacs.
Le fait qu'il y ait deux victimes n'a pas posé de problème aux chercheurs : les DVA de dernière génération gèrent plutôt bien le multi-victimes et indiquent pour certains le nombre précis de signaux détectés. La fonction de marquage permet au DVA "d'oublier" un signal pour aller en chercher d'autres ou vérifier qu'il n'y en a plus.
Après chaque exercice, un débriefing permet de voir ce qui a été bien fait et ce qui n'allait pas, permettant à tout le monde de s'améliorer ensuite. Nous nous sommes vite rendu compte qu'un secours, ce n'est pas juste courir avec son DVA. De petites erreurs empêchent d'être efficace dans le sondage et le pelletage, mais aussi dans la conduite du secours, l'appel aux secours organisés ou encore la répartition des tâches. Seul l'entrainement dans des situations proches d'un réel accident permettent d'en prendre conscience et d'y remédier, pour gagner un temps précieux.
Après un pic nique entre deux rafales de vent glaciales typiques du Lautaret, rien de tel qu’une petite session de sondage/pelletage pour parfaire sa technique et... se réchauffer !
Savoir monter sa sonde en un temps record, ça ne s’invente pas, il faut la sortir de son sac de temps en temps pour pratiquer. Vous pourrez vérifier par la même occasion son état. Pendant notre journée, deux sondes ont cassé : certaines peuvent se montrer fragiles, checkez votre matos régulièrement, car une fois en situation réelle il sera trop tard.
Le sondage s’effectue de manière perpendiculaire à la pente, en dessinant une spirale croissante (voir schéma). Chaque point de sondage étant espacé du précédent d’environ une vingtaine de centimètres. Lorsque vous touchez la victime, la sonde doit rester en place. Ce sera le repère pour le pelletage. La sensation de sonder un corps humain est bien particulière, nous avons pu l’expérimenter avec l’aimable participation de Jonathan dans le rôle de la victime.
Pour la pelle, même constat que pour la sonde, vérifiez son état et privilégiez un modèle robuste (on nous a conseillé d'éviter les godets en plastique, et aussi de privilégier un manche de pelle long, avec une poignée fermée au bout c'est le top). Bien que cette dernière étape du secours paraisse la plus simple, elle est en réalité celle qui prend le plus de temps et d’énergie. Elle est aussi stratégique : il faut à la fois libérer les voies respiratoires de la victime le plus vite possible, mais aussi préparer la suite du secours en formant une plateforme permettant de s'occuper d'elle (geste de premiers secours, évacuation, etc.). Il est compliqué de pratiquer les gestes qui sauvent au fond d'un trou...
Il faut donc avoir une vision approximative de l'endroit où se trouve la victime sous la neige grâce à la sonde pour pouvoir mettre en place un pelletage efficace permettant de former cette plateforme. La méthode la plus rapide consiste à couper des blocs dans la neige avec la tranche du godet, puis à déblayer derrière. En fonction de vos ressources humaines, placez des personnes derrière vous en V pour déblayez la neige au fur à mesure et n'hésitez à vous relayer aux différents postes. Un pelletage performant est épuisant.
La fin d'après-midi est dédiée à des mises en situation de scénarios plus complexes que ceux de la matinée. Notre groupe est alors divisé en deux, sans distinction de "niveau", et chacun part dans sa combe préparer son scénario catastrophe. Trois sacs à dos faisant office de victimes devaient être cachés, des indices visuels et des figurants pouvant être ajoutés à la scène pour donner des informations à l'autre groupe ou au contraire semer le trouble.
Si vous faites partie d'un groupe qui arrive en premier sur le lieu d'une avalanche, il est important qu'un leader se désigne ou soit désigné pour coordonner le sauvetage. Ce leader peut être celui dont les connaissances en terme de secours sont les plus grandes ou tout simplement la personne la plus réactive et organisée malgré la pression. Il n'y a pas de règle dans ces moments là. Le leader doit désigner les rôles de chacun en fonction des ressources humaines, il est inutile par exemple que tout le monde parte en recherche, DVA à la main : une personne peut être chargée d'appeler les secours (voir schéma), une autre peut interroger les éventuels témoins pour recueillir des informations sur le nombre d'ensevelis en prenant soin de vérifier que ces derniers ont bien leur DVA (s'ils en ont) en mode recherche pour ne pas perturber le secours en cours. Le tout pendant qu'un ou deux sauveteurs recherchent des signaux DVA.
Toutes les informations nouvelles durant le secours (info témoins, nombre de signaux, distance des signaux, nombre de victimes, dégagement des victimes, état de santé...) devront être communiquées au leader, et ainsi aux secours organisés. Une fois la ou les victimes dégagées, ne cherchez pas à les déplacer ou les bouger, elles sont peut-être multi-traumatisées, isolez-les au maximum du froid, attendez l'arrivée des secours ou suivez leurs consignes par téléphone. Si vous êtes dans une zone sans aucun réseau téléphonique, prodiguez les premiers soins, tandis qu'un secouriste cherchera à joindre les secours. Avoir suivi récemment la formation "Prévention et Secours Civique de niveau 1" (PSC1) est un gros plus dans ce genre de situation et d'un manière généralement peut toujours vous être utile dans la vie de tous les jours. Attention, ces connaissances ne sont pas acquises pour la vie et nécessite régulièrement des recyclages.
Dans notre cas, les deux scénarios se sont déroulés dans l’anarchie la plus totale ! Bon il faut dire que l’on avait corsé un peu la chose avec des badauds en mode émission, des touristes ne parlant qu’anglais ou espagnol. Le but étant clairement de mettre l’autre groupe en difficulté et nous avions de très bons acteurs dans le lot.
Point positif : les victimes, dans les deux cas, ont été dégagées en moins de 10 minutes. Par contre, aucun leader ne s’est démarqué pour organiser le secours de manière cohérente. Dans un des groupes, ils ont même oublié d’appeler les secours, trop focalisés sur la recherche des victimes. Tout ça pour vous dire que ce n’est qu’une fois en situation que l’on se rend compte de la difficulté de l’exercice. Les secours organisés eux-mêmes vous diront que ce n'est pas toujours facile dans ces situations complexes, même pour des personnes rodées et entrainées.
Pour résumer ce fut une belle journée de partage entre collègues où nous avons rafraîchi nos connaissances et pu nous rendre compte de nos lacunes sur certains points. On sort de cette formation en se disant : "si un de mes potes se faisait coffrer sous mes yeux, je serais capable de le tirer de là". Maintenant c'est à vous de jouer, on ne le répétera jamais assez, safety first ! Même si vous pensez tout savoir, un recyclage ne fait jamais de mal (JAMAIS)...
Les contenus, dates et prix des différentes formations et conférences de l'ANENA sont à retrouver ici.
14 Commentaires
Nous avons discuté de cette vieille recommandation de mettre le DVA au plus près du corps : ça le rend inaccessible, ou difficilement. Pour Fred, et je suis d'accord avec lui, si un jour vous êtes pris dans une avalanche assez puissante pour vous arracher vos vêtements, c'est qu'il n'y a surement plus grand chose à faire...
Autant le laisser à proximité pour s'en servir rapidement si il le faut, et pour faire les check DVA en début de journée. A proximité ça veut dire entre le mid-layer et la veste, ou à la limite en-dessous du mid-layer si celui-ci a un zipper.
Et effectivement pas dans le sac ou pas dans les poches, à moins d'avoir des systèmes conçus pour comme la poche DVA Pieps des pantalons Black Diamond (très pratique pour le coup), qui empêche de risquer de le perdre, dans une avalanche ou ailleurs.
En gros selon votre équipement, il faut trouver un juste milieu pour à la fois ne pas risquer de le perdre, et l'avoir accessible sans avoir à vous déshabiller (chose peu recommandable en situation de secours, qui peut être risquée).
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Article très intéressant au demeurant, meilleurs voeux à vous également
Après avoir testé toutes les solutions (y compris dans le sac, lol) je reste un partisant du "plus près du corps" avec les défauts que ça implique.
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