Après un début novembre sympathique niveau enneigement, juste assez pour mettre l'eau à la bouche de tout le monde, tout est retombé à la fin du mois avec une situation anticyclonique qui perdure désormais depuis presque deux semaines, et devrait durer encore pour quelques temps.
Ca vous rappelle quelque chose ? C'est le troisième hiver consécutif qui commence de cette manière, très éprouvante pour les nerfs des aficionados de ski que nous sommes, et globalement difficile pour l'économie des sports d'hiver. Nous avons voulu en savoir plus sur les raisons de cette situation avec notre météorologue attitré, Thomas Blanchard.
- Après de nombreuses chutes durant une bonne partie du mois de novembre, la situation s'est sensiblement détériorée, au moins en basse et moyenne-montagne. Un temps très sec est installé depuis la fin du mois de novembre et s'inscrit dans la durée pour cette première partie du mois de décembre.
Sur les Vosges, le Jura et le Massif-Central la neige est pratiquement inexistante si ce n'est quelques traces dans les versants Nord des plus hauts sommets.
Image satellite MODIS du 5 décembre 2016 montrant l'enneigement des Alpes et d'une partie des Pyrénées :
Plus à l'est l'enneigement est très déficitaire à toutes altitudes, notamment en se dirigeant vers la Cerdagne.
Sur les Alpes du Nord : une période de temps de "sud" a rapidement pris le relais après les abondantes chutes de neige de début novembre. Ce type de temps est particulièrement dévastateur pour le manteau neigeux avec un épisode de foehn qui a été durable et très marqué.
Ainsi, l’enneigement est presque nul dans certains coins des Préalpes comme en Chartreuse. En témoignent les quantités de neige au sol estimées par Météo-France sur ce massif :
Il faut généralement monter au-dessus de 2100 à 2200 mètres pour trouver des quantités de neige tout juste correctes, mais bien en-dessous des moyennes. En-dessous, le vert domine même en versants nord parfois jusqu'à 1500 à 1700 mètres.
Seuls le Sud de la Haute-Tarentaise, la Haute-Maurienne et l'Est de la Maurienne bénéficient d'une très bonne couche de neige grâce au retour d'Est de fin novembre. Mais là-aussi il faut grimper au-dessus de 2000 à 2200 mètres ...
Sur les Alpes du Sud, le temps de Sud a bénéficié aux plus hautes-altitudes avec une couche de neige convenable au-dessus de 2200 à 2400 mètres.
Très généralement, c'est une nouvelle fois un début de saison très délicat et bien inférieur aux normales qui s'annonce en terme d'enneigement. Par endroits, la situation mi-décembre devrait même être aussi mauvaise que l'an dernier...
- Pour cela, il convient de regarder la situation météo à une échelle bien plus large que son massif ou sa vallée :
Comme on peut le voir sur cette carte, les hautes-pressions (valeurs supérieures à 1030 hectopascals, qu'on appelle aussi anticycloniques) sont solidement ancrées de la péninsule ibérique à l'Europe Centrale en passant par la France et la Suisse. Les dépressions et perturbations (pressions inférieures à 1015 hectopascals) sont elles reléguées vers le Canada, l'Islande et l'extrême Nord-Est de l'Europe.
Un blocage anticyclonique est donc bien en place depuis quelques semaines sur nos régions. Dans ces conditions, aucune perturbation ne peut atteindre nos massifs. Le problème avec ce genre de "blocage" c'est que l'on sait quand ça commence... Mais rarement quand cela finit. Ainsi, l'an dernier et lors des plus mauvais hivers, cette situation a pu rester figée durant un mois, à un mois et demi !
Pour sortir de cette situation défavorable, il faudrait que l'anticyclone veuille bien se rétracter vers sa zone de prédilection habituelle (normalement...) en hiver : les Açores. Il laisserait ainsi la place à un courant perturbé qui passerait sur notre pays pour atteindre nos massifs. Ce courant est actuellement bien plus au nord et à l'est.
Pour le moment, les modèles n'envisagent pas de changement de situation : aucune chute de neige significative n'est à prévoir pour les prochains jours.
- Traditionnellement, plus on monte en altitude plus il fait froid. En conditions anticycloniques, lorsque le vent est très faible, la masse d'air peut souvent être "à l'envers".
Cela s'explique par le fait que l'air froid, plus lourd, a tendance à glisser ou descendre le long des pentes pour gagner les vallées et zones de plaines. En hiver, et notamment en décembre/janvier, le soleil, trop bas dans le ciel, est "affaibli" et ne peut pas réchauffer cet air froid présent à basse- altitude.
La pellicule d'air froid s'entretient alors de jour en jour tant que les conditions météo ne deviennent pas plus perturbées ou turbulentes.
Dans un même temps, le soleil réchauffe les versants ensoleillés de la montagne durant la journée. On retrouve ces conditions depuis quelques jours avec des fonds de vallées subissant des gelées parfois marquées tandis que la température est même légèrement positive sur les versants de moyenne-montagne.
Ce phénomène est très bien schématisé par Jean-Jacques Thillet dans son "Petit manuel de météo montagne" :
Tout à fait ! Les conditions anticycloniques agissent comme un couvercle. Elles plaquent au sol les particules qui s'accumulent sur les 500 à 1000 premiers mètres de l'atmosphère. Là-aussi, en conditions plus perturbées les particules fines "s'évacueraient" plus facilement plutôt que de stagner dans les vallées (NDLR : nous polluons donc autant que d'habitude quand il fait froid, sauf que là, on s'en rend plus compte...).
Cette couche de pollution est bien visible ces derniers jours, comme ci-dessous du côté de Chamonix. A droite, la carte de la qualité de l'air en région Rhône-Alpes au 7 décembre, on voit bien la pollution qui stagne dans les vallées en montagne (et évidemment dans les bassins citadins) :
- En conditions anticycloniques douces en altitude comme c'est le cas ces prochains jours, la production est assez délicate. Elle fonctionne bien durant la nuit et débuts de matinées dans les vallées subissant les plus fortes gelées par inversions de températures comme évoquées précédemment. Mais elle est bien plus compliquée sur les versants de montagne où le mercure ne descend pas suffisamment.
Il faut en effet une température inférieure, en moyenne, à -2/-3 degrés (tout dépend aussi du taux d'humidité) pour pouvoir faire fonctionner les canons à neige efficacement. Or, ces températures ne seront pas atteintes durant plusieurs heures chaque jour pour pouvoir produire de la neige en quantité.
Au début du mois de décembre, la masse d'air en altitude était un peu plus fraîche, certaines stations ont donc pu néanmoins constituer un petit "stock" de neige artificielle.
- Tout d'abord, soyons clairs, des débuts d'hivers voire des hivers entiers très difficiles au-niveau de l'enneigement ont toujours existé : 1924-1925, 1931-1932, 1963-1964, 1988-1989...
Autre fait avéré, sur les données dont on dispose (c'est à dire depuis l'après-guerre), les quantités de neige sont de moins en moins importantes de décennie en décennie.
Exemple ici sur les Alpes où la tendance globale est claire même si des années excédentaires sont toujours possibles (on se rappellera du fabuleux hiver 2012-2013) :
Même si des variabilités naturelles sont logiques au vu des déplacements des centres d'actions (anticyclones et dépressions) d'un hiver sur l'autre, la part du réchauffement climatique sur la diminution des hauteurs de neige ne peut être niée.
Après une première période assez difficile à la fin des années 80, la situation semble se dégrader encore plus depuis 2-3 ans. On se dirige en effet vers un mi-décembre sans neige pour la troisième année consécutive !
Un mois de décembre comme celui de 2015, exceptionnel d'un point de vue douceur, est voué à devenir de moins en moins rare dans les 50 à 100 prochaines années.
Mais pour cette année, la douceur est moins historique et c'est plutôt un mauvais concours de circonstances dû à ce "blocage" anticyclonique qui succède à un temps de sud déjà dévastateur pour le manteau neigeux.
En clair, il faut surtout prendre du recul et ne pas confondre deux choses :
- Une situation météorologique donnant des variabilités inter-anuelles possibles (ce qui se passe actuellement),
- Une tendance climatique avec cette diminution globale avérée des quantités de neige sur une échelle de temps bien plus longue (l'hiver n'est pas finit, nous pourrions très bien exploser tous les records durant les mois suivants).
- Une note d'optimisme pour terminer ?
- En météo tout peut aller très vite. Même si cela semble très mal embarqué pour une grosse moitié du mois de décembre, tout peut changer ensuite et on rappellera que les prévisions météo perdent rapidement en fiabilité au-delà de J+8.
Certains hivers qui avaient très mal débuté ont pu connaître par la suite des chutes de neige répétées durant les mois de janvier, février ou mars.
Prenons par exemple le cas de l'hiver 1987-1988 ci-dessus où beaucoup de stations ne pouvaient ouvrir durant les vacances de Noël avec aucune chute de neige durant plus d'un mois... La situation s'était ensuite débloquée favorablement et début mars l'enneigement était bien au-dessus des normes.
De plus,à la différence de l'année dernière, les températures restent dans les normes de saison et sont plutôt fraîches, tandis que l'ensoleillement étant au plus bas, le peu de neige que nous avons déjà ne devrait pas fondre tout de suite (maigre consolation, certes).
Pour répondre à la question initiale, la neige est donc pour le moment à haute altitude, essentiellement dans les versants nord, et surtout sur les massifs de la Maurienne et une partie de la Haute-Tarentaise, mais aussi sur le Queyras et l'Ubaye dans le sud, et dans l'ouest des Pyrénées.
Accessoirement, elle est aussi en Amérique du Nord en ce moment, du côté de la Colombie Britannique, c'est le gavage (comme souvent quand ici c'est la sécheresse).
Quand va-t'elle revenir ? Nous surveillons chaque jour les tendances des modèles météo. Concrètement, il faut "simplement" que l'anticyclone recule vers les Açores, laissant ainsi le passage aux perturbations pour arriver jusqu'à nos montagnes. Lorsqu'une tendance allant vers cette possibilité semblera se concrétiser à moyen voire court terme de manière significative, vous serez bien sur les premiers informés !
En attendant, si le manque de neige vous affecte trop, des thérapies de groupes sont organisées sur nos forums.
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Yen a qui piétinent
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C'est compliqué, l'influence d'El Nino/La Nina sur le climat européen est encore peu connue et probablement simplement un critère parmi beaucoup d'autres. Sur le sujet :
- Des prévisions saisonnières écrites en début d'automne : skipass.com
- Sur l'influence de ces phénomènes : skipass.com
Plus globalement, la situation est due au blocage des centres d'action et surtout de l'anticyclone sur nos têtes, blocage lui-même du à... ? Le hasard ? Compliqué à dire là...
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