Vous avez peut-être déjà entendu la nouvelle ailleurs sur internet, car elle a intéressé tous les aficionados de ski en dehors des pistes balisées et sécurisées : Geoportail, le site gouvernemental de cartographie, propose désormais un figuré de couleur permettant de visualiser les pentes de différentes inclinaisons, 30°, 35°, 40° et 45°. Et c'est très utile et intéressant, nous allons vous expliquer pourquoi.
Si nous revenons aux bases du mécanisme de déclenchement des avalanches, il nécessite trois à quatre facteurs :
- De la neige avec de la cohésion, qui forme un ensemble avec une unité susceptible de se détacher (avec les différents types, plaque "soft" avec une neige ressemblant à de la poudreuse pour nous dites "friables", plaques dures, neige humide, etc.),
- Une couche fragile sur laquelle cette neige cohésive est posée, faisant office de tapis roulant (avec différents types de couches fragiles dus aux différents types de grains, gobelets, face planes, etc.),
- Une pente suffisamment raide, généralement admise à 30° pour permettre la mise en mouvement de la neige "compacte" (nous insistons là-dessus, une plaque est une neige plus cohésive que la neige fraîche qui vient de tomber, plus ou moins travaillée par le vent, mais qui peut avoir l'apparence de neige poudreuse excellente à skier).
Ces trois éléments peuvent suffire pour qu'une avalanche se déclenche de manière spontanée, souvent pendant ou peu après les chutes de neige.
- Et enfin, une surcharge locale : c'est le cas des avalanches déclenchées. Cela peut-être un skieur (qui monte ou descend), un animal, un déclenchement dans le cadre d'un PIDA (Plan d'Intervention et de Déclenchement des Avalanches) en station, etc. Dans le cas des avalanches emportant des victimes, la plupart du temps le skieur est à l'origine du déclenchement.
Cette "règle" que vous avez surement déjà entendue ne sort pas de nulle part. Plusieurs études ont recensé les avalanches en collectant à chaque fois le degré de pente sur laquelle l'avalanche s'était déclenchée. On en arrive à une belle courbe de Gauss du nombre d'avalanches en fonction de l'inclinaison de la pente au lieu de déclenchement.
A gauche, le graphique issu de l'étude de Schweizer et Jamieson (2001), à droite, la courbe un peu plus sexy de la Salomon Mountain Academy, du nombre de cas d'accidents d'avalanches en fonction de la pente à l'endroit du déclenchement :
La majorité des avalanches arrive donc entre 30° et 45° : 81% selon le graphique de la Mountain Academy, 91% selon l'étude de Ian McCammon (2009), "38° Revisited: A Closer Look at Avalanche Types & Slope Angles". Ce dernier a analysé de nombreuses avalanches (496) qui ont eu lieu aux Etats-Unis de 1972 à 2008. Il en a conclu plusieurs choses :
- L'inclinaison médiane de l'ensemble étudié était de 38°, avec plus de la moitié des cas situés dans une marge de +/- 5° autour de ce chiffre (33°-43°).
- Ce chiffre est différent selon la situation géographique du massif de l'avalanche. Il a divisé son étude en trois secteur : continental, intermountain (bassin situé entre la Sierra Nevada et les Rocheuses), et maritime (Alaska). Les deux premiers restent à 38°, tandis que la médiane monte à 40° dans la zone maritime (et la marge elle est de +/- 10° pour la moitié de cet échantillon). Ceci corrobore une idée assez répandue selon laquelle la neige de l'Alaska, plus humide, "tient mieux" dans la pente.
- L'inclinaison médiane est différente selon les types de déclenchements et les grains formant la couche fragile (voir les tableaux ci-dessous, en anglais, c'est compliqué, ce sera pour une autre fois).
Selon les études, le nombre d'avalanches recensées déclenchées en-dessous de 30° d'inclinaison se situe entre 1% et 4%. Ce chiffre, très faible, est considéré comme étant en partie du à la précision des mesures, plus moins aléatoire. Cependant, ces quelques cas sont à l'origine des chiffres de 25°, 27° ou 28° que l'on peut lire parfois à la place des fameux 30°. Libre à vous de choisir où vous souhaitez mettre la limite, il n'y a pas encore eu d'études instaurant un chiffre précis, c'est plutôt un consensus qui s'est établit autour de 30°. Pour ceux que le sujet intéresse, cet article est très intéressant pour comprendre la mécanique mise en place lors d'un déclenchement d'avalanche.
Cette règle des 30° est donc connue depuis assez longtemps, mais c'est plus récemment que des outils informatiques ont permis d'afficher ces pentes sur les cartes. Les premières versions que nous connaissions et avions utilisées se trouvent ci-dessous, tirées du site SkiTrack qui condense plusieurs fonds de cartes et figurés.
L'intérêt est donc évident : ces cartes permettent de repérer les zones où des avalanches sont susceptibles de se déclencher. Attention cependant, être en dehors des zones rouges ne signifie pas que vous êtes en sécurité : les avalanches terminent toutes leur course dans des zones inférieures à 30°. Plus le risque est grand, plus il faut s'éloigner de ces pentes car plus cela peut partir gros, prendre de la vitesse et finir loin...
La nouveauté, c'est donc l'arrivé d'un nouveau figuré pouvant s'adapter sur le fond de carte de votre choix sur le site de Geoportail :
"Représentation des classes de pentes supérieures à 30°, 35°, 40°, et 45° obtenues par traitement automatique du modèle numérique de terrain RGE ALTI de l’IGN au pas de 1m. La représentation des pentes n’engage pas la responsabilité de l’IGN."
Pour le trouver, il suffit de taper "pentes" ou "carte des pentes" dans la barre de recherche. On obtient ainsi le fond de carte avec la légende suivante : jaune pour les pentes à plus de 30°, orange pour celles à plus de 35°, rouge pour celles à plus de 40° et violet pour celles à plus de 45°.
La même zone qu'au-dessus, le Grand Colon et le refuge de la Pra dans le massif de Belledonne, avec le nouveau figuré :
Lorsque l'on joue un peu avec ce figuré pour préparer une sortie, on se rend vite compte que les itinéraires de randonnée n'ont pas été dessinés au hasard : ils évitent le plus possible ces zones raides à plus de 30°. Certes, c'est aussi parce que c'est plus simple de monter par le moins raide, mais cela permet surtout de limiter les risques.
Non loin du Grand Colon, les itinéraires de ski de randonnée sont indiquées en bleu, comme celui ici qui monte à la Croix de Belledonne :
Un autre site, à l'inscription payante, permet d'avoir un outil un peu plus sophistiqué pour sélectionner précisément les pentes qui vous intéressent. Il s'agit d'Avanet, site et application gérés par la marque Avatech, qui développe la SP2, une sonde électronique permettant d'obtenir un profil stratigraphique du manteau neigeux, à destination des professionnels du ski.
Sur Avanet, une fois inscrit, vous pouvez observer le terrain sur différents fond de cartes avec différents figurés, tous réglables : orientation, altitude et pente. Par exemple si cela vous intéresse, vous pouvez n'afficher que les pentes entre 45 et 50° en orientation nord-est au-dessus de 2500m d'altitude. Avanet marche dans une bonne partie des massifs européens et nord-américains.
Il est possible aussi pour les membres de voir les profils stratigraphiques postés par les possesseurs de sondes SP2.
Fatmap est une application payante pour iOS et Android de cartographie en trois dimensions, centrée sur les domaines skiables. Des cartes pour des domaines du monde entier sont disponibles, dont 23 en France. Une fois la carte téléchargée sur votre téléphone, vous pouvez jouer avec pour vous balader dans le domaine et explorer les itinéraires de freeride proposés ou bien préparer votre propre itinéraire. Comme pour Avanet, des figurés de couleur peuvent faire apparaitre les inclinaisons, les orientations et les altitudes ainsi que les zones à risques de crevasses.
Comme nous l'a fait remarquer un skipasseur, les suisses aussi ont un service de cartographie, établit en collaboration avec les cantons, qui permet d'afficher les pentes de 30°, 35°, 40° et 45° : c'est le géoportail fédéral suisse. Comme pour le notre, il suffit de taper "pente" ou "30°" dans la recherche pour faire apparaitre le figuré, qui reprend les mêmes codes de couleur.
Nous voilà un peu mieux armés pour réfléchir aux zones où des avalanches pourraient se déclencher. Pas besoin qu'elles soient très grosses, certaines configurations de terrain assez courtes peuvent se transformer en piège mortel, comme dans le cas de Serre-Chevalier dont nous avions parlé dans le bilan des accidents d'avalanches l'année dernière. Ces instruments vous permettent donc de préparer vos itinéraires à l'avance en sachant quelles zones éviter.
De plus, il faut bien garder en tête que plus le risque augmente, plus les avalanches peuvent atteindre des zones qui nous semblent "safes". Preuve en est la CLPA ci-dessous, la Carte de Localisation des Phénomènes d'Avalanche qui regroupe les trajets de nombreuses avalanches de grande ampleur ("carte descriptive des phénomènes observés ou historiques, ayant pour vocation d'informer et de sensibiliser la population sur l'existence, en territoire de montagne, de zones où des avalanches se sont effectivement produites dans le passé, représentées par les limites extrêmes atteintes").
10 Commentaires
Tout d’abord car elle représente des événements extrême ce qui veux dire par risque d'avalanche très marqué donc majoritairement par risque 5 ce qui franchement pas le moment recommandé pour aller faire du ski hors-piste peut importe les pentes.
Un autre point important est qu'elle est établi uniquement dans les endroits ou il y a des enjeux pour les populations et les infrastructures. Ce qui veux dire que de large portions de territoire ne sont pas couvert alors que l'activité avalanche peut être importantes !
Elle me sert surtout pour expliquer "visuellement" pourquoi il faut se méfier bien au-delà des seules zones colorées par les figurés des pentes à plus de 30° : on est jamais à l'abri d'un départ spontané loin au-dessus qui peut arriver jusqu'à nous, ou bien d'une rupture de couche fragile qui provoque un déclenchement à distance (surtout dans les cas de couche homogène pouvant engendrer un déclenchement de grande ampleur).
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Pour les randonnées en Suisse, https://map.geo.admin.ch/ propose un service similaire.
Swiss Geoportal
geo.admin.ch ist die Geoinformationsplattform der Schweizerischen Eidgenossenschaft. // geo.admin.ch est la plateforme de géoinformation de la Confédération suisse.Connectez-vous pour laisser un commentaire
Vive la pente raide !
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J'en profite d'ailleurs pour poser ma petite question qui est un peu large du sujet: je pars dans les rocheuses canadiennes 2 semaines cet hiver avec mes potes et je cherche l'équivalent du geoportail IGN avec le même niveau de détail à 25000eme, mais jarrive pas à trouver. Quelqu'un connaît un site?
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Sinon quand on a pas accès à internet, une échelle permettant de mesurer la pente sur une carte est pas mal. Ortovox en a inclue une dans son guide sur les connaissances de base en avalanche, très utile notamment sur le terrain si on a un doute!
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