Les X Games hivernaux fêtaient la semaine dernière à Aspen, Colorado, leurs 20 ans d'existence. De notre coté, nous étions sur place pour la quatorzième année consécutive. C'est dire qu'on aime ça quand même les gens qui font des acrobaties au pays du burger et du manteau de fourrure.
Voici notre synthèse de la semaine, et pourquoi - nouvelle qui casse - nous ne serons a priori pas sur place l'an prochain.
S'il n'en fallait qu'un, voici LE symptôme de la maladie qui a frappé ces X Games 2016 : la disparition pure et simple des qualifications.
Finies les finales avant la finale, la pression, les histoires folles de non-qualification de favoris ou à l'inverse de rookies triomphants. Désormais, seuls les 12 skieurs choisis par les oracles d'ESPN ont droit de cité et tout se règle dans une finale unique. Inutile de vous dire qu'avec ce système, beaucoup des podiums de ces dernières années auraient été bien différents, et que beaucoup de ceux qui ont eu leur chance un soir ne pourraient plus l'avoir.
Les heureux élus ne cachent pas leur soulagement d'éviter à devoir passer par ces terribles éliminatoires, qui leur mettaient une pression incroyable, mais qu'ils ne se trompent pas : c'est un bien mauvais service que les X Games leur rendent en aseptisant la compétition, tuant toute possibilité de surprise. Or, ce sont souvent les surprises qui font les plus belles histoires. En cascade, tout le monde finit par y perdre : le public, les media, les disciplines et bien évidemment les athlètes eux-mêmes.
Pas d'explication officielle mais on imagine que diviser le nombre de compétitions quasiment par deux fait économiser de l'argent, laisse du temps pour les épreuves de jeu vidéo, et rassure aussi les sponsors et annonceurs certains de voir les têtes d'affiches en finale... Dans tous les cas, la voilure est indéniablement réduite.
Dans la même veine, on pourrait également citer la décision d'ESPN de maintenir la finale snowboard à son horaire initial alors que TOUS les bulletins météo annonçaient sans ambiguité depuis plusieurs jours le fiasco qui s'est déroulé sous nos yeux : une finale interrompue au bout du premier run (sur trois), et un classement établi sur les résultats de ce premier run. La tempête était prévue très précisément pour le début de la finale. Et c'est ce qui s'est passé alors qu'il faisait encore clair 2 heures avant. So long pour la "plus grosse compétition de l'année" et un sacré doigt d'honneur adressé aux riders. C'est moche.
C'est l'épreuve reine à nos yeux, celle dans laquelle les français excellent, regroupés au sein du Freeski Project.
6 ans après Kevin Rolland et Xavier Bertoni, Greg Guenet nous offre un nouveau doublé historique. Kevin est toujours là, sur la première marche, alors que c'est Ben Valentin qui s'empare du bronze.
Au delà de la performance, incontestable, on retiendra qu'on est bien loin de la folie de ces victoires françaises du début de la décennie, quand les barrières de sécurité tombaient sous la pression des supporters tricolores... En pipe comme ailleurs, ces X Games nous ont semblé d'une morosité déprimante (par opposition à la morosité joyeuse) : aucune ambiance en bas du pipe, peu de public... On continue de vibrer pour ces riders que l'on côtoie depuis des années, on se tend un peu pendant les runs mais l'émotion n'est plus la même. Bon, pour être honnête, peut être qu'on devient trop vieux aussi et qu'on a l'impression d'avoir vu le même film trop de fois (on y reviendra).
voir notre article complet sur la finale Hommes
Que dire du fait que les jeux vidéo sont désormais une épreuve officielle au même titre que le Superpipe? La réponse nous semble être dans la question et confirme à nos yeux la transformation des X Games, de rendez-vous sportif jadis incontournable en festival fourre-tout. Nous n'avons rien contre les jeux vidéo mais bon voilà quoi : quand ESPN fait sauter des runs de finale de slopestyle pour privilégier 10 minutes de jeux de gueguerre futuriste, nous sommes en droit de nous émouvoir.
Suggestion : faites les jouer en plein air, dehors sous la tempête de neige, ce sont les WINTER X Games après tout. On verra s'ils font autant les malins avec des moufles (ou les doigts gelés, il faudra choisir).
Les X Games sont organisés par ESPN, par la télé donc, pour la télé... Ceci étant compris, on restera stupéfaits par la médiocre place accordée à SES propres X Games par le network sportif : le superpipe ski relayé sur une sous-chaine que personne ne regarde (ESPN3), des retransmissions totalement tronquées, et mélangeant les épreuves, ne permettant pas de suivre la compétition...
Mais si le spectacle n'est pas à la télé, s'il n'est pas sur place (le public reste limité), quel avenir peut bien réserver ESPN à ces X Games? Comment rentabiliser cette énorme machine? Certes, les annonceurs payent très chers pour voir leurs logos placardés sur chaque centimètre carré des sites de compétition.
Mais combien de temps va-t-il falloir à ces annonceurs pour réaliser que leur investissement est vain si ces compétitions ne sont plus retransmises correctement, la promesse initiale d'ESPN. Et pire encore, si le grand public se désintéresse tout bonnement de ces jeux sans grand suspens, leur préférant le loup videoludique qu'ESPN a fait entrer dans sa propre bergerie, par l'odeur des dollars alléché...
Difficile de croire que ce chaos ne soit pas délibéré tant l'organisation est rodée. La crise a sans doute bon dos, il semblerait plus simplement qu'on arrive au bout d'un modèle et qu'ils soient en train de lâcher l'affaire. Prenons néanmoins garde à ne pas jeter le bébé ski freestyle avec l'eau du bain des X Games.
Entre US Open et Laax Open, le snowboard dispose de beaucoup plus d'alternatives que le ski freestyle (dans sa forme compétitive et désormais olympique). S'il était amené à perdre une de ses principales tribunes, ce dernier devrait se réinventer pour survivre entre 2 périodes olympiques.
Chaque édition, nous finissions par un "c'était sympa Aspen, à l'année prochaine!"
Pas cette année. C'est une décision réfléchie, murie depuis l'an passé : on ne tourne pas aussi facilement la page de 13 années de présence continue sur l'évènement. C'est qu'on en a vécu de belles choses là bas, vu les générations de champions se succéder (Candide Thovex, Lolo Favre, Xavier Bertoni, Kevin Rolland...). On a bien rigolé aussi. Bu pas mal de bières à 3.2% du Colorado et mangé pas mal de pizzas. Beaucoup travaillé toujours.
Mais il nous semble aujourd'hui que l'événement, dans la direction qu'il semble prendre, n'est plus en phase avec le lourd investissement en temps, énergie et argent que représente une présence éditoriale sur place. Pause donc.
Nous continuerons bien entendu de couvrir les épreuves de ski, mais différemment. Pour pourquoi pas revenir plus tard avec un oeil plus frais si les choses évoluent.
C'était un voyage d'adieu d'au-revoir, mes 14èmes X ici. Merci à JP Baralo de m'y avoir invité pour la première fois en 2003, pour assister à la victoire de Candide en superpipe. 2003... Janvier 2003 : Kelly Sildaru apprenait à marcher.
Petit pincement au coeur en prenant la route lundi matin, cette route que l'on connait par coeur, sur laquelle on avait nos habitudes. On vous laisse du coup avec un petit portfolio d'Aspen sous la neige et de ce chemin du retour, forcément empreint de nostalgie.
24 Commentaires
- Merci pour cet article et pour l'ensemble de votre "oeuvre" dans la couverture des X toutes ces années. Personnellement, sur les 2 dernières éditions je trouve qu'on sentait dans votre écriture un peu de lassitude et un peu moins d'entrain. Donc cette décision ne me surprend pas beaucoup
- Sur les jeux video, ne serait-ce pas un indicateur comme quoi les sports "core" des X games ne sont plus assez rentables pour ESPN, du moins pour le format qui est proposé? J'imagine que les mastodontes du gaming sont prêts à mettre beaucoup sur la table.
- Sur la différence de niveau pipe snow vs slopestyle snow chez les femmes, je suis vraiment surpris. J'ai hâte de lire les commentaires des meilleurs théoriciens de skipass
- Kelly : c'est monstrueux. Mais dans l'aire d'arrivée j'avais l'impression que tous ses gestes (y compris la petite danse) étaient programmés, pas très naturels; ça m'a fait un peu peur.
Merci à tous
Brik
(sinon je chercher quelqu'un qui fait Albertville --> Arêches vendredi matin)
(Big up à Mark the Ugly)
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Vous écrivez "Félicitations aussi à Jérôme Elbrycht : tétraplégique, le français remporte la médaille d'or en ski assis."
Je pense qu'il s'agit d'une paraplégie (tétraplégie veut dire que les 4 membres sont paralysés).
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Pourquoi des marques comme Audi, Red-bull et/ou adidas (pour ne citer qu'elles) ne s'impliquent-elles pas plus dans l'organisation d'une compétition internationale à plusieurs rounds comme FWT?
De plus, je ne vois pas l'intérêt pour les annonceurs de communiquer sur un événement qui mélange sports outdoor et jeux video. Le target-group n'étant pas le même, comment peuvent-ils proposer de la publicité ciblée?
Bref, GuiGui si t'as la réponse je suis preneur
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Pas vous ?
Dans une discipline ou le style est roi, on privilégie la performance, ce qui est bien dommage.
Un triple cork posé à l'arrache et pas très gracieux vaut plus qu'un simple 5.4 plein de style et bien tweaké, de nos jours. La beauté visuelle est à discuter..
Le débat est déjà apparu avec les fameux quadruples.
Peut-être est-ce un retour au source..le ski de bosses :p
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Mais c'est ESPN qui à fait le con (mettre des action préenregistré d'esport pendant les runs du slope ça me dépasse) et en même temps on peut pas tant lui en vouloir vu que ça reste qu'une chaine de TV.
Le mainstream aura toujours la priorités sur des sport comme le notre dans ce milieu et honnêtement on ne devrait plus rien attendre de ce media, de toute façon c'est sur internet que le freeski vit et c'est donc lui qui devrait prendre en charge des événements comme les X.
Il faut juste espérer que ce que nous prépare Newschoolers et Transworld via les Dew tour aura autant d'ampleur et de moyen que les X.
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Sur un plan purement sportif, je trouve que c'est surtout le superpipe qui vieillit mal. Elles semblent loin les années de batailles Thovex/Johnson, puis Dumont/Hall, jusqu'à Janvier 2009 où Xavier a remporté ce qui reste pour moi la plus belle édition (parce que totalement inattendue). Depuis, l'hyper-professionalisation des riders a rendu le spectacle très fade. Il n'y a plus aucune surprise dans des runs calibrés des mois à l'avance. Le doublé français reste magnifique et il faut saluer le travail pharaonique de tout le Freeski project, qui avec peu de moyens rend possibles tous ces exploits, tout en étant l'un des principaux acteurs de cette mutation (où est l'esprit "freestyle" quand on entend un coach hurler en haut d'un pipe avant le départ de son poulain, comme le ferait un entraineur de foot). Je ne parle même pas du pipe féminin, que Sarah Burke dominerait encore sans problème aujourd'hui... Heureusement qu'il y a encore le slope avec ses wells, woodsy et autre ABM ou encore Sildaru...
Hors sujet : Je ne suis pas sûr d'avoir saisi l'identité du second "Kelly", mais j'aime à penser que c'est un discret hommage à un petit genie du Freeride sur 2 roues qui nous a tragiquement quitté cette semaine . RIP Mac Gazza....
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Oslo sera sûrement la dernière chance...
On dirait que ça intéresse de moins en moins de monde aussi comme si le freeride/BC était en train de bousculer ce petit monde.
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J'ai tout simplement été écœurer par ces X alors que j'avais tant vibrer ces dernières années notamment lors de la finale de pipe l'an dernier...
Au delà de toute la m*rde qu'ils nous ont fait cette année, je suis juste dégoûté pour les riders ! Restreindre les X de la sorte, c'est tuer un mythe, tuer une compétition, fermer des portes aux jeunes talents ! Comment la nouvelle génération va elle pouvoir se faire réellement connaitre si elle ne peut bénéficier de la visibilité des X ? Au travers du Dew Tour ? Du sfr ? ..... Pareil pour Les sponsors qui vont peut être hésité à deux fois avant de signer un rider "moyen" si il savent que celui-ci n'a plus moyen de se montrer et de crée une éventuel surprise sur un des event les plus suivie dans le domaine des sports freestyle extrem .. Ce que j'aimais aux X en pipe c'est qu'on assistait à cette bataille entre 3 mecs pour le top 3 en sachant pertinemment que 2 autres allait venir jouer les troubles fêtes ! Fini .. pas de BJW cette année, pas de curlier .. 11 mecs, la crème de la crème qui se bat pour sa place habituels sans subir la pression des rookies surmotivés.. On tue peut être aussi ce qui pousse à l’innovation .. A part gus et Wise (et encore il est bien bancale cette année) je vois pas qui pouvait remporter le pipe .. le scénario était à moitié écrit et inintéressant ..
ESPN tire une balle dans le pieds du ski freestyle et particulièrement pour le pipe ! C'est si dommage pour une nouvelle discipline olympique ..
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L'année dernière ça criait au scandale car la FIS et ses championnats du monde se télescopaient avec les X d'Aspen...
Finalement la FIS va gagner ; le Dew Tour réduit la voilure, les X sont de plus en plus à chier, les Grands Prix et autres SFR deviennent moribonds. Si ça continue comme ça dans quelques années, on pourra écrire RIP l'AFP et les consorts. Tout ce petit monde sera retourné faire les toutous sur un circuit FIS fade et dégueux.
Comment tuer un sport.
Heureusement il y a le BC, le freeride, l'urbain, et la vidéo. Car faut pas se voiler la face, c'est ces segments du freeski qui sont en expansion.
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