Il n'y a pas que les proriders qui sont passionnés de ski ! Nous voulons vous présenter des personnes qui vivent la montagne à leur manière, que ce soit un métier ou non. En premier nous avons rencontré Fransec, un pisteur-secouriste artificier de la Clusaz et plus précisément du massif de Balme. Il nous a présenté les pisteurs de son secteur et le travail qu'ils font pour que tout le monde puisse skier en sécurité sur les pistes. Comme il était difficile de tout raconter sans faire une vidéo de vingt minutes, nous lui avons donné la parole dans l'article.
Je suis Yannick Godel, ou Fransec, j’ai 29 ans, j’habite au dessus de Serraval en Haute-Savoie et je suis un passionné de glisse. Pendant beaucoup d’année j’ai fait du longskate, puis j’ai pris l’influence freestyle en ski avec le Candide Invationnal en 2004-2005, et le ski de montagne avec les frères Quenet, Seb Michaud et Seb Collomb-Gros. Je suis pisteur diplômé depuis 2006, maintenant deuxième degré artificier et je vais vous parler de mon métier.
Un PIDA c’est un Plan d’Intervention de Déclenchement des Avalanches. Il est décidé de faire ce PIDA par notre chef de service en fonction de la météo, donc on ne le sait généralement que la veille, mais nos charges sont déjà prêtes à l’avance. Nous sommes toujours par deux, deux pisteurs artificiers. Nos binômes sont dispatchés par le chef de secteur en service (Manu ou Gilles sur Balme) entre plusieurs zones, ici Torchère, Balme et le CATEX (CAble Transporteur d’EXplosif qui permet de déclencher à distance la zone de falaises entre les deux combes). On doit pouvoir anticiper et savoir où on va tirer en fonction de ce qu’il est tombé, et ça ça vient avec l’expérience. Hier matin [ndlr 24/02/15] j’avais cinq points de tirs sur mon parcours, mais je n’ai pris que trois charges parce qu’avec le peu qu’il est tombé, 15cm, et le vent qu’il a fait, ça suffisait. On a ensuite un itinéraire de PIDA à respecter quand on est en binôme, c’est toujours le même et il permet d’accéder à chaque point de tir en sécurité. Les points de tirs sont pour la plupart toujours les mêmes depuis 40 ans, ils évoluent seulement quand il y a des créations ou modifications de pistes. Car c’est tout le temps les mêmes plaques au même endroit, selon le vent. Le but du PIDA est seulement de sécuriser les pistes : on ne sécurise pas les pentes en hors-piste, comme par exemple le col de Belachat qui n’est pas déclenché, à part certaines fois en PIDA hélico. C’est juste pour que les personnes qui skient sur les pistes soient en sécurité. Concernant les explosifs, ce sont les chefs de service qui commandent en fonction des besoins. C’est en lien avec la gendarmerie et la préfecture, dans un dépôt homologué qui se trouve à la Clusaz. Nous on ne s’occupe pas de ça.
Le premier rôle du pisteur, c’est l’accueil. Ce n’est pas de faire des secours, de skier, de pelleter ou de faire du balisage… C’est l’accueil. Un bon pisteur c’est un mec qui prend toutes les infos nécessaires sur son secteur, qui va voir ailleurs dans les autres également, et toutes ces infos qu’il récupère il peut s’en servir pour informer les gens quand on lui demande « j’ai tel niveau, j’ai envie d’aller là-bas comment c’est, comment on fait pour revenir ici, est-ce que ça craint, est-ce que tu peux me faire un test DVA », des trucs comme ça. Ou simplement une information pour des touristes qui viennent, qui ne connaissent pas la Clusaz, qui cherchent les bons plans où aller, les bons restos, là où il y a le moins de monde, le soleil, etc. Concernant les randonneurs c’est assez particulier, c’est autorisé ici, et la personne qui randonne sur le domaine skiable, c’est souvent quelqu’un qui connait bien le secteur. On leur dit juste de faire attention le soir au damage car les dameuses utilisent des treuils. Et lors des déclenchements, il est interdit de faire de la randonnée. On met un panneau lumineux en bas du parking de Balme indiquant que le ski de randonnée est interdit parce qu’il y a déclenchement, ce qui fait qu’ils ne sont pas en sécurité sur les pistes. Parce qu’avant que l’on vienne déclencher en binômes on fait partir au GAZEX (système de déclenchement à distance au gaz, ces tuyaux en fers qui sortent de la montagne en faisant un coude orienté vers la pente à risque), et il y a parfois des coulées qui descendent sur les pistes. Ensuite les dameuses peuvent passer en sécurité.
Il y a sur nos balises, sur les forfaits, sur les plans des pistes un numéro du service des pistes. Quand la personne se blesse, elle ou un des témoins appelle une de nos secrétaires à ce numéro, qui prend toutes les informations possibles du lieu et de la blessure. Les balises permettent de se repérer, ce n’est pas un ordre de grandeur ou quoique ce soit, c’est juste qu’on met des balises à vue : depuis la 19 on doit voir la 18, et ainsi de suite elles vont sectionner la piste jusqu’en bas. Notre secrétaire leur demande à quelle balise ils sont, si ils ont mis les skis en croix, de quoi la victime de plaint, etc. Ensuite elle appelle les pisteurs : « Central pour les pisteurs de Balme, vous avez un blessé à la balise 6 de la piste bleue de Balme qui souffre d’une blessure au genou » par exemple. Et là on part toujours à deux, avec une barquette. Surtout ici à Balme parce que le secteur est large, très vite pentu, donc seul avec une barquette ça peut rapidement devenir compliqué, surtout en dehors des pistes. Parfois on est au courant de la blessure, parfois non. Quand on arrive sur place, en premier on protège le blessé puis on se présente et on essaie de voir ce que la personne a. Il faut qu’elle nous fasse confiance parce que ça va très vite un secours. On n'est pas des médecins, donc on est là pour faire les premiers gestes d’intervention et d’immobilisation (membres cassés ou entorses, etc.). Pour l’évacuation ensuite c’est à tour de rôle entre les deux cabinets médicaux de la station. Une ambulance fait la navette toute la journée : Ils prennent le blessé au pied des remontées mécaniques ou sur les parkings, et c’est eux qui font le rapatriement du matériel médical : on doit récupérer assez vite ce que l’on a posé sur la victime une fois qu’elle est prise en charge au cabinet car on peut en avoir besoin à nouveau.
Lors d’un secours qui demande une médicalisation, quand nous ne sommes pas compétents pour traiter la blessure, on appelle un médecin au 15 et il nous dit la conduite à tenir. Soit on conditionne (empêcher de bouger pour éviter l’agravation et isolation du froid) et on emmène en bas, soit on fait venir un hélico avec un médecin à bord, un pompier et un gars du PGHM qui vient inspecter s’il n’y a pas eu de problème ou erreur des pisteurs : jalonnage, filets, prévention, etc. Puis la sécurité civile évacue sur tel ou tel hopital en fonction de la gravité de la blessure. On fait parfois ensuite des débriefings entre nous, parce qu’on est une bande de potes qui sont ensemble de décembre à mai et qu’après un gros carton c’est nécessaire d’en parler, ça peut rappeler de mauvais souvenirs à certains. Occasionnellement on provoque une vraie table ronde pour discuter de ça avec un psychologue ou des gens un peu plus professionnels.
Pour moi il y a trois catégories de secours :
-Les plus fréquents, ceux que l’on gère les yeux fermés, genoux, bras cassés, petits doigts pétés, etc,
-Ceux un peu plus délicats, par exemple lorsque la victime est un enfant, ou bien quand c’est douloureux comme l’épaule donc il faut être très minutieux,
-Et puis il y a les accidents où il faut faire venir le médecin, là notre but c’est d’immobiliser et isoler la victime du froid en l’attendant. Pour ça on utilise souvent un matelas coquille (matelas qui se gonfle à la forme du corps) puis on la tient au chaud du mieux qu’on peut. Et bien sur on parle avec elle pour la rassurer, lui montrer qu’on est là, l’occuper, la maintenir consciente, etc.
A chaque fois qu’il y a une avalanche dans un domaine skiable, hormis les possibles témoins, nous sommes les premiers qui interviennent et commencent les recherches. Nous partons sur place avec notre chef de secteur qui va donner les instructions : il délimite le périmètre, indique qui recherche et avec quoi (DVA ou RECCO), il trouve un chemin de repli (en cas de risque de sur-avalanche), une zone d’atterrisage pour hélicoptère, etc. Lorsque les personnes n’avaient pas de matériel type DVA ou RECCO, le plus efficace c’est d’abord les chiens. On les fait venir tout de suite et si ils ne trouvent pas on appelle du monde pour sonder. C’est pour ça que les moniteurs des écoles de ski sont appelés, car pour sonder il faut beaucoup de monde : on organise une ligne de personnes épaule contre épaule qui avancent toutes en même temps pour ratisser toute la zone. Dans le même temps toute la chaine des secours se met en place, pompiers, secours en montagne (PGHM, sécurité civile), etc.
En France les secours sont payants en domaine skiable. L’assurance vendue avec le forfait ça permet de ne pas avancer les frais sur les secours, et la démarche administrative se fait ensuite beaucoup plus rapidement. On a des zones délimitées aux tarifs différents : si on doit faire une barquette dans le mur du Blanchot, ce sera pas le même prix que si on la fait juste devant le poste de secours. C’est aussi un tarif différent en hors-piste : nous intervenons dans tout ce qui est accessible par gravité sur le domaine. Par gravité, ça veut dire qu’on part en se laissant glisser depuis l’arrivée du télésiège le long d’une grande traversée jusqu’à ce qu’on s’arrête à cause d’un obstacle, généralement une barre rocheuse. Dans tout ce qui est en dessous de cette ligne, on intervient. Si quelqu’un fait trois pas en escalier, c’est fini. Ce n’est plus dans ce cadre là, c’est hors du domaine, ce n’est plus nous qui intervenons mais la sécurité civile (ou le PGHM selon les régions) et d’ailleurs à ce moment là le secours est gratuit. En dernier lieu, il y a les pistes fermées. Si il arrive un accident dessus, c’est ce qu’il y a de plus cher comme secours et surtout, c’est là où les assurances ne prennent pas forcément en charge les frais d’intervention.
Une piste on la reconnait parce qu’elle est damée, balisée, jalonnée et sécurisée. On essaie de dessiner des pistes pour avoir des tracés faciles à skier, qu’il y ait le moins d’obstacles (pas d’arbres ou de rochers au milieu des pistes) ou de mouvements de terrain. D’année en année le tracé de la piste est globalement le même avec parfois quelques petites variantes, à cause du vent et de l’enneigement. Il y a une norme française pas très connue, c’est que le jalon droit à la descente possède un bout fluo. Ca permet de savoir si on est sur ou en dehors de la piste dans le brouillard.
J’ai pas le droit à l’erreur. Que ce soit en congé ou au boulot. Au travail, si quelque chose se passe qui aurait pu être évité grâce à nous, comme un jalon ou un filet prévenant d’un danger qui n’a pas été mis, on est en tort. C’est que l’on a pas fait notre travail. On a une feuille de rapport sur laquelle on marque tout, la piste qu’on a inspectée, ce qu’on y a fait, etc. C’est ce qui nous protège en cas de problème, comme lorsqu’on met un panneau ralentir à un embranchement et qu’il y a une collision, la personne ne peut pas dire qu’il n’y avait rien.
Le soir on ferme les pistes, c’est-à-dire qu’on les parcourt toutes en demandant aux gens de descendre et on ne peut laisser personne. Et comme le matin, pour que nos directeurs se couvrent on note la piste que l’on a parcouru. En congé j’ai une énorme responsabilité aussi, pour l’image que je donne en tant que pisteur. « Un pisteur des Aravis coffré dans une avalanche » c’est hors de question. Et moi plus j’en sais, plus j’ai de connaissances sur le milieu et la montagne, plus je flippe. Si je le sens pas, si j’ai la moindre hésitation, je fais demi-tour. Et c’est pas grave, c’est comme ça.
27 Commentaires
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je note ça notamment: "Il y a une norme française pas très connue, c’est que le jalon droit à la descente possède un bout fluo. Ca permet de savoir si on est sur ou en dehors de la piste dans le brouillard."
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Un grand merci aux pisteurs de balme et tout specialement à Gilles et Yannick pour leur professionnalisme leur disponibilit? et leur sympathie.
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"c’est-à-dire qu’on les parcoure toutes en demandant aux gens de descendre et on ne peut laisser personne."
si les gens sont hors des pistes, ca n'est plus votre responsabilité du coup ?
Ca m'arrive de descendre après les pisteurs, samedi dernier par exemple, le pisteur qui fermait la piste m'a demandé le chemin qu'on allait emprunter pour descendre afin de prévenir les dameurs.
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Trop de gens à Balme (et surement ailleurs) se jettent sur des petites barres sans même imaginer ce qu'il y a dessous!
Article intéressant en tout cas!
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En gros, faut avoir : 18 ans, la flèche de vermeil, et ses diplômes de secourisme à jour (PSC1, PSE1, PSE2) pour pouvoir passer le test technique. Ensuite, soit tu l'as et tu files en formation, soit tu te ré-entraines pour avoir le test technique).
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C'est le Yannick qui faisait des rocker day de Salomon ?
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Il devrait y avoir plus souvent "l'inside des stations" !
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Je découvre aujourd'hui, grâce à l'article sur les secours et les assurances (skipass.com ce super reportage qui m'avait échappé. Très instructif.
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