les secrets des trucs qui vous accrochent aux skis
Nouvelle rubrique cette saison sur skipass, le Docteur Matos se propose de vous expliquer tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la technologie de vos jouets préférés sans jamais oser le demander. Attention : cet article comporte beaucoup de mots.
Une fixation est une interface à double sens entre le skieur et son ski. Dans un sens elle transmet la volonté du skieur, c'est-à-dire les forces qui vont diriger le ski. Dans l’autre elle transmet au skieur les vibrations que le ski encaisse en fonction du terrain.
Son rôle principal est de garantir une pratique du ski en toute sécurité. Pour cela elle doit jongler entre deux choses : déchausser lors d'une chute pour que ce ne soit pas un membre du skieur qui subisse l’impact ou la torsion, généralement le genou. Mais aussi ne pas déchausser en encaissant les mouvements de terrain et lorsque le skieur appuie fort sur ses skis, notamment à grande vitesse où un déchaussage pourrait provoquer des blessures.
Il faut voir une fixation de ski comme un système avec de gros ressorts qui maintiennent la chaussure. Lorsque l’on chausse notre ski, le ressort de la talonnière met la chaussure en pression contre la butée et contre le ski.
La butée elle aussi contient un ou des ressorts qui maintiennent la chaussure. Une fixation de ski "éjecte" la chaussure suivant deux axes principaux : latéral et vertical. Les différents modèles de fixations travaillent toutes avec ces deux axes mais ils peuvent être positionnés différemment : sur certains modèles c'est la butée qui gère le déclenchement latéral alors qu'avec d'autres c'est la talonnière. De plus ces deux axes fonctionnent ensemble pour prévenir de tous les styles de chute possibles : en avant, sur le côté, en arrière, en torsion, etc.
Si une force extérieure est suffisante pour comprimer l’un des ressorts jusqu’à un certain point, la chaussure est libérée. C’est le principe de l’élasticité des fixations.
Les fixations de ski ne marchent pas juste en mode ON/OFF : l’élasticité est le mouvement que la partie de la fixation qui retient la chaussure peut faire sans pour autant la libérer lorsqu’une force extérieure intervient. C’est l’aspect le plus important dans la capacité d’une fixation à déchausser ou non. Si une talonnière a 20mm d’élasticité, cela veut dire qu’elle doit bouger de 20mm depuis sa position enclenchée pour déchausser. Si les forces extérieures la font bouger de seulement 19mm, la chaussure ne sera pas libérée et le ressort la fera revenir comme elle était. L’élasticité dépend de nombreux critères et peut être très différente d’une fixation à l’autre.
Ici on voit la différence entre la position chaussure enclenchée (en gris) et le point de libération de la chaussure (en rouge) :
Les fixations Pivots ont une grand élasticité, ce qui veut dire qu’entre ces deux points, si la force ne suffit pas à aller au delà de la position en rouge, la fixation ne déchaussera pas et le skieur pourra continuer sa route. Ce phénomène dont on ne se rend pas forcément compte est à l’oeuvre en permanence lorsque l’on skie et surtout sur terrain accidenté, même si les mouvements de la fixation sont minimes.
Les deux parties d’une fixation, butée et talonnière, ont chacune une plage de réglage chiffrée. Cette plage sert à ajuster la quantité de force nécessaire pour faire bouger la fixation initialement. En fait, lorsque l’on visse pour faire monter le réglage, par exemple de 6 à 8, on comprime le ressort qui est dans la fixation. Il faudra alors lui appliquer une force plus grande pour la faire bouger.
Attention, on parle souvent de réglage DIN en parlant de déclenchement. DIN signifie Deutsches Institut für Normung, un organisme allemand de normalisation. C’est-à-dire qu’une fixation estampillée « DIN certified » répond à certaines normes. Notamment, toutes les fixations certifiées par le DIN ont des réglages équivalents (en gros la quantité de force nécessaire pour mettre en mouvement une fixation d’une marque sur le réglage 6 sera la même pour une autre marque au même chiffre si le deux sont certifiées DIN).
Le réglage du déclenchement est donc non pas le réglage du moment où la chaussure sera libérée, mais le moment où la fixation commencera à bouger en vue d’un déclenchement. Le déchaussage est donc dépendant non seulement de ce réglage, mais aussi de l’élasticité de la fixation.
Vous suivez ? C’est pour cette raison que l’on dit souvent qu’une Pivot doit être réglée plus bas que les autres fixations, car elle est plus « longue » à libérer la chaussure étant donné sa grande course élastique. Par exemple une Pivot et une STH réglée toutes les deux à 6, si on leur applique la même force la STH libèrera en premier la chaussure.
Les skieurs qui ont des fixations avec une faible élasticité ont donc tendance à mettre une plus grande valeur de réglage pour contrer cet effet. Cependant la fixation perd alors en sécurité et on augmente le risque de blessure en cas de chute.
Pour régler des fixations soi-même, il faut être sur de soi et connaitre tous les facteurs qui interviennent : le niveau du skieur, son poids et sa taille, sa condition physique (au cours de la saison comme au cours d’une journée), son style de ski, son âge, la longueur de ses semelles, la longueur de ses skis et le type des fixations. Au moindre doute, ne pas hésiter à aller voir des professionnels.
Les tableaux des normes AFNOR permettent de trouver le réglage qui nous correspond :
Pour les femmes, c'est par ici.
Une fois que l'on a une idée de son réglage optimal, l'idéal est de choisir une fixation où ce réglage se trouve au milieu de plage, ce qui laisse une grande marge de manoeuvre (si on serre à 7 une fixation avec une plage qui va de 4 à 13 sera parfaite, plutôt qu'une qui va de 7 à 15 par exemple).
Il existe d’autres réglages qui dépendent des modèles de fixations. Ces derniers n’influencent pas directement le déclenchement mais peuvent avoir un effet sur lui s’ils sont mal réglés. On retrouve principalement :
-Le réglage de la longueur, qui doit être adapté à la longueur de la semelle de la chaussure (trop long et la fix déclenche plus rapidement, à l’inverse si il est trop court),
-L’écartement des ailettes de la butée,
-La hauteur de la butée,
-Le réglage de la poussée sur certaines fixations, notamment STH.
La poussée, c’est un ressort supplémentaire à l’intérieur de la talonnière de certaines fixations qui sert à lui donner un peu de liberté sur son rail. Cette liberté fait qu’elle peut reculer car lorsque le ski se cambre, les fixations se rapprochent et la chaussure se retrouve comprimée. Cela permet de conserver le véritable flex du ski au patin, sans quoi il serait rigidifié par l'ensemble fixation/chaussure. Dans cette situation, la talonnière recule de quelques millimètres :
Enak explique très bien leur rôle et comment les régler dans Pas mon garage :
Ces fixations ont comme but d’être les plus légères possible. Dynafit est l’inventeur du système Low Tech dont le brevet est tombé dans le droit public en 2007, ce qui permet à d’autres marques de se lancer dans ce secteur. Il s'agit d'un système de pins, de petites pointes qui viennent se loger dans les inserts dont disposent les chaussures adaptées.
La butée est très légère mais a cependant très peu d’élasticité. De plus, la connexion d’insert à insert en métal transmet beaucoup plus les vibrations du ski qu’une fixation alpine. Les butées Low Tech n’ont pas de réglage et possèdent seulement deux positions de déclenchement : la position « Ski », ou la fixation déchausse et la position « Marche » ou théoriquement elle ne déchausse pas. Cette faible élasticité pousse souvent les skieurs qui ont peur des déchaussages à skier avec la butée en position « Marche », bloquée (notamment en pente raide, un sujet qui porte à de nombreux débats).
Une talonnière alpine exerce deux forces sur la chaussure : une vers le bas, et une en avant ce qui la bloque contre le ski et contre la butée (dans la plupart des cas). En revanche une talonnière Low Tech empêche seulement la chaussure de partir, dans un axe vertical ou bien latéral avec chacun son réglage. Soit les deux pins s'écartent et libèrent la chaussure vers le haut, soit la talonnière pivote et elle est libérée d'un côté ou de l'autre. C'est donc elle qui assure le déchaussement car la butée réagit à un déchaussage de la talonnière : si la chaussure est libérée latéralement à l'arrière la force sera suffisante pour ouvrir les pins à l'avant. Le petit écart entre la chaussure et la talonnière a le même rôle que le ressort de poussée sur certaines fixs alpines : si le ski se cambre à cause d'un mouvement de terrain, les pins s'enfoncent et la chaussure se rapproche de la talonnière.
Les skieurs qui ont peur des déchaussages dus principalement à la rigidité du système ont donc tendance à skier avec la butée en position marche qui bloque les pins sur la chaussure et également une valeur de DIN plus élevée qu'il ne le faudrait sur la talonnière, mais la fixation n'est pas faite pour fonctionner avec ce genre de réglage, ce qui peut être dangereux.
Les dernières générations de fixations Low Tech qui font parler d'elles ont un réglage plus sécurisant de la fixation qui répond à une nouvelle norme, la norme ISO 13992. L'institut allemand de certification TÜV (Technischer Überwachungsverein) vérifie que les modèles répondent à cette norme, et pour le moment seulement deux ont obtenu le fameux sésame : la Beast 16 de Dynafit et la Kingpin de Marker.
La Beast 16 :
21 Commentaires
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Merci et bravo!
Connectez-vous pour laisser un commentaire
J'aurais aimé peut-être quelques précisions sur ces fameuses "dernières générations de fixations Lowtech". Entre les Diamir Vipec, les Dynafit Beast et les Marker Kingpin, quelles sont les différences (si ce n'est la talonnière alpine sur la Marker) ?
J'ai cru comprendre que la Dynafit Beast avait une butée avant qui pivotait, ce qui n'est pas apparemment pas le cas de toutes les fixations Lowtech. Y en a-t-il d'autres ?
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Oui sylozof pour te répondre: la butée de la Dynafit Radical 2 pivote aussi, et les pins de la Vipec de Diamir "s'ouvrent" par le bas, enfin les pins de la TR2 de Trab s'ouvrent latéralement (un peu comme la Beast), mais elle n'est compatible qu'avec la Spirit de Scarpa.
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Une fois de plus : SUPER ARTICLE!!!
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Merci winstonsmith pour les précisions.
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Au passage, vu l'évolution des fixs ces dernières années et le rôles important qu'elles ont, je pense qu'il serait intéressant d'avoir un catalogue des fixs (alpin et rando) dans le guide du matos
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Donc -2 sur mes pivot 14/18 par rapport à mes STH16.
En gros STH16 ->Din12/13 Look pivot/Ross FKS Din 10/11.
Après évidemment ça dépend des skis qu'il y a dessous, leur taille, leur flex etc etc..
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Merci pour cet article très intéressant. En revanche la norme Afnor que vous présentez pour le réglage des fix n'est plus d'actualité. Depuis 2 ans, la seule norme de référence pour le réglage des fixations de ski alpin est la norme ISO 11088 y compris en France.
Il y a des différences importantes notamment le fait que la norme ISO11088 ne prend pas en compte la différence de réglage entre hommes et femmes. Pour appliquer cette norme il existe une application gratuite : isoski disponible sur iphone et android : entreprisesdusport.com
Enfin, un petit conseil : faites régler vos fixs par un professionnel !
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Après ce n'es tpas parce qu'une norme n'est plus de référence qu'elle n'existe plus.
Et autre chose. Ne faite pas régler vos fix par des pros si vous savez le faire vous même, vous vous connaissez mieux qu'ils ne vous connaissent, vous savez comment vous skiez, eux non. Vous n'êtes pas tenu par la même obligation de résultat qu'eux sur la sécurité de vos genoux. Vous gardez un ski aux pied vous vous faite mal, si c'est eux qui ont réglé votre fix c'est pour leur pomme, alors ils feront tout pour que ça n'arrive jamais.
Si vous ne savez pas faire, les pros le feront pour vous.
Connectez-vous pour laisser un commentaire
Connectez-vous pour laisser un commentaire